Les aventures de Véro

jeudi 7 juillet 2005
popularité : 3%

Serveuse cherche place à Marseille...

L’été approche. Pourquoi pas un emploi saisonnier dans la restauration ? Je n’ai pas de formation spécifique dans le domaine mais j’ai quelques expériences qui font de moi une assez bonne serveuse, de bon aloi, optimiste et proche des gens.

ETAPE N°1 : LA CANDIDATURE SPONTANEE ...

Je dépose des C.V. dans les restaurants du cours Julien, autour de la place d’Etienne d’Orves et au David. Une pizzéria près de l’espace Borély me propose un essai : La Dolce Vita, ça sonne bien !! Va pour le samedi soir suivant. Un patron, un cuisinier, un pizzaïolo, un plongeur, une serveuse à l’année, une extra et moi. Voilà l’équipe. C’est la terrasse surtout qui marche le soir. Entre 100 et 150 couverts. On travaille vite. Il y a des tables de 10 ou 12. Des anniversaires. Des couples. Le service a commencé à 17H30 et s’est terminé à 1H (=7H30 de travail) On peut manger une pizza au fromage en fin de service.

On me demande de revenir le lendemain pour la fête des mères. Gros service du midi. 10 H 30 - 17H30 !! 100 à 150 couverts pour un menu unique à 19 euros sans les vins. Beaucoup de travail. Fin de service : le patron me dit qu’il n’aura pas besoin de moi la semaine suivante, qu’il doit faire des travaux. Je suis soulagée, je n’ai pas très envie de travailler pour eux plus longtemps. Il me donne ma paye : 65 euros pour les deux jours !! Je proteste. Il me dit que c’est le tarif, que tout le monde est toujours payé comme ça. Et me regarde avec méchanceté pour avoir demandé plus. 65 euros pour deux jours, c’est très exactement 4 euros 33 de l’heure. Au black !

Je suis un peu sonnée, les pieds et la fierté meurtris. Je me demande aussi si c’est partout pareil. Je commence ma petite enquête...

ETAPE N°2 : A l’ANPE...

J’y découvre que l’hôtellerie est un secteur porteur et les annonces qui concernent les emplois de service représentent entre 14 et 20% des annonces présentées à l’A.N.P.E. Je relève celles qui concernent les emplois saisonniers et qui sont toutes construites sur le même modèle. 39 H pour 1286 euros. C’est le SMIC hôtelier dont voici un rappel du calcul.
Taux du SMIC au 01/01/05 : 7,61 €
Taux minimum garanti (MG) : 3.06 €( le TMG est garanti même lorsque le travailleur bénéficie d’avantages en nature qui sont retirées de la paye)
Décret du 30 décembre 2004 : toutes les entreprises du secteur des CHR continuent à travailler sur la base de 39 heures par semaine soit 169 heures par mois. Parfois elles travaillent sur la base de 37 heures par semaine.

Calcul du smic Hôtelier :
Smic 39 heures hebdomadaires (169 heures mensuelles)

Salaire de base :
Taux horaire du smic X 169 heures
7.61 X 169 h = 1286.09 €

Salaire brut :
Salaire de base + avantages en nature nourriture
1286.09 + 134.64 = 1420.73 € Smic 37 heures hebdomadaires (160.33 heures mensuelles)

Salaire de base :
Taux horaire du smic X 160.33 heures
7.61 X 160.33 h = 1220.11 €

Salaire brut :
Salaire de base + avantages en nature nourriture
1220.11 + 134.64 = 1354.75 €

Je relève plusieurs annonces. L’une d’entre elles propose un service le soir. C’est une pizzéria du boulevard Baille, Les Lions D’Or, loin du David... Je m’y rends, avec mon CV. Je suis reçue dans un établissement chic par une jolie femme blonde, très bien habillée qui me propose de travailler tous les soirs de 17 H 30 à minuit et demi, sans jours de congés. Je dois servir, desservir, en salle et sur la petite terrasse, m’occuper des toilettes. ... pour ...25 euros par jour !! Au noir !! Je suis effrayée. Cela donne un taux horaire de 3 euros 54 de l’heure pour un travail sans protection sociale, sans congés, sans reconnaissance possible d’aucune sorte en cas de litige, d’accident ou de maladie !!! J’écoute attentivement et avec effroi la proposition de cette femme et je lui fais remarquer que ça ne correspond pas du tout à l’annonce qu’elle a passée à l’ANPE ! Elle me repond avec mépris que c’est à prendre ou à laisser !!

De Baille à Borély c’est donc les mêmes prix !! Mais que se passe-t-il ? Les restaurateurs marseillais sont-ils au bord de la faillite. Non, évidemment !! Qui accepte des salaires au noir aussi bas ? Des pauvres, c’est sûr ! Mais qui ? Au service en salle, on ne trouve pas beaucoup d’immigrés clandestins ! La langue est importante. On n’aime pas les accents ! Même celui des quartiers Nord est très mal vu. Des étudiants ? Ils préfèrent être déclarés sauf s’ils touchent le RMI ! Ce sont donc des chômeurs et des rmistes qui acceptent ces postes ! Je n’ai aucune aide sociale mais si l’on me donnait le RMI ou si je touchais les ASSEDICS, ne préfèrerais-je pas travailler au noir pour garder ces aides ? J’ai même rencontré une femme qui cumulait un boulot en mairie et un service en salle !!

ETAPE N°3 : RENDEZ-VOUS AVEC UN CONSEILLER ANPE

Sont-ils au courant au moins à l’agence pour l’emploi que leurs annonces servent à alimenter le travail au noir ? Quel est leur rôle ? Cautionnent-ils, dénoncent-ils, ferment-ils les yeux ? Pour en avoir le cÅ“ur net, je prends rendez-vous avec un conseiller ANPE .
Après lui avoir raconté mes déboires, il s’étonne puis finit par m’expliquer que l’ANPE se doit d’accepter toutes les annonces. L’employeur n’est pas obligé de nous appeler quand il a trouvé quelqu’un, ajoute-t-il. C’est souvent nous qui faisons cette démarche. L’annonce peut rester là longtemps. Elle ne comporte pas de date d’émission, de toute façon Et donc effectivement elle peut alimenter du travail au noir..

Le travail au noir est très important à Marseille, continue le conseiller et ne diminue pas. Beaucoup de contrats à temps partiel cachent un temps plein où les heures en plus sont payées au noir...Quand elles sont payées ! Ca convient à peu près à tout le monde. Au restaurateur, qui paye moins de charges sociales (elle voulait dire de salaire socialisé !!! NDRL) et à l’employé qui peut compter sur ce début de déclaration mais qui n’a pas vraiment le choix. Et il renchérit face à mon étonnement : "Vous auriez tout aussi bien pu ne pas être payée. C’est une pratique courante ici ! Surtout pour les employés qui sont à l’essai, puisqu’aucun recours n’est possible si aucun contrat n’a été signé. Or, personne ne signe de contrat pour une petite période d’essai."

Personne ne peut donc rien faire ? Quels sont les liens que l’ANPE entretient avec l’inspection du travail par exemple ? "Nous sommes en contact, c’est vrai, me répond-il et il existe en effet la possibilité de monter un dossier mais on ne le fait jamais, sauf pour les grosses affaires. Je ne l’ai fait qu’une fois."

Pourquoi ? "Hé bien, lâche-t-il, l’inspection du travail est débordée, nous aussi, cela ne change rien et il existe de toutes façons une opération par été où les inspecteurs viennent contrôler les restaurateurs. C’est l’occasion d’en attraper quelques-uns et on en parle à la une de la presse locale." Belle opération poudre aux yeux, me dis-je !
Fin de l’entretien.

ETAPE N°4 : L’étape N°1 porte ses fruits. La pizzéria La Balagne m’appelle pour prendre un rendez-vous.

Cette fois, je ne me déplace pas à Borely pour me faire humilier et je demande qu’on parle au téléphone du contrat.
100 heures déclarées, si je fais l’affaire ( combien de temps l’essai au noir ? 2 ans ? ). Le reste de la main à la main. C’est combien le reste ? Nous partons sur une base de 7000 francs, me dit-elle. ( Incroyable ! elle ose me parler en francs, c’est révélateur ! alors que sa pizza, elle la vend bien plus chère en euros. ) Encore une qui va sans doute m’arnaquer. 1067 ââ€Å¡¬ c’est l’équivalent de 7000 francs dont 761ââ€Å¡¬ déclarés, donc et 240 que je dois récupérer, si c’est possible ! On croit rêver ! Et tout cet argent, ces fortunes en liquide et par chèque pour travailler 6 jours sur 7 tous les soirs de 18h à 1h30 mais je vous préviens on finit parfois à trois heures et 2 jours par semaine de 9H30 à 15H .Total des heures : 56 heures ( et je compte pas les dépassements après 1h du matin). 56 heures par semaine, debout, à porter, à courir, à servir, à se faire engueuler parfois, par les patrons et les clients désagréables. 7000 francs pour 224 heures par mois, minimum ! cela fait du 30 francs de l’heure. Du 4 euros de l’heure ! maximum !!!

Elle tenait absolument à me rencontrer, cette dame parce qu’elle d’autres gens à voir que ça intéresse et qu’elle veut pas prendre n’importe qui. Faut qu’elle les voie avant. On sait jamais. "J’ai eu tellement de mauvaises surprises !"

Je raccroche.


224 heures par mois elle aurait du accepter Véro ne serait ce que pour faire plaisir à Breton qui trouve qu’en France on ne travaille pas assez...



Commentaires

Logo de duflot
jeudi 8 octobre 2009 à 19h17 - par  duflot
Logo de vincent
mardi 12 juillet 2005 à 09h55 - par  vincent

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur