Regards de décembre 2006

Rail : la bataille continue, Pays Bas : la leçon des partisans du NON
dimanche 17 décembre 2006
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RAIL : LA COOPERATION COMME ALTERNATIVE A LA CONCURRENCE

La libéralisation des transports ferroviaires se poursuit sur le plan européen par « paquets » successifs. Alors même que le premier paquet, visant à libéraliser le marché international du fret, n’est toujours pas transposé en droit national dans tous les Etats membres, le Parlement européen et le Conseil des Ministres des 25 examinent actuellement le troisième « paquet » qui concerne les transports de voyageurs (le vote au Parlement européen en deuxième lecture est prévu le 18 janvier).

Le rapporteur parlementaire, un démocrate-chrétien allemand, propose la libéralisation des services internationaux de voyageurs au 1er janvier 2008 complétée par l’ouverture des lignes nationales de voyageurs en 2015. Il rejette également la possibilité de limiter les droits d’accès sur les lignes qui font l’objet de contrat de service public. Il n’y pas de désaccord avec le Conseil sur la libéralisation des services internationaux mais seulement sur l’échéancier.

A Paris comme à Bruxelles, l’objectif est de mener à son terme le processus de libéralisation engagé en 1991 avec la première directive 91/440 qui avait été jugée par certains syndicats comme un espoir pour le trafic, la sûreté et l’emploi. Aujourd’hui, ils déchantent ! Pendant ces quinze années, aucun bilan n’a été réalisé des libéralisations effectuées, que ce soit en matière sociale, d’environnement ou d’aménagement du territoire.

Aucun enseignement n’a été tiré du bilan désastreux de la privatisation du rail en Grande-Bretagne. En Europe, le bilan, c’est la diminution de la part du rail dans le fret au profit de la route, [1] c’est la perte de 60 000 emplois, ce sont des problèmes de sécurité et de nombreuses lignes de transport régional fermées.

Les syndicats de cheminots dans tous les pays d’Europe se déclarent opposés à ce troisième paquet mais sans une forte mobilisation qui pourrait permettre de changer le rapport de forces et de stopper ce processus ?

L’ex-ministre de la gauche plurielle, Jean-Claude Gayssot, a, de son côté, dénoncé « la logique de la rentabilité à tout prix imposée par l’Europe et le gouvernement » et souhaité faire grandir « l’exigence d’un transport ferroviaire public de voyageurs et marchandises »(« l’Humanité » du 26 mai 2006).
Pourquoi n’a-t-il pas fait preuve de la même fermeté en décembre 2000 au lieu d’accepter au Conseil des ministres des transports des 15 l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires de marchandises ? Une fois la brèche ouverte, elle a été rapidement élargie : après le fret international et national, les voyageurs !

La « bataille du rail » n’est pas encore perdue mais, pour la gagner et bloquer l’engrenage de la libéralisation, la mobilisation des cheminots et des usagers doit être portée à un niveau beaucoup plus élevé. Il ne s’agit pas seulement de « modifier la législation européenne », comme le propose la Fédération européenne des Travailleurs des transports membre de la CES, qui aboutirait en quelque sorte à adoucir les libéralisations.

Il s’agit aujourd’hui de faire échec à ce troisième « paquet » de libéralisation et de faire aboutir des propositions alternatives fondées sur le maintien et le renforcement du service public, la coopération des réseaux publics sur le plan européen et le développement des coopérations sur le plan international avec l’objectif de pouvoir disposer de transports sûrs et de qualité, accessibles au plus grand nombre, respectant l’environnement et la cohésion territoriale, créant des emplois.

Grâce à leur mobilisation, les dockers et les personnels des ports ont réussi, à deux reprise, en 2003 et 2005, à faire échec à la directive de libéralisation des services portuaires. Un encouragement et un exemple à suivre pour le rail !


PAYS-BAS : LE PROLONGEMENT DU NON A LA CONSTITUTION EUROPEENNE

Sous le titre « Un an après le rejet de la Constitution européenne, les Pays-Bas se refusent à rouvrir le débat », le journal « Le Monde » du 18 octobre soulignait : « Les principaux partis [2] se sont arrangés pour éviter de revenir sur le débat européen dans la campagne. Leurs états-majors, qui s’étaient tous engagés en faveur du oui, préfèrent se taire sur le sujet, se contentant de plaider pour des réformes de l’Union ».

Aux législatives du 22 novembre, les électeurs néerlandais n’ont pas oublié leur vote de juin 2005 sur le Traité de Constitution européenne en triplant le nombre de voix du « Socialistische Partij » (SP). Fondé en 1972 à partir d’une scission du Parti communiste néerlandais, ce parti s’est mobilisé contre la première guerre d’Irak.

Résultat : en 1994, il a obtenu deux élus au Parlement national puis deux élus au Parlement européen en 2004 (qui adhèrent au groupe GUE/NGL). Il est également présent dans de nombreuses municipalités. Fortement opposé à l’OTAN, il s’est battu pour une diminution importante du budget de la défense. En juin 2005, il a été un des principaux artisans du rejet de la Constitution européenne par le peuple néerlandais (61,6% pour le non). Quelques semaines avant les législatives, un sondage indiquait que 64% des électeurs voteraient non si le Traité européen était de nouveau soumis au vote. Loin de reculer, l’opposition à la construction européenne actuelle avait progressé malgré les tentatives des partis au pouvoir d’évacuer les enjeux européens.

En 2003, le « Parti Socialiste » a condamné l’agression des Etats-Unis contre l’Irak et s’est opposé à l’engagement des Pays-Bas en Irak aux côtés des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Il s’est également mobilisé contre les mesures antisociales du gouvernement : diminution des allocations sociales et des indemnités de chômage, développement de la flexibilité du travail longtemps citée en exemple par de nombreux gouvernements de l’Union européenne (de droite comme de gauche).

Le « Parti Socialiste », que de nombreux observateurs jugeaient « marginal », est le grand vainqueur des législatives. Il effectue une percée spectaculaire passant de 6,3 à 16,6% des voix et de 9 à 25 élus (sur 150). Il devient ainsi le troisième parti aux Pays-Bas derrière les sociaux-démocrates (PvdA) avec 32 sièges, les démocrates-chrétiens (CDA) avec 41 sièges mais devant les libéraux (VVD) avec 22 sièges et les Verts (Groen Links) avec 7 sièges.

A l’issue du vote, le secrétaire général du SP, Jan Marijnissen, a déclaré : « Le peuple néerlandais a voté contre le néo-libéralisme et pour une société plus sociale et plus humaine ». En moins de quinze ans, le « Parti Socialiste » est sorti de la marginalité pour devenir un grand parti grâce essentiellement à l’action persévérante menée, même à contre-courant, contre la guerre et le néo-libéralisme et pour les droits des travailleurs.
Un exemple à suivre et à méditer !


[1Avec toutes les conséquences pour l’environnement que cela entraîne NDLR

[2NDLR : social-démocrate, libéral, démocrate-chrétien



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