Rue de la Paix

mercredi 27 décembre 2006
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Un instituteur suspendu 4 mois, un parent d’élève mis en garde à vue, une descente de la BAC (Brigade Anti Criminalité) dans l’école primaire, il s’en est passées de drôles ces derniers temps rue de la Paix, une petite rue au centre de Marseille qui abrite une charmante école du même nom et jouxte le palais de justice...

La paix et la justice deux symboles malmenés pour Sophie, mère d’élève qui nous raconte cette histoire qui
« commence par un beau projet, celui d’une classe de neige pour des enfants de ZEP pour la plupart jamais sortis de Marseille, voire de leur quartier... et qui finit devant les tribunaux. »...Du moins pour l’instant

I Un beau projet...

« A l’initiative d’un enseignant volontaire, le projet consiste à transplanter la classe 14 jours à la montagne dans un centre agréé pour ce type de classe de neige : cours le matin, découverte de la montagne l’après-midi
Des semaines à monter le projet, décrocher les financements, arriver à rassembler les papiers nécessaires pour l’indexation sur le revenu pour toutes les familles (qui n’ont pas de moyens, le plus souvent), des semaines à discuter avec certains parents qui avaient vraiment peur de lâcher pour la première fois le petit, la petite (qui ne dormira pas à la maison pendant 13 jours) ....

Bref, pas mal de travail de préparation, du coup, tout le monde était aussi très investi, parents et enfants ...

Il y a 10 jours (début décembre NDLR) tombe l’avis défavorable de l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription..

Stupeur des enfants et des parents !
L’association des parents d’élèves et 3 parents de la classe concernés demandent par courrier des explications. Nous sommes reçus par M. H mardi 12 à 16H30. Il nous informe que son avis défavorable est fondé sur une très mauvaise impression qu’il a de l’enseignant : « j’ai des observations et des renseignements » mais refuse évidemment de nous dire d’où exactement (...)
M. H est venu vendredi dernier [15 décembre] passer du temps dans la classe et interroger l’enseignant sur ses pratiques et méthodes de travail. »

Le lundi les parents ne réussissent à avoir aucune réponse. Or le temps presse car comme le dit Sophie « la classe de neige est prévue en janvier et beaucoup de choses restent à préparer (notamment une bourse aux vêtements de ski pour les familles qui pour la plupart n’ont pas les moyens de se les payer ...). Déterminés à savoir ce qu’il en est, 5 parents rentrent dans l’école (sans aucune violence), frappent poliment à la porte de la directrice. Elle nous dit qu’elle n’est pas au courant, elle vérifie les messages e-mail du matin : rien à ce sujet. Nous l’informons alors que nous montons en classe et y attendrons patiemment la réponse de M. H. »

II Mardi 19 : action répression

« Le maître fait classe normalement, nous informons la presse de notre présence dans l’école et attendons des nouvelles. Le tout dans le plus grand calme.
Une demi-heure plus tard, l’inspecteur arrive et nous demande de quitter la classe pour aller s’expliquer dans le bureau de la directrice : évidemment nous n’avons rien à faire là ...

Il nous signifie alors son refus de classe de neige au motif que l’enseignant est jugé par lui : « indigne de l’éducation nationale », sa classe étant un « désert cognitif et pédagogique ». Les parents d’élèves contestent ce point de vue : ils sont bien placés pour apprécier les progrès scolaires de leurs enfants et le contexte éducatif épanouissant avéré depuis le début de l’année. Nous ne sommes pas dupes du dossier à charge monté contre l’enseignant dans la ligne de mire de ses supérieurs hiérarchiques pour ses méthodes de pédagogie active (dont certaines pratiques sont héritées de Freinet), son engagement syndical et sa militance citoyenne en faveur des sans papiers (RESF).

Refusant que les enfants soient pris en otages dans cette affaire puisqu’on les prive de classe de neige sous des prétextes fallacieux : nous contestons donc le point de vue de M. H et l’informons que nous demandons la tenue d’un conseil d’école extraordinaire. Nous remontons en classe, décidés à y rester jusqu’à être informé d’une décision en ce sens. »

Ils n’attendront pas longtemps et en guise de dialogue ils voient arriver...

La BAC dans l’école !

« Des policiers de la brigade anti-criminalité arrivent à l’école. Nous sortons calmement de la classe pour nous expliquer : aucune agressivité de notre part, les policiers sont sereins : tout le monde doit venir déposer au commissariat et pour eux, l’affaire sera vite réglée ...

Sauf que les inspecteurs ont bien préparé la cabale : ils portent plainte pour entrée illégale dans l’école, outrage et violence volontaire sur agents du service public. [violence que contestent catégoriquement les parents NDLR].
Nous sommes entendus au commissariat vers midi. Maurice est mis en garde à vue. Une maman et moi-même sommes relâchées mais convoquée à nouveau à 14H15 comme témoins.
Au commissariat il nous a clairement été dit que l’affaire prenait une sale tournure pour nous en raison de nos faits de communication vers la presse et notamment l’AFP. L’affaire est arrivée en haut lieu au niveau national et les ordres sont immédiatement redescendus dictant manifestement une extrême sévérité à l’égard des parents.
Maurice a passé la nuit au trou, sans ses lacets en délinquant qu’il est !
Nous restons libres « parce que vous êtes des femmes » (sic !) mais convoquées au tribunal en janvier. »

III Mercredi 20 : on s’organise

« Cet après-midi, Maurice a été envoyé devant le procureur l’affaire est renvoyée devant le tribunal pour un jugement en mars il est enfin relâché.
Le jour même de cet incident à l’école, l’enseignant, bien que non impliqué, a été suspendu de ses fonctions - ! -
Nous défendions simplement une classe de neige pour des enfants en ZEP - nos enfants - et soutenions - la qualité du travail d’un enseignant de valeur que l’éducation nationale souhaite - visiblement -écarter. »

Tous des syndicats d’enseignants se réunissent et décident d’agir ensemble contre cette répression d’une exceptionnelle gravité.

IV Jeudi 21 et vendredi 22 : la riposte

Jeudi à 16h 30 est convoqué un rassemblement devant l’école et malgré la rapidité et la période de fêtes qui s’annonce, rapidement la rue est bouchée par des parents d’élèves, des enseignants et des militants de la cause des sans papiers qui ont connu Erwan, l’instituteur sanctionné, et ne manquent pas de faire le lien entre la sanction et son engagement. Une nouvelle entrevue avec la direction de l’école ne donnant rien il est décidé un nouveau rassemblement le lendemain devant l’inspection académique.

En tous cas le rassemblement, lui, nous aura permis d’apprendre plusieurs choses :

-  Erwan a été remplacé le jour même de sa suspension, ce qui prouve que lorsque l’Education Nationale veut mettre les moyens elle sait les mettre !!!On s’en souviendra la prochaine fois où il manquera de remplaçants...

-  L’inspecteur d’académie s’est présenté aux élèves pour leur proposer de partir en classe de neige avec leur tout nouveau instituteur !! Ce qui a fait répondre à une de nos charmantes têtes blondes (ou brunes...) que c’est avec Erwan qu’ils veulent partir ! Bravo M. l’inspecteur vous êtes en train d’apprendre aux élèves la lutte des classes (et pas seulement de neige !).

VI Affaire à suivre

Vendredi la délégation reçue s’entendra dire que Erwan ne sera pas révoqué (encore heureux !!) mais si on a bien compris il faut qu’il se coule dans le moule....

C’est quoi déjà qu’il y a d’écrit au fronton de l’école de la rue de la Paix comme à ceux de toutes les écoles de France ?



Commentaires

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lundi 22 janvier 2007 à 19h13 - par  vincent
lundi 8 janvier 2007 à 00h23

Bonsoir

Il vous faudrait un ou deux bons Avocats...

Bon courage

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mardi 2 janvier 2007 à 17h38 - par  Licite de Marseille
Site web : Rue de la paix

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