Les larmes de Nazim Hikmet

lundi 4 décembre 2006
par  Charles Hoareau
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Il n’a pas fallu longtemps pour que la nouvelle se répande, un jeune de 22 ans s’est suicidé, victime d’un monde aux lois inhumaines.

Ironie du sort...

Kazim (presque le même prénom que le poète) avait fui la Turquie depuis que sa femme et lui avait vu mourir plusieurs membres de leur famille dans des assassinats politiques dont la démocratie turque n’a malheureusement pas le monopole mais qui n’ont jamais provoqué un élan d’ingérence humanitaire comparable à celui qui met quotidiennement le feu en Irak depuis plus de 15 ans.

Kazim, travaillait, au noir d’accord mais il travaillait, avait deux enfants de 2 ans et 2 mois, il pensait que cette bête question de papiers s’arrangerait un jour. Un matin de novembre tout a basculé. Des policiers se sont présentés sur son chantier dans le Vaucluse et l’ont arrêtés ainsi que deux collègues turcs sans papiers eux aussi.

L’employeur, lui, n’est pas en prison. Il faut bien que l’économie tourne. Il n’y a pas eu de bavure, c’est la loi. Celle du fric. J’entends d’ici nos gouvernants expliquer - s’ils y sont obligés - qu’on ne va pâs changer une « bonne » loi parce que quelqu’un fait un acte désespéré. Mais c’est justement ces lois qui produisent du désespoir !

Il n’a donc pas fallu longtemps pour que se rassemblent devant le centre de rétention des militant-e-s de différentes associations et organisations, des habitant-e-s du quartier, ce dimanche à midi.

L’heure n’était pas aux discours enflammés. Marie Ange a lu un texte Mahmoud Darwich [1], un autre copain, les larmes dans la voix, a récité un poème de Nazim Hikmet [2].

Alain du MRAP avait préparé un texte au cas où...

Puis une minute de silence, puis l’accroche des fleurs aux grilles de la prison.

Pour la femme de Kazim une question se pose : « Où aller ? ». L’Espagne où des économistes viennent de s’apercevoir que les 3 millions d’immigrés entrés depuis 2000 avaient assuré à eux seuls la moitié de la croissance .du pays ? L’Italie ? L’Allemagne où là bas aussi il y a des régularisations massives ?

En tous cas elle ne retournera pas en Turquie : « J’ai trop peur. » Ni en France : « Je ne veux pas revivre ici ce que j’ai vécu en Turquie. »

Sarkozy a fait d’une pierre 4 coups, et hop ! 4 « immigrés » dont deux nés en France de moins...

A Lyon un avion militaire spécial - ne regardons ni à la dépense ni aux moyens - est affrêté pour une famille kosovar....

Hier j’ai eu Abdoulaye au téléphone. Il a encore mal à l’épaule et pense qu’il aura des séquelles de son embarquement forcé. Mais pour lui ce n’est pas le plus grave : comment va-t-il vivre maintenant dans une Afrique pillée par les pays riches ?

Il m’a demandé des nouvelles de la lutte ici...
Je ne lui ai pas parlé de Kazim...

Nazim Hikmet, l’universaliste, doit pleurer dans sa tombe..

Kazim, nous continuerons, la rage au coeur, avec encore plus de raisons de le faire...


photos : Rouge Midi et R.E.S.F.


[1Poète palestinien

[2Poète turc 1901-1963 longtemps exilé à cause de son appartenance au parti communiste turc



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Texte du Mrap

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mercredi 6 décembre 2006 à 10h30 - par  Titophe
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