La France siphonnée d’Emmaüs

vendredi 26 janvier 2007
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Il doit bien se marrer, là où il est.

La république sociale et laïque pleure le capucin Henri avec une ferveur et une unanimité admirables.

Journaux, radios et télés ne se tiennent plus de deuil.

Programme unique !

Même la très catholique « Libre Belgique » se moque de ces Français qui ne sont d’accord sur rien sauf sur l’abbé Pierre et dénonce sa « récupération indécente par les politiques de tous bords ».

Coupée du monde depuis trois jours, la France sonne le glas et le gla-gla en l’honneur du fondateur d’Emmaüs, qui vient de rendre son légendaire béret à l’âge de respectable de 94 hivers.

Comment l’enterrer dignement ?

Giscard propose des obsèques nationales.

Fabius, des funérailles au Panthéon (filmées par Moati ?)

Borloo annonce que la prochaine loi sur le logement portera son nom.

Une loi Abbé Pierre, voilà qui va réchauffer le moral des SDF !

Même la hiérarchie catholique française rend hommage à Emmaüs - costaud, c’est dire l’ampleur du consensus.

Mgr Lustiger, qui naguère avait déclaré charitablement qu’« à 90 ans (l’abbé Pierre) a perdu la tête », salue aujourd’hui son « audace spirituelle très forte ».

Côté politique, les mêmes qui sanglotent devant la cape noire de Super-Manne n’ont pas hésité il y a un an à ébrécher une loi SRU jugée trop favorable aux mal-logés.

Adieu le quota obligatoire de 20% de logements sociaux par commune !

Quand l’abbé apprit que l’article 55 allait être abrogé par la droite, sa chaise roulante ne fit qu’un tour en direction de l’Assemblée nationale.

On le reçut, on le caressa, mais la loi fut en partie démantelée.

Depuis, il y a eu les Enfants de don Quichotte, la promesse d’un « plan Marshall » pour les sans-logis, la comédie du droit « opposable » qui permettra aux SDF, à défaut d’avoir un toit, de plaider au chaud devant les tribunaux.

Plus d’un demi-siècle après le coup d’éclat de l’hiver 1954, les HLM restent pratiquement inaccessibles aux RMIstes et les bidonvilles repoussent autour de nos villes.

En célébrant si fort l’abbé Pierre et son oeuvre de charité, la France masochiste célèbre ses insuffisances.

Encore merci aux bénévoles qui font le boulot !

Quand même, il faut reconnaître que depuis 1954, on a fait beaucoup de progrès en matière d’accueil des SDF :

Aujourd’hui les tentes n’ont plus de piquets, elles se montent en quinze secondes, elles sont au canal Saint-Martin et non à Neuilly-Plaisance.

Dans ces conditions, nous ne voyons, comme digne hommage à l’abbé Pierre, que la canonisation expresse, avec, si nécessaire, manifs, banderoles et slogans exigeant, comme à la mort de Jean-Paul II, « santo subito » (saint tout de suite) !

D’accord, il avait applaudi les thèses antisémites de son copain Garaudy, avant de battre sa coulpe.

Mais si le vaticanesque « Osservatore romano » n’a pas dit un mot sur son trépas, c’est que l’ex-député MRP n’avait rien contre les prêtres mariés, le préservatif et les couples homosexuels.

Ce n’est donc pas gagné pour l’auréole.

Car, sous la soutane, il y avait un homme.

L’imprudent gaillard a non seulement fauté mais reconnu publiquement quelques parties de galipettes.

Et avec des femmes, en plus !

« Les experts jugent que cet écart pourrait lui coûter son éventuelle béatification », suppute « Le Parisien » (23//).

Seule solution pour éviter cette humiliation : un enterrement spectaculaire à la Mitterrand, avec toutes les maîtresses de l’abbé autour du cercueil.

SUBITO !

Source Le Canard enchaîné du 24/01/2007

Transmis par Linsay



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