REFUSONS CES CHAINES QUON VEUT NOUS IMPOSER

vendredi 27 mai 2005
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Depuis le mois de septembre, de Perpignan à Bayonne, de Toulouse à Valenciennes, de Brest à Grenoble, de Bordeaux à Besançon, j’ai donné plus de 125 conférences. Je n’ai pas parlé de la Constitution, je l’ai montrée. Ceux qui sont venus ont pu au moins lire les articles que je leur ai présentés.

Je ne parle pas au nom d’un parti, ni même d’une association. Je m’exprime comme un simple citoyen qui porte la voix de ses semblables, de celles et de ceux que j’ai rencontrés dans nos villages et nos faubourgs, dans nos hameaux et nos quartiers qui, spontanément, se lèvent partout pour rejeter les chaînes qu’on veut leur imposer.

Il y a, au moins, cinq raisons de dire « non » le 29 mai. Au moins cinq.

1. Je suis contre ce traité auquel on donne la force d’une Constitution, parce qu’une Constitution, c’est un texte court, précis, accessible au plus grand nombre. Une Constitution, c’est un texte qui rassemble.

On nous demande de dire « oui » à un texte de 448 articles qui exigent en plus la lecture de 440 pages d’annexes pour être interprétés valablement.

On nous demande de dire « oui » à un texte confus, un texte qui ne définit pas un certain nombre de concepts, un texte dont certains articles sont contredits par d’autres ; un texte qui n’a pas simplifié les traités existants et qui n’a pas simplifié les institutions existantes. On nous demande de dire « oui » à un texte d’une complexité telle qu’il est bien souvent incompréhensible. Enfin, on nous demande de dire « oui » à un texte qui provoque, dans plusieurs pays d’Europe, des déchirements profonds.

Comment peut-on accepter une Constitution de 448 articles ?

Comment peut-on se reconnaître dans un texte confus et contradictoire ?

Comment peut-on dire « oui » à quelque chose qu’on ne comprend pas ?

Comment peut-on soutenir un texte qui divise ?

2. Je suis contre ce traité à propos de l’Europe parce qu’il renie les valeurs nées en Europe :

- c’est en Europe qu’est né le principe de laïcité ; la Constitution ne le consacre pas ; elle reconnaît les Eglises ce qui lui permet de les subventionner ; elle permet la manifestation des opinions religieuses dans les espaces publics ;

- c’est en Europe que fut arraché - et à quel prix ! - le principe : « tous les pouvoirs émanent du peuple » ; ce principe fondateur de la démocratie n’est ni inscrit, ni mis en Å“uvre dans ce traité ayant force de Constitution ;

- c’est en Europe qu’on a établi les caractéristiques principales de la démocratie : séparation des pouvoirs, contrôle parlementaire du pouvoir exécutif. Le texte qu’on nous demande d’accepter organise la confusion des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif. Il constitutionnalise ce qu’on appelle, depuis près de 50 ans, le « déficit démocratique européen » : la Commission, qui n’est pas issue du suffrage universel, conserve le monopole de l’initiative législative ; l’institution suprême de la décision européenne, le Conseil des Ministres, n’est comptable de ses choix politiques devant personne, ni devant nous, ni devant ceux que nous élisons à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen ;

- c’est en Europe que furent arrachés, au prix de luttes politiques et sociales extrêmement dures, les droits collectifs, ces droits sociaux qui organisent la solidarité dans une société de liberté ; ce que la Constitution et la loi françaises ont consacré, ce qui se trouve aussi dans les Constitutions et les lois de très nombreux pays d’Europe, ce qui se trouve enfin dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le droit à l’éducation et à la culture, le droit à la santé, le droit au travail, le droit au logement, les droits à prestation, aucun de ces droits, mis à part le droit à l’éducation et à la culture, n’est consacré dans cette Constitution bâtarde qui se contente de nous concéder la permission de travailler ou qui se limite à « reconnaître et respecter » ce qui existe dans les Etats sans le prendre à son compte ; je défie les dirigeants du Parti socialiste et des Verts de citer les articles de ce traité qui consacreraient le droit au logement, le droit à un minimum d’existence, le droit à un salaire minimum, le droit à une allocation de chômage, le droit à une pension de retraite. Ils n’y sont pas ! 19 millions de chômeurs en Europe attendent de ceux qui se disent de gauche autre chose que des politiques qui prétendent faire du social avec du libéral.

- c’est en Europe qu’ont été conçus les services publics, ces outils qui permettent aux pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux, de rendre les droits collectifs accessibles à tous ; la Constitution qu’on veut nous imposer ignore la notion de service ; elle ignore les services publics ; elle ne parle que des services d’intérêt économique général qui sont soumis aux lois de la concurrence et à la logique de la rentabilité ;

- enfin, c’est en Europe que le principe d’un ordre mondial basé sur la force du droit plutôt que sur le droit de la force a été conceptualisé ; la Constitution qu’on veut nous imposer soumet la politique étrangère et de défense de l’Europe à l’OTAN, l’OTAN qui n’est pas une institution européenne, mais dont il est clairement écrit qu’elle est « le fondement de la défense collective et l’instance de sa mise en Å“uvre. » Qui, en dernier ressort, dirige l’OTAN ? Le Président des Etats-Unis d’Amérique.

Ce texte n’est pas l’Europe, ce n’est qu’un mauvais texte à propos d’une vision de l’Europe étrangère à l’Europe. Ce n’est pas le projet de ma génération.

3. Je suis contre ce traité parce qu’il rompt avec ce qui fut pendant près de 50 ans la raison d’être et le moteur de la construction européenne : l’harmonisation par le haut ; l’espérance européenne est d’abord un espoir d’égalité entre les peuples : égalité du niveau de vie, égalité des chances. Ce traité abandonne l’harmonisation pour la compétition, puisque l’harmonisation dépendra désormais des règles du marché et non plus de la volonté commune des Etats membres.

4. Je suis contre ce traité parce que ce n’est pas une Constitution ; c’est un catéchisme néolibéral :

- ce texte reconnaît comme fonctions essentielles des Etats des fonctions exclusivement sécuritaires ;

- ce texte subordonne toutes les politiques sociales et environnementales aux lois du marché ;

- ce texte remplace l’économie de marché réglementée et encadrée que nous avons pratiquée depuis la Libération et qui est compatible avec un fort niveau de protection sociale, par une économie de marché désormais conforme aux règles de l’OMC, une économie de marché où « la concurrence est libre et non faussée » ;

Cette caricature de Constitution consacre un principe : « tous les pouvoirs émanent de l’argent. »

5. Enfin, je suis contre cette Constitution parce qu’on ne pourra pas la changer. Pourquoi ceux qui auront dit « oui » voudraient-ils aussitôt changer ce qu’ils auront accepté ? A 25 aujourd’hui, à 27 dans deux ans,

- avec des pays dont les gouvernements, conduits par des libéraux de droite ou de gauche, nous disent qu’ils veulent l’unanimité pour qu’il n’y ait aucune modification en matière fiscale, en matière sociale, en matière agricole, en matière environnementale ;

- avec des pays qui considèrent que les concessions faites pour adhérer à l’Union représentent l’effort maximum d’une génération,

la règle de l’unanimité, unique au monde, va imposer cette Constitution non seulement à nous-mêmes, mais à nos enfants et petits enfants.

C’est cela que veulent imposer aux générations futures les septuagénaires Giscard et Chirac, Mauroy et Rocard et l’octogénaire Delors. Tous les âges sont respectables bien entendu. Mais pourquoi ces gens du passé veulent-ils nous imposer leur passif ? Qu’ils se souviennent de ces hommes jeunes qui ont fondé la République en 1793. Ces jeunes avaient inscrit dans la première Constitution républicaine une marque de sagesse bien absente aujourd’hui : « Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. »

Souvenons-nous aussi de la mise en garde de Mirabeau : « les hommes passent la moitié de leur vie à se forger des chaînes et l’autre moitié à se plaindre de les porter. »

Ami, entends-tu, à nouveau, le bruit sourd du pays qu’on enchaîne ?

Ami, vois-tu ces banquiers, ces hommes d’affaires, ces technocrates et leurs relais politiques qui veulent nous imposer des chaînes qu’avec nos arrières grands parents et Jaurès, avec nos grands parents et ceux du Front Populaire, avec nos parents et ceux de la Résistance nous avions brisées ?

Nous ne sommes ni des banquiers, ni des hommes d’affaires, nous sommes encore moins ces technocrates et ces politiques qui leur servent de relais. Nous sommes le peuple. Et le peuple affirme qu’accepter cette Constitution, c’est nous aliéner et aliéner les générations à venir. Accepter cette Constitution, c’est accepter des chaînes que nos aînés avaient brisées.

Par contre, rejeter cette Constitution, c’est signifier que nous voulons une Europe européenne, c’est-à-dire

- une Europe où la solidarité s’organise dans la liberté ;

- une Europe où l’égalité s’impose dans la diversité ;

- une Europe où l’homme vit en harmonie avec la nature ;

- une Europe pacifique qui entretient avec les autres peuples du monde des rapports qui ont rompu définitivement avec toutes les formes de néocolonialisme et d’exploitation.

C’est le message que nous entendons adresser aux autres peuples d’Europe et du monde.

Nous sommes confrontés au plus important des choix que nous ayons eu à faire depuis plus de 60 ans. Une nouvelle fois, on veut nous imposer un modèle de société qui est étranger aux valeurs européennes. Il faut choisir : se résigner ou résister. Une nouvelle fois, au rendez-vous de l’Histoire, comme en 1793, comme le 18 juin 1940, il appartient au peuple de France de brandir la lumière de l’espérance. Malraux écrivait « Seuls les esclaves disent toujours oui ». Une nouvelle fois, au rendez-vous de l’Histoire et de l’espérance, quand l’essentiel est en cause, il faut savoir dire « NON ».



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