La direction leur avait fait des propositions alléchantes - une hausse des salaires de 14 % à 20 % et une meilleure couverture médicale. Mais, mardi après-midi, le collectif de l’usine, réuni en assemblée générale, les a repoussées à la majorité. Le principal syndicat de l’usine, qui rassemble 1 100 des 1 900 salariés, veut un réaménagement de la convention collective.

« Les augmentations de salaire ne sont pas tout. Nous voulons que soit mis fin au travail intérimaire, que les ouvriers qui ont des problèmes de santé aient la garantie de l’emploi, que la nocivité du travail à l’atelier soit reconnue », explique Alexeï Etmanov, le représentant du principal syndicat. Joint par téléphone, l’homme, entré à l’usine comme soudeur-électricien en 2003, ne s’en laisse pas conter.

La menace brandie par la direction de contrer la grève par une action en justice le laisse de marbre : « Le tribunal tranchera. » Selon lui, le droit de grève est garanti par la Constitution. Même s’il reconnaît que le code du travail, adopté en 2004, « est flou et ambigu sur la question ». Acquis aux méthodes occidentales depuis qu’il les a étudiées de près au Brésil, Alexeï Etmanov a repris en main, depuis 2005, l’activité militante et syndicale au sein de l’usine Ford de Saint-Pétersbourg.

Quelques mois après son arrivée, une première grève, partielle, est déclenchée, elle dure une semaine. En mars 2006, le mouvement repart de plus belle. La direction, qui a fait embaucher des intérimaires pour contrer ces arrêts de travail, finit toutefois par céder et accorde alors une augmentation de 14 % sur les salaires.

Les ouvriers de Ford ont beau figurer parmi les mieux payés de Russie avec un salaire mensuel moyen de 17 000 roubles (environ 500 euros), ils militent pour de meilleures conditions de travail, pour une sécurité de leur emploi mieux assurée et aspirent à des primes et à des loisirs.

Le « paquet social », c’est-à-dire l’ensemble des avantages offerts par l’entreprise - crèches, établissements de santé, prise en charge des vacances ou des études pour les enfants - est particulièrement prisé en Russie. Des entreprises du secteur public, comme Gazprom, sont réputées pour leurs « plus » sociaux. Leurs employés, enviés, cherchent à conserver leur place et, si possible, à faire en sorte que leurs propres enfants puissent en bénéficier à leur tour.

Loin d’être à la traîne, l’usine d’assemblage de Ford, créée en 2002, offre un salaire plus élevé que la moyenne (10 000 roubles, soit 300 euros) et reconnaît le rôle de ce syndicat particulièrement actif dans un pays peu habitué aux conflits sociaux.

La grève ne saurait tomber plus mal pour le constructeur américain, qui a assemblé, en 2006, 66 000 Focus, un modèle très prisé en Russie, et compte produire 73 000 voitures en 2007. En pleine restructuration, Ford mise sur l’expansion du marché russe.

Comme d’autres constructeurs automobiles étrangers (Renault, General Motors, Volkswagen) qui multiplient les sites d’assemblage dans le pays, surtout dans la région de Saint-Pétersbourg, présentée parfois comme le « Detroit russe » en devenir - du nom de la ville berceau de l’industrie automobile américaine.

Le marché local est prometteur. En 2006, près de 1,8 million de véhicules ont été achetés en Russie, par le biais du crédit à la consommation - un million sont produits par des marques étrangères, 800 000 par des constructeurs russes.

Le parc automobile n’est que de 16 millions d’unités pour 142 millions d’habitants, ce qui offre de belles perspectives aux constructeurs. D’autant que le pouvoir d’achat des Russes croît régulièrement.

Source Le Monde

Transmis par Linsay