Un ou deux génomes n’éradiqueront pas le palu

mardi 16 janvier 2007
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Le séquençage du génome du parasite le plus dangereux du paludisme et celui de son vecteur ont fait la une des journaux. Mais ces belles annonces ne suffisent pas, regrette la revue Nature

Le paludisme tue plus d’un million de personnes par an - soit une toutes les trente secondes -, l’immense majorité d’entre elles habitant l’Afrique subsaharienne. Pas moins de 500 millions d’individus en sont atteints à des degrés divers. Beaucoup sont trop pauvres pour bénéficier de traitements préventifs et curatifs, et les médicaments existants perdent rapidement de leur efficacité au fur et à mesure que le parasite développe une résistance à notre pharmacopée, fort limitée.

Dans le numéro de Nature paru le 3 octobre 2002, une équipe internationale décrit le séquençage du génome de Plasmodium falciparum, le parasite le plus mortel du paludisme [et la revue Science du 4 octobre publie celui du vecteur de ce parasite, le moustique Anopheles gambiae]. Mais quel rôle cette découverte jouera-t-elle dans la lutte pour juguler cette maladie ? A coup sûr, elle améliorera notre compréhension de la biologie de ce parasite et de ses interactions avec son hôte humain.

Mais hélas, la connaissance du génome de P. falciparum ne laisse pas entrevoir pour autant la disparition de ce parasite. Le plus grand écueil se situe souvent en amont, dans la difficulté à trouver des fonds et un savoir-faire industriel pour que les médicaments et les vaccins prometteurs passent du stade de la recherche à celui de la fabrication industrielle. Et, comme on l’a vu dans le cas du sida, les facteurs économiques et une infrastructure sanitaire insuffisante peuvent empêcher les habitants les plus démunis d’Afrique de bénéficier de traitements nouveaux et efficaces.

Du moins le panorama a-t-il évolué ces dernières années, avec le lancement d’une série d’initiatives visant à endiguer le paludisme. En 1997, des organismes de recherche, des associations caritatives et des donateurs ont créé l’Initiative multilatérale sur le paludisme (Multilateral Initiative on Malaria, MIV), qui vise à former des chercheurs africains et à réduire l’écart existant entre les spécialistes de la recherche fondamentale et les équipes travaillant sur le terrain.

En 1998, Gro Harlem Bruntland, directrice générale de l’OMS, ajouta une dimension politique en lançant le programme Roll Back Malaria, une initiative mondiale constituant un coup de pouce à la recherche et à la lutte contre la maladie, dans le but de réduire le nombre de morts de moitié d’ici à 2010. Et en juillet 2001, les grands pays industrialisés du G8 ont participé à hauteur de 1,3 milliard de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Mais les crédits affectés à la recherche et à la lutte contre le paludisme sont encore très insuffisants. A l’heure actuelle, dans le monde, quelque 200 millions de dollars [200 millions d’euros] sont consacrés à cette maladie. Cela ne représente qu’une infime fraction des sommes dépensées l’année dernière pour la recherche sur le bioterrorisme, au lendemain des attaques au bacille du charbon.

Tant que les cordons de la bourse resteront serrés, il est probable que les informations relatives au génome de P. falciparum ne feront qu’exacerber les tensions entre, d’une part, ceux qui veulent investir dans la mise au point de nouveaux traitements et vaccins et, d’autre part, ceux qui préféreraient utiliser cet argent pour améliorer les moyens existants, comme les moustiquaires imprégnées d’insecticide. « Un grand nombre de personnes disent qu’en Afrique des enfants meurent simplement parce qu’ils n’ont pas accès aux méthodes simples existantes », dit David Heymann, responsable des maladies transmissibles à l’OMS.

La connaissance du génome de P. falciparum ne devrait pas tarder à ouvrir la voie à de nouveaux médicaments. Mais l’avenir des vaccins est moins certain et, face à un manque cruel de subventions, les chercheurs ont des avis différents quant à l’importance de l’étude du génome dans l’identification des signatures moléculaires du parasite, les antigènes, auxquels le système immunitaire humain est capable de s’attaquer. Certains chercheurs se plaignent d’être dans l’incapacité de mener des expériences sur tous les antigènes connus à ce jour. « Si nous avions 100 millions de dollars supplémentaires à dépenser pour la recherche d’un vaccin antipaludéen, j’en consacrerais très peu à l’étude du génome du parasite », dit Adrian Hill, de l’université d’Oxford. Selon lui, le principal problème consiste à renforcer la réaction du système immunitaire de l’homme aux antigènes de P. falciparum.

Comme le dit un autre chercheur, de façon plus tranchée : « Si l’on dépensait plus d’argent à mettre au point les vaccins potentiels, au lieu de se concentrer sur le génome, je crois que l’on sauverait davantage de vies. »
Tous s’accordent au moins à dire qu’il faudrait aider les pays les plus gravement touchés par le paludisme à former leurs chercheurs à y prendre part. Hélas, beaucoup reste à faire. « En général, les chercheurs des pays industrialisés poursuivant des études sur le génome ne travaillent pas en collaboration avec les scientifiques et les institutions locales des zones endémiques », reconnaît Gerald Keusch, le directeur du Centre international de santé Fogarty - des National Institutes of Health américains -, à Bethesda. « Pour que la promesse du génome du parasite se réalise, il faut favoriser la confiance, la transparence et la collaboration avec les institutions des pays dans lesquels les fruits de la recherche sur le paludisme et sur le génome du moustique seront utilisés. »

D’après les spécialistes en économie de la santé, avec les ressources actuellement disponibles, parler d’éradication du paludisme, c’est comme promettre de construire un gratte-ciel de 100 millions de dollars, alors qu’on n’a qu’un million en banque. Si les finances ne sont pas à la hauteur, on ne pourra pas juguler le paludisme.

Source La revue Nature

Transmis par Linsay



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jeudi 18 janvier 2007 à 15h54 - par  Titophe
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