Dolores : « Mon patron a fait de moi une guerrière »

dimanche 14 juillet 2019
par  Rouge Midi
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Nous avons parlé ici à plusieurs reprises du groupe ELIOR, ce géant du nettoyage de la sécurité ou de la gestion comme à la gare de Marseille St Charles où il gère 4 points de vente dont le Monop’ rendu célèbre par les luttes des salarié-e-s en réponse à une direction des plus calamiteuses…Aujourd’hui Rouge Midi donne la parole à Dolorès, jeune déléguée CGT du site.

Dolores : J’ai 30 ans je travaille à Monop depuis l’ouverture en 2010. Je suis aujourd’hui 1re vendeuse ce qui veut dire qu’en principe je suis plus qualifiée que les autres vendeuses mais bon on fait tous et toutes notre travail. Disons que j’ai plus d’ancienneté et une plus grande expérience professionnelle qu’une nouvelle embauchée. Je suis RS CGT (représentante syndicale) au comité d’entreprise et au comité hygiène et sécurité.

RM : Peux-tu nous faire un rapide historique de la situation à ELIOR sur le site de Marseille St Charles ?

Dolores : Les problèmes les plus importants ont démarré en 2017 avec l’arrivée d’un nouveau directeur qui était en fait un dictateur. Avant son arrivée on était restés 7 à 8 mois sans chef d’équipe et c’est nous, en particulier Faïza (aujourd’hui déléguée du personnel CGT) et moi qui faisions office de chef, de manager comme ils disent. On avait des tâches importantes car on n’avait pas de manager. Le nouveau directeur quand il est arrivé, au lieu de tenir compte de ce qui se faisait avant lui, a changé l’organisation du travail sans concertation et puis a dénigré les salariés en niant les compétences acquises. On ne pouvait pas laisser passer ça ! Bien sûr pour gérer une entreprise il faut de la rigueur mais il y a une attitude à avoir avec les salariés. Comme on était des quartiers populaires, qu’on était des arabes et des noirs, il nous traitait comme des imbéciles illettrés. On a réagi pour notre dignité

Au départ on ne savait pas ce à quoi servait les syndicats. Moi je n’aurais jamais pensé m’intéresser à tout ça, les syndicats, la politique…On a commencé à se renseigner. On est allés à l’union locale CGT de Marseille centre-ville car des collègues nous avaient parlé de ce syndicat.
On a raconté notre situation et l’UL nous a mis en contact avec Nordine, un camarade responsable local de la CGT commerce. Immédiatement ça a bougé. Il a alerté la direction générale sur le comportement du nouveau directeur local. Au début on était 4 à nous plaindre. On nous changeait nos plannings du jour au lendemain et plein d’attitudes pour nous contrarier. On a commencé à noter. La 1re grève a eu lieu en mars 2018.

Du coup on a remonté plein de choses qu’on avait laissé passer par crainte de ses réactions notamment la fameuse mention « chocolat » sur la fiche de planning de Nadia. La 1re grève on n’était pas nombreux. On avait bloqué que 2 magasins sur 4 mais on a eu de suite le soutien de camarades de la CGT et de l’ANC qui étaient là dès 5h du matin.

La direction nationale est descendue en disant qu’elle allait tout arranger. Elle nous a proposé à Faïza et moi les postes de manager mais on a refusé car ce n’était pas correct comme manière de faire. Ils pensaient nous acheter alors que nous on voulait dénoncer les injustices dans l’entreprise. On est tous égaux.
En fait en guise d’arrangement, deux mois plus tard en mai 2018 les convocations pour licenciement ont commencé à tomber pour nous faire peur. Il y a eu 3 licenciements. On a été à l’inspection du travail. On a demandé leur réintégration mais on avait moins de hargne qu’aujourd’hui. On a voulu dialoguer et en fait ils ont joué avec nous et ils ont acheté les licenciements. Notre stratégie n’était pas bonne. Les salariés avaient peur et ça nous a servi de leçon.

On a changé de stratégie. On est allé voir les salariés un par un pour reprendre le dialogue et donner confiance alors que pendant ce temps on a tous été convoqués.

Ils ont recommencé en 2019 avec 2 licenciements mais là ils ont dû reculer. Qu’est-ce qui a changé qui vous a permis de gagner cette fois-ci ?

Notre stratégie a changé. On s’est formés. J’ai changé du tout au tout. J’ai compris comment il faut se comporter en face d’eux. Il ne faut pas laisser prise à la faute. Je ne réagis pas au quart de tour. J’écris et je les mets devant leur responsabilité. Ils ont vu qu’on était bien suivis. La formation syndicale a été efficace. On est des jeunes, on est unis, on est formés, on est suivis, on ne peut que devenir des guerriers. C’est la 1re fois qu’on a été capables de bloquer tous les points de vente et on a reçu le soutien de l’UL mais aussi de l’union départementale avec des syndicats qui sont venus nous appuyer. On n’est plus les 4 du début mais il y a tous les salariés. Même la direction nationale a été obligée de le reconnaître puisqu’elle nous a dit lors d’une rencontre « Vous êtes de plus en plus ! Donc il y a un problème. »

Peu à peu les salariés se sont syndiqués et on a été de plus en plus nombreux. S’ils n’avaient pas réintégrés Guillaume et Elyesse on serait partis en grève illimitée. On savait qu’on avait du soutien et qu’il serait aussi financier pour nous permettre de tenir et qu’en plus cela intervenait pendant la saison d’été, la saison où la boite fait le plus d’argent.

A l’issue de ce conflit plusieurs d’entre vous ont décidé d’adhérer à l’ANC. Pourquoi ?

Parce que c’est la continuité de la CGT au niveau politique. Jamais j’aurais cru que je me serais syndiquée et ça m’a énormément enrichie dans ma vie sociale. Demain mon engagement politique pourra encore élargir mon regard et m’enrichir. Il faut là aussi que je me forme. Aujourd’hui mon patron il a créé une guerrière par ce manque de respect que j’ai vu. Je vais m’armer, je vais m’instruire. « Vous avez cru que parce que j’étais noire, que j’étais des cités que vous pourriez faire ce que vous voulez et bien je vais vous montrer le contraire. Je suis pas plus bête qu’un blanc ».

Donc si je comprends bien on te donne rendez-vous aux estivales, aux prochaines initiatives de l’ANC et bien sûr aux cours de formation du Cercle Manouchian ?

Avec plaisir !


En médaillon, Guillaume, Dolores, Faïza et Nadia



Commentaires

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mardi 30 juillet 2019 à 09h02 - par  ZIANI NORDINE

un très bon article qui résume l’ensemble des luttes pour les camarades Elior .
cette jeunesse prouve que la relève est là .

Hasta siempre

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