Ici l’éthanol, ça roule bien

samedi 3 février 2007
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70 % des voitures vendues au Brésil ont un moteur hybride qui peut accepter du carburant issu de la canne à sucre. Une performance qui permet au pays de réduire sa facture énergétique

“L’alcool éthylique est le carburant de l’avenir”, prédisait Henry Ford à l’aube de l’ère de l’automobile. Alors que le baril de pétrole a franchi le cap des 75 dollars, le président Bush a également fait sienne cette prévision. Mais le Brésil, lui, a déjà un pied dans le futur.

Le pays espère parvenir cette année à l’autosuffisance énergétique en satisfaisant sa demande croissante par une augmentation de la production d’essence et d’éthanol. L’utilisation de l’éthanol, produit au Brésil à partir du sucre de canne, est déjà si répandue que certaines stations ont installé deux sortes de pompes, l’une pour l’alcool et l’autre pour l’essence. Pour en arriver là, il a fallu plus de trente ans d’efforts, des milliards de dollars de mesures incitatives et de nombreuses erreurs.

Le recours au biocarburant s’est fortement accru depuis trois ans, avec l’introduction de moteurs hybrides conçus pour fonctionner à l’éthanol, à l’essence ou avec un mélange des deux. (L’essence contient environ 25 % d’alcool, ce qui réduit encore la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole importé.)

Pourtant, pour les autorités et les entreprises, la filière connaîtrait une croissance encore plus forte si les Etats-Unis n’imposaient pas une taxe de 54 cents par gallon [3,8 litres] l’éthanol importé du Brésil. Certes, la demande au Brésil même s’envole, et les producteurs de sucre reconnaissent qu’il serait irréaliste d’envisager toute exportation vers les Etats-Unis pour l’instant. Mais, selon les autorités, les restrictions mises en place par Washington ont aussi eu un effet dissuasif sur les investissements étrangers, notamment américains. Ce sont donc les entreprises locales, disposant de capitaux limités, qui ont assuré le développement de la filière. Conscients que les pays industrialisés rechignent à troquer leur vieille dépendance au pétrole contre une nouvelle, cette fois à l’égard des énergies renouvelables, les Brésiliens se disent prêts à partager leur savoir-faire avec ceux qui souhaiteraient suivre leur exemple.

Ce n’est pas la première fois que l’éthanol connaît un tel boom. Le gouvernement a lancé le programme Proalcool en 1975, après la première crise énergétique mondiale, et, vers le milieu des années 1980, plus des trois quarts des 800 000 voitures fabriquées au Brésil chaque année roulaient à l’éthanol. Mais lorsque, en 1989, les prix du sucre ont flambé, les industriels du secteur ont cessé d’approvisionner la filière alcool, préférant profiter des devises offertes par les marchés internationaux pour le sucre lui-même. Les automobilistes brésiliens sont alors restés en rade, tout comme les constructeurs qui avaient réorganisé leur outil de production pour fabriquer des voitures à moteur à alcool. L’éthanol fut discrédité, pour des raisons économiques et non techniques.

Des problèmes écologiques et sociaux demeurent

La méfiance des consommateurs ne s’est dissipée qu’en 2003, lorsque les constructeurs, à commencer par Volkswagen, ont introduit le moteur hybride, qui donne aux automobilistes la liberté d’acheter le combustible le moins cher et les met à l’abri de toute pénurie d’éthanol.

Aujourd’hui, 70 % des voitures vendues au Brésil (le marché devrait représenter 1,1 million de véhicules en 2006) sont équipées de ce type de moteur, généralement sans supplément de prix. “Cette technologie a été adoptée remarquablement vite, plus vite que toute autre nouveauté dans l’industrie automobile, plus vite même que l’Airbag, la transmission automatique ou les vitres électriques”, se réjouit Barry Engle, président de Ford Brésil. “Du point de vue du consommateur, c’est merveilleux : vous bénéficiez d’une plus grande souplesse sans avoir à la payer.”

Néanmoins, le boom de l’éthanol crée également un risque de distorsions qu’il ne sera pas facile de supprimer. L’augmentation de la production de sucre s’est faite aux dépens des pâturages, ce qui pourrait obliger les éleveurs à emmener leur bétail - autre produit d’exportation en croissance - paître en Amazonie, ce qui aggraverait encore la déforestation.

De leur côté, les organisations de défense des droits de l’homme et des travailleurs affirment que l’essor de l’éthanol a aggravé la situation des coupeurs de canne. Ces ouvriers agricoles se plaignent d’avoir à travailler bien plus qu’il y a dix ans, dans des conditions tout aussi pénibles. Selon les producteurs, la mécanisation résoudra le problème au cours des dix ans à venir. Sur le long terme, ils s’inquiètent davantage du manque d’infrastructures - en particulier du réseau routier, limité et mal entretenu.

Si l’on peut obtenir de l’éthanol par la fermentation de nombreux produits naturels, la canne à sucre est de loin la plus avantageuse. La transformation de la canne en éthanol produit 8,3 fois plus d’énergie qu’elle n’en consomme, contre 1,3 fois au maximum pour le maïs, selon les scientifiques brésiliens. “Il n’y a pas de miracle. Si notre balance énergétique est aussi favorable, ce n’est pas seulement grâce à nos rendements élevés, c’est aussi parce que nous n’utilisons aucun combustible fossile pour traiter la canne, ce qui n’est pas le cas pour le maïs”, explique Suani Teixeira Coelho, le directeur du Centre national pour la biomasse de l’université de São Paulo.

Les producteurs estiment qu’ils sont compétitifs par rapport à l’essence tant que les prix du pétrole ne descendent pas au-dessous de 30 dollars le baril. Mais ils planchent déjà sur des améliorations techniques qui devraient permettre d’augmenter les rendements et de réduire encore les coûts. “Les perspectives de développement sont considérables sur le plan biologique, avec par exemple des variétés de canne résistantes aux pesticides, aux parasites et même à la sécheresse”, assure Tadeu Andrade, directeur du Centre de technologie de la canne à sucre de Piracicaba. “Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de limite à l’amélioration de la productivité, tout au moins théoriquement.”

Source The New York Times

Transmis par Linsay



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jeudi 8 février 2007 à 10h03

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