Malnutrition : Pour la souveraineté alimentaire

mardi 27 février 2007
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Le premier Forum pour la souveraineté alimentaire se tient à Sélingué, au Mali, du 23 au 27 février. Objectif : faire reconnaître par l’ONU le droit des peuples à définir leur propre politique en matière d’alimentation et d’agriculture.

Selon la FAO, l’organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, 850 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde (dont 70% dans les zones rurales), alors que les seuls « restes » alimentaires des Etats-Unis suffiraient à circonscrire la malnutrition en Afrique. Un constat auquel le mouvement paysan international Via Campesina, fondateur du concept de souveraineté alimentaire, entend répondre par la reconnaissance du droit des populations à se nourrir de leurs propres productions.

A Sélingué, village du Mali situé à 140 km au sud de la capitale Bamako, quelques 600 délégués vont plancher sur les applications potentielles de ce principe de souveraineté alimentaire. A l’initiative de ce Forum : Via Campesina, la Marche mondiale des femmes, divers mouvements de pêcheurs et de l’ONG Amis de la Terre. « La souveraineté alimentaire n’est pas LA solution à la faim dans le monde. C’est l’un des droits fondamentaux de tout être humain. Le Forum doit permettre sa reconnaissance comme droit constitutionnel international », résume Jean Cabaret, membre de la commission internationale de la Confédération paysanne, représentée au Forum par José Bové.

Lancé en 1996 à Rome durant le sommet mondial de l’alimentation de la FAO, le concept de souveraineté alimentaire désigne non seulement le droit des peuples à définir leur propre politique agricole et alimentaire mais aussi celui à protéger la production et le commerce agricole intérieur. Au Mali par exemple, cela implique notamment une nouvelle agriculture, comme l’explique Ibrahim Coulibaly, président du Comité national des organisations paysannes professionnelles du pays, dans un entretien à Libération : « Nous voulons que les paysans puissent accéder naturellement aux ressources naturelles du pays, comme l’eau. Nous préconisons une gestion durable de ces ressources, qui sauvegardent le potentiel productif de notre terre (...) Nous refusons d’être dépendants des multinationales de l’agrochimie et de l’agroalimentaire ».

A la notion de sécurité alimentaire, selon laquelle les pays riches doivent aider les pays pauvres, la souveraineté alimentaire répond au contraire par « l’optimisation des capacités de productions de chaque région, les choix politiques et économiques de ces productions revenant à leur propre gouvernement », explique Jean Cabernet. Et de citer l’exemple des Philippines, contraintes par le remboursement de la dette du FMI d’abandonner le riz pour les agrumes sur le marché mondial. « C’est l’un des exemples criants du retour en force de l’idée d’arme alimentaire des années 70, alors qu’il s’agit au contraire de valoriser ce que les régions qui souffrent de la faim savent faire », regrette-t-il.

Quid de l’apport des pays développés en matière de nouvelles technologies ? Il y a quelques mois, un article publié dans les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), un groupe de chercheur américains annonçait la possibilité de « satisfaire les besoins en protéines de 500 millions de personnes. » Leur trouvaille : créer un coton transgénique, sans gossypol, une toxine pour le foie et le cÅ“ur de la plupart des mammifères, et donc comestible. Pratiquée dans plus de 80 pays, principalement d’Afrique et d’Asie où la malnutrition fait encore des ravages, la culture du coton représente, à l’échelle mondiale, la deuxième source de protéines végétales (9,4 millions de tonnes par an) derrière le soja. L’avenir de la commercialisation du coton alimentaire est encore lointain mais la détoxification de plantes tropicales comme le manioc et certaines légumineuses sont également à l’étude. Pour Jean Cabernet, aucune thèse n’est pour l’instant en mesure de démentir un proverbe chinois applicable à l’échelle planétaire « Quand un homme à faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner du poisson. »

Article de : Solenne Marion paru le 26/02/2007 dans Marianne

Transmis par Linsay



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