Hommage à Rosy SANNA

vendredi 8 avril 2022
par  Charles Hoareau
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Ce matin avait lieu l’hommage à Rosy SANNA maire de La Ciotat de 1995 à 2001. Le lieu même de cet hommage était de par son nom tout un symbole. Certains n’auront retenu que le fait qu’il s’agit de l’entrée de la mairie, pour ma part je retiens que c’est « l’espace du 26 avril 1990 » du nom de la marche des chômeurs de La Ciotat qui eut lieu ce jour-là, nom donné par Rosy SANNA, en souvenir de cette marche qui avait vu 500 chômeuses et chômeurs de la ville vêtus de tee-shirts blancs dénonçant le chômage, marcher toute une journée du matin tôt jusqu’au soir pour arriver à Marseille où une manifestation de la CGT les attendait.

Ce matin Il y avait du monde pour cet hommage mérité à celle que tout le monde ici appelait Rosy. Dans les hommages, y compris de la part de la maire actuelle, pourtant LR, cette droite qui s’était opposée à la réouverture et plaidait alors pour des marinas, dans les hommages donc, dans les conversations, dans les têtes s’entremêlaient souvenirs de cette lutte homérique et images de Rosy tant les deux sont liées à jamais dans l’histoire de La Ciotat.

En septembre 1989 quand je suis arrivé à La Ciotat, les élections municipales venaient d’être gagnées par un maire qui en faisant alliance avec l’extrême droite, avait pris la ville à une municipalité dont les élus PCF, quoiqu’ils aient pu en dire, ne croyaient plus guère à l’avenir de la navale. Il restait dans le chantier 105 occupants (c’est le nombre officiel mais bon en vérité ils avaient été souvent bien moins nombreux) rescapés d’une année d’occupation décidée un an plus tôt, le 6 octobre 1988. Les 105, et avec eux, toute la CGT, ne voulaient pas lâcher « leur » chantier dans une ville qui construisait des bateaux depuis 600 ans. Ils ne voulaient pas lâcher contre le pays et les injonctions européennes qui voulaient faire de notre région un « bronze-cul » comme l’a rappelé Karim Guendouz élu PCF de la ville qui ce matin, a prononcé le discours d’hommage.

Un accord avait même été signé à l’été 1989 avec Bernard Tapie et le gouvernement qui laissait la porte ouverte à un redémarrage mais Tapie avait vite refermé la porte et l’accord ne s’appliqua pas.
Dans la ville des années de bataille contre la fermeture avaient laissé le mouvement ouvrier totalement à la ramasse. Les deux organisations (CGT et PCF) qui avaient été très fortes du temps du chantier avaient un genou à terre et la section du parti était victime de ses dissensions qui avaient éclaté au grand jour suite à la défaite municipale.

C’est dans ces conditions que, arrivant sur La Ciotat, je fus bombardé en quelques jours secrétaire général de l’union locale CGT et membre du bureau de la section du PCF…et c’est ainsi que j’ai connu Rosy dans les réunions de section squelettiques de l’époque.
Comme l’a dit Karim, Rosy releva le drapeau tombé à terre. Elle était la seule comme élue qui n’avait jamais lâché la lutte.

Puis il y a eu les années de poursuite du combat. Rosy était toujours là y compris au côté du turbulent et nombreux comité chômeurs de l’époque et c’était loin d’être simple…

Je me rappelle aussi que suite à son élection en 1994 comme conseillère générale (aujourd’hui on dit départementale) que nous fêtions à Aubagne au Cercle de l’Harmonie j’avais lancé le slogan immédiatement repris : « Rosy à la mairie » en pensant évidemment aux municipales qui allaient suivre un an plus tard.

Elle était venue près de moi et m’avait chuchoté en riant un « salopard » complice qui m’est resté en mémoire. Je revois encore son regard pétillant derrière ses lunettes. Elle ne voulait pas les honneurs mais elle savait que c’était elle qui devait reprendre le flambeau, elle en qui reposait nos espoirs. Le slogan des chômeurs de l’époque était tout simple : « Pour l’emploi votez SANNA ». Nous étions en pleine « vague bleue » comme on disait à l’époque quand la droite marquait des points électoraux. Ici la presse locale avait titré « La Ciotat : la vague à l’envers ».

Aux municipales qui suivirent, les 4000 chômeurs de la ville votèrent massivement pour la liste conduite par Rosy, plaçant de grands espoirs dans la nouvelle équipe qu’ils contribuaient grandement à mettre au pouvoir. Elle devint donc maire et dans la foulée présidente de la SEMIDEP, la société d’économie mixte qui actait le redémarrage d’un chantier naval et d’entreprises satellites.
La suite fut plus difficile et douloureuse et lui valut le surnom de l’élue courage. Je ne m’étendrais pas là-dessus mais celles et ceux de la ville qui ont le combat au cœur savent…

C’est ce sentiment et ces souvenirs qui nous font, Pierrot et moi tomber dans les bras l’un de l’autre ce matin…
30 ans déjà et tout est encore à fleur de peau. Les escaliers des 10 étages de la banque Worms à Paris montés côte à côte en courant, les meetings au chantier, les manifs dans la ville et ailleurs, les multiples facettes du combat de la saisie de l’huissier à la prise de la vedette des gendarmes, toutes les fois où on a peint sur les murs LA CIOTAT VIVRA ! les moments d’espoir et de découragement…
De près ou de loin Rosy avait été mêlée à tout cela.

Une journaliste a voulu interroger Pierrot au moment où je le retrouvais après toutes ces années. Par délicatesse elle s’est retirée devant nos effusions et nos larmes témoins d’un passé qui remontait à la surface.

Et puis bien sûr, les discours finissants, la sirène du chantier a retenti faisant frissonner dans l’assistance toutes celles et tous ceux pour qui elle avait été des années durant signal d’appel au rassemblement, à la lutte, à la défense de nos camarades et de notre outil.

Rosy, tu es comme La Ciotat, toi aussi tu vivras !

La Ciotat le 7 avril 2022



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