La Patagonie chilienne à contre-courant

jeudi 15 février 2007
popularité : 4%

Plusieurs organisations de défense de l’environnement et associations locales s’opposent au projet de construction, par l’entreprise Endesa, de quatre centrales hydroélectriques en plein cÅ“ur de la Patagonie.

Lors de la campagne qui a précédé l’élection présidentielle chilienne, gagnée le 15 janvier par Michelle Bachelet, les candidats de passage dans le Grand Sud chilien ont tous eu à répondre à la même question : "Quid des quatre centrales hydroélectriques en cas de victoire ?" Les projets de l’entreprise espagnole Endesa dans cette immensité naturelle pratiquement intacte inquiètent en effet au plus haut point les habitants de la région d’Aisén, située à environ 1 600 kilomètres au sud de Santiago. Les réponses de Michelle Bachelet et de son rival malheureux Sebastián Piñera ne les ont guère rassurés : tous deux ont insisté sur l’importance d’augmenter la production d’électricité du Chili. Un discours que martèle depuis plusieurs mois Jorge Rodríguez Rossi, ministre de l’Economie et de l’Energie. "Si ces centrales, qui produiront 2,4 milliards de watts, ne sont pas construites dans la région d’Aisén, il faudra le faire ailleurs dans le pays. Sinon, la croissance économique du pays serait en péril", affirmait-il récemment au quotidien économique chilien Diario Financiero.

Les détracteurs de ces projets, qui entraîneront notamment l’inondation de plusieurs milliers d’hectares, ont trouvé en Douglas Tompkins un chef de file charismatique. Cet homme d’affaires américain âgé de 62 ans, qui a fait fortune dans l’industrie textile, est tombé amoureux du Chili voici une quarantaine d’années. Il dirige The Conservation Land Trust, une fondation qui a acquis plusieurs centaines de milliers d’hectares dans le Grand Sud pour en faire plusieurs réserves naturelles. "Nous sommes solidaires du grand nombre d’habitants de la région qui s’inquiètent des conséquences de ce projet monstrueux. Et j’ai la certitude que, grâce aux campagnes qui se mettent en place, des millions de Chiliens partageront cette inquiétude", a déclaré Douglas Tompkins au quotidien La Segunda. Cet homme, surnommé localement El Gringo, pense que cette mobilisation parviendra à freiner le projet et suscitera un débat économique de fond dans le pays. "S’il veut une société stable à long terme, le Chili, comme n’importe quelle autre nation, doit adapter ses perspectives de croissance et vivre en fonction de ses ressources locales. Les dépasser comme il le fait en planifiant des barrages aux extrêmes du pays est dangereux et constitue pour la société une bombe à retardement qui explosera tôt ou tard."

Le Chili a déjà connu une situation similaire au milieu des années 1990, lors de la construction d’une centrale hydroélectrique dans la vallée de Ralco, un projet qui s’est retrouvé au cÅ“ur d’intenses luttes entre la population indigène, le gouvernement et les entreprises impliquées dans la construction. La différence est que, cette fois, les opposants jouissent également du soutien de puissants secteurs économiques, essentiellement ceux du tourisme, de l’élevage et de la pisciculture. Les fermes piscicoles se sont en effet multipliées ces dix dernières années au Chili, qui est devenu le deuxième exportateur mondial de saumon d’élevage. Paradoxalement, ces fermes sont régulièrement montrées du doigt par les associations de protection de l’environnement en raison des dégâts qu’elles entraînent, tels que la pollution des cours d’eau ou la diffusion de maladies. Mais la peur que les barrages rendent certains cours d’eau inutilisables amène les représentants de ce secteur à monter également au créneau. "Salmonchile, une association qui regroupe les principales entreprises salmonicoles du pays, a émis un communiqué dans lequel son président, Carlos Vial, reconnaît la nécessité pour le pays de pouvoir compter sur une énergie moins chère mais insiste sur l’attention que cette industrie doit porter au respect de l’environnement", rapporte le Diario Financiero.

Cette agitation a amené le gouvernement et l’entreprise Endesa à organiser la semaine dernière, dans la ville de Cochrane, une réunion d’information dont rend compte El Diario de Aisén, le quotidien local. "Les personnes présentes ont pu parler de leurs inquiétudes, qui vont de l’impact que les centrales pourraient avoir sur le tourisme local à leurs conséquences sur les traditions culturelles auxquelles les habitants de la zone rurale de Cochrane sont très attachés. Et c’est dans cette ambiance que les représentants de l’entreprise transnationale [Endesa] ont ouvertement assuré que ’si le projet se concrétisait, le coût de l’énergie pourrait baisser considérablement, au point qu’il deviendrait possible de remplacer l’utilisation du bois de chauffage par l’électricité dans notre région. Cela contribuerait ainsi à diminuer les dégâts écologiques provoqués par la combustion’". Centrales hydroélectriques contre feux de cheminée, la bataille est lancée.

Source : Diario Financiero

Transmis par Linsay



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur