Enorme scandale financier aux Galeries Lafayette...

....vol de 4€
mercredi 7 février 2007
par  Charles Hoareau
popularité : 4%

Danielle travaille depuis 32 ans comme secrétaire administrative dans le même magasin des Galeries Lafayette à la rue St Ferréol à Marseille. Une vie quoi !
Depuis plus de 30 ans elle est syndiquée CGT et déléguée depuis presque autant de temps. Plus de 30 ans qu’elle accueille les nouvelles et tance les anciennes, qu’elle revendique dans « son » magasin de ce groupe fondé en 1895 - la même année que la CGT - des augmentations de salaires, le respect des pauses pour « les filles », de la considération pour le « petit personnel », des emplois, ... bref plus de 30 ans qu’elle dérange.

Inattaquable sur son travail, protégée par les acquis syndicaux, en haut lieu on cherche comment s’en débarrasser à moindre frais. Et quand on veut se séparer des délégués, dans la grande distribution on sait faire. N’est ce pas Momo ?
 [1] Donc elle va être elle aussi victime des opérations braderie du personnel et ce à plusieurs reprises. [2]

Mais elle résiste et elle a toujours résisté.

Le 9 janvier vers 19h Danielle quitte le magasin et ses deux enfants l’accompagnent. A son passage le système antivol sonne. Moment de surprise familiale, elle ouvre son sac et y voit un sachet bleu qu’elle ne connaît pas. Un vigile arrive. Ils ouvrent ensemble le sachet et y voient deux paires de chaussettes - dont une équipée de la barrette antivol - et dont Danielle ne peut expliquer la présence dans son sac. A partir de là tout s’enchaîne très vite. Sous les yeux de ses enfants médusés elle suit le vigile dans le « local des interpellations » où en toute illégalité elle est retenue et soumise à la question :
« D’où viennent ces chaussettes ?
heu je ne sais pas »

Elle a beau les regarder elle ne sait pas quoi dire. Elle n’a aucun souvenir de les avoir achetées et encore moins de les avoir mises dans son sac. Elle tente timidement « J’ai du les acheter il y a plusieurs jours » Immédiatement elle se rend compte de l’impossibilité de ce qu’elle vient de dire. Qu’aurait elle fait de chaussettes jaunes pétantes avec des snoopy dessus ? Et en plus elle ne sait même pas de quelle taille elles sont !!

Et ses enfants qui attendent en bas. La « garde à vue » se prolonge : _ « Faites une lettre où vous reconnaissez votre acte et on vous libère »
Danielle a les yeux fixés sur les Snoopy, elle sent comme une énorme pression, elle pense à une de ses collègues qu’elle avait défendue et qui avait passé la nuit en garde à vue, à ses enfants qui l’attendent en bas, à ces chaussettes qu’elle a bien du prendre puisqu’on ne cesse de le lui répéter et tout bascule dans sa tête ...alors elle la forte, elle qui depuis 30 ans a affronté tous les directeurs qui se sont succédés, elle qui a toujours engueulé ses collègues qui flanchaient devant la direction, elle craque et écrit à la hâte sa lettre de libération :
_ « Marseille Le 9.1. 07
Je reconnais dans un moment de folie avoir pris
au 6e étage , ce jour dans un
carton 2 paires de chaussettes
1 de Achille, 1 de snoopy d’une
valeur unitaire demarquée
de 2 €.
En sortant, sortie haxo
le système antivol a sonné.
La marchandise était dans mon
sac.
L’excuse de les avoir acheter
avant ce jour était fausse.
Mme Ollivier Danielle
Signature »

Les fautes et la forme sont celles de la lettre

Danielle « délivrée » retrouve ses enfants ...
C’est la mise à pied immédiate.
Mais pour l’instant dans sa tête c’est secondaire. Ce qui compte c’est ce qu’elle écrit sur son cahier journal qu’elle commence après une nuit blanche et qu’elle tient quotidiennement depuis le 9 janvier :
« MERCREDI 10 JANVIER 2007 : je l’annonce à Marie vers 7h30 / puis sur le répondeur de Brigitte « on ne se verra plus ;
hier au soir on m’a pris pour une voleuse »
je suis dans un état épouvantable très très mal »,

Elle est tellement mal qu’une de ses amies lui conseille d’appeler un docteur qui, au vu de son état l’arrête immédiatement et lui interdit toute sortie. Elle obéit. Elle est comme un zombi et dans sa tête elle ne cesse de se demander : « mais quand les ai-je prises ? Est ce que je perds la mémoire ? Est ce que je fais des actes sans m’en rendre compte ? Mais qui va me croire ? ». Alors elle écrit et écrit encore : « Cela m’occupe les mains et la tête. »

Elle prend quand même contact avec un avocat et retrouve suffisamment de force pour faire le 12 janvier une lettre de rétractation [3]

Mais elle est encore tellement sonnée qu’elle ne sait plus se défendre ni ne pense à une hypothèse toute simple : et si quelqu’un d’autre les avait mises dans son sac ces fameuses chaussettes qui en plus sont laides ? Pourtant il est permis de se poser la question. En effet comme chaque jour Danielle met son sac, non dans un placard du vestiaire, mais sur une table dans le local du CE... qui n’est pas fermé à clef. Ici tout le monde se connaît et personne ne viendrait fouiller dedans. Enfin cela paraissait impensable jusqu’au 9 janvier. Elle n’était d’ailleurs pas la seule à pratiquer de la sorte.
Les chaussettes en question qui devaient être descendues dans la cave de stockage, étaient entreposées dans des cartons dans le couloir qui mène au local. N’importe qui pouvait prendre deux paires au hasard, et les mettre dans le premier sac venu....et évidemment tout le monde connaît le sac de Danielle. Ce n’est quand même pas une hypothèse saugrenue.

Une autre question. Si Danielle avait l’intention de voler ces chaussettes pourquoi n’a-t-elle pas enlevé la barrette antivol en sachant que celle-ci allait donner l’alarme ?

Le vendredi 19 janvier elle est convoquée à l’entretien préalable
Le 2 février le CE est convoqué pour statuer sur le licenciement. Les délégués CFTC contre l’avis de leur fédération et le délégué CGC appliquant l’adage « Qui vole une paire de chaussettes vole 478 magasins votent le licenciement.

Lundi 12 février elle est convoquée à la Direction du travail. Depuis Danielle a réagi. Elle a vu ses copines du syndicat. L’UL du centre ville s’est mise en marche. Tous ne vont pas laisser faire.

Dans un de ses écrits nocturnes qu’elle n’a pas encore distribué et qu’elle a intitulé :
LETTRE OUVERTE AUX LAFAYETTOIS ET LAFAYETTOISES, elle écrit : « ...lorsqu’on m’a démontré que ces 2 paires de chaussettes n’avaient pu être achetées avant mais qu’elles étaient bien dans mes affaires, cela faisait presque 2 heures que j’avais été interpellée. ..J’ai écrit sur une feuille de papier d’assisse, penchée sur le coté droit, en m’appuyant sur le banc qui m’a servi de support des mots dictés ; des mots que je vous ai toujours dit à vous toutes de ne jamais écrire, des phrases simples dont vous ne réalisez pas la portée mais qui étaient un laisser passer pour la sortie et qui me permettaient de rejoindre mes enfants qui m’attendaient dans la nuit sur le trottoir en face l’entrée du personnel. »

Car il y a une chose dont la direction ne parle pas et pour cause : à supposer même que Danielle ait voulu prendre 2 paires de chaussettes affreuses cela mérite-t-il un licenciement, la pire peine que l’on puisse infliger à une salariée ? Au nom de quoi ? De la morale ? Dans un groupe qui affiche pour 2005 un chiffre d’affaire hors taxe de 4 943 millions d’euros et un résultat net de 226,4 millions d’euros ?

Qui sont ils pour donner des leçons de moralité ces géants de la distribution qui attribuaient il y a peu 2,5 millions d’euros de prime de départ pour la démission de la dirigeante du Printemps ou pire encore 39 millions d’euros au PDG de Carrefour viré pour mauvais résultats ! S’ils veulent virer Danielle, à 39 millions d’euros on peut commencer à discuter...

Tout « comptes » faits non ! On ne discute pas !
Momo, père de 3 enfants, a refusé tout net la grosse somme que lui proposait Carrefour pour le transférer dans une autre entreprise.

René Char disait : « La dignité d’un homme cela ne se voit pas, la dignité de 1000 hommes ça prend l’allure d’un combat. » Pour les Danielle et les Momo dont la distribution regorge, la dignité d’un seul homme ou d’une seule femme, cela se voit parce qu’elle ne s’achète pas.


[1Momo autre délégué CGT de Carrefour avait été emprisonné pour avoir tenté d’empêché le licenciement d’un collègue de travail. Voir article et suivants (5 articles en tout) à la même rubrique.

[2En 92 déjà elle subit une procédure de licenciement qui va durer plusieurs années pour, tenez vous bien : « détournement de biens du CE ». Les biens en question étaient en fait un sac publicitaire en toile offert par un fournisseur ! Le licenciement est refusé par la DDTEFP. Qu’à cela ne tienne la direction va jusqu’au bout :
Recours au ministère en 92 : perdu
Tribunal administratif : perdu
Recours au conseil d’Etat : rien n’y fait. Galeries Lafayette doit renoncer après 5 ans de procédure et Danielle peut respirer, l’épée de Damoclès n’est plus sur sa tête...pas pour très longtemps..

[3« Marseille le 12.01.07
13008 Marseille
Monsieur Vezzosi, directeur des Galeries Lafayette
40 St Ferréol BP 2225
13207 Marseille CEDEX 1
Monsieur,
Je suis dans l’établissement depuis le 18 janvier 1974 ; cela fait donc 32 ans. Trente deux années sans que jamais, on n’ait pu me reprocher la moindre indélicatesse, ni la moindre tentative de vol.

Je viens par la présente contester tous les faits qui me sont reprochés car mes aveux ont été écrits sous la pression et dictés par Mr Payet, cadre du service pré vol, dans un climat hostile et sans aucun témoin à mes cotés.
Je n’ai aucune souvenance d’avoir pris au 6éme étage, dans des cartons comme me l’a fait dire le service pré vol ; 2 paires de chaussettes à 2 euros pièce.

En sortant du magasin, coté Haxo, les bornes ont sonné. J’ai moi-même vérifié dans mes affaires pour savoir pourquoi j’avais déclenché l’alarme et, j’ai vu dans un sac en plastique bleu 2 paires de chaussettes. Elles avaient toutes les deux, l’emballage d’origine dont une avec un antivol barrette.
Le surveillant est arrivé à ce moment là, il a constaté que j’avais des objets antivolés et m’a demandé le ticket de caisse que je n’ai pu fournir.

J’ai subi d’énormes pressions, j’ai eu beaucoup de difficultés à obtenir un verre d’eau et encore plus pour pouvoir aller aux toilettes, sous la vigilance de la standardiste qui fait partie de la société de surveillance, qui alla jusqu’à taper sur la porte, en me disant de me dépêcher.
A mon retour, Mr Payet et un surveillant m’ont conduit dans le local d’interpellation où j’ai pu m’asseoir.
Sur ces entrefaites, est arrivé le RDV (responsable des ventes ) concerné qui a certifié à Mr Payet que ces articles étaient bien au 6éme étage, où la démarque a durée environ 2 semaines, dans des cartons ouverts placés dans le couloir, prêts à être descendu au « Vide Stock » des soldes qui commençaient le mercredi 10 janvier c’est-à-dire le lendemain de mon interpellation.
Mr Ursulet, RDV, a été surpris et a fait la remarque que ces chaussettes avaient encore leur carton. Mr Payet l’a vivement repris en lui disant qu’il devait répondre qu’à ses questions et de ne pas faire de commentaires.

A ce moment et étant là depuis environ deux heures, ne voyant pas d’autres possibilités et puisque ces articles se trouvaient dans mes affaires personnelles ; j’ai écrit sous la pression et dans un état second, des faits dont je n’ai aucun souvenir.
Je voulais quitter cet endroit car je pensais à mes enfants qui m’attendaient dehors. Ecrire cette lettre me permettait de sortir de cette situation extrêmement humiliante et de pouvoir rejoindre mes fils qui étaient dehors sur le trottoir, devant le magasin.
Mr Payet après avoir récupéré le feuillet de mes écrits ne m’a remis aucun double.

Je qualifie cette procédure engagée de mise à pied injustifiée. Je vous demande son annulation, ainsi que de revoir votre position en prenant en considération ma version des faits énoncés.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, recevez mes respectueuses salutations.



Commentaires

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samedi 1er juin 2013 à 22h40 - par  eusigè
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lundi 26 février 2007 à 12h53 - par  myriam tonelotto
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dimanche 11 février 2007 à 11h55 - par  Christine
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samedi 10 février 2007 à 09h55 - par  Cadran Anthony

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