Gitans...Gitanes...

Une tendre menace lorsque j’étais trop turbulente :
« Aline, si tu continues, on va te donner aux Gitans et ils t’emporteront loin d’ici dans leur caravane ! » [1]

Une critique amusée lorsque je portais mes grandes boucles d’oreille et tous mes bijoux colorés :
« Tiens, voilà la Gitane, il ne te manque plus que la jupe et le fichu sur les épaules ! ».

Un conseil aimant lorsque je rentrais à la nuit tombée :
« Fais-toi accompagner et ne traîne pas près du camp, on ne sait jamais ! »

Un rêve brisé lorsque mon père me confiait pour faire enrager ma mère : « Tu sais que tu as failli être Gitane ? Juste avant que je rencontre ta mère, j’ai eu un grand amour pour une belle Gitane, maintenant, je les fume ! »

Et moi, je traînais autour des campines dès qu’elles arrivaient pour se poser les mois d’hiver. Je ne rêvais que d’être enlevée, emportée sur les routes, enfouie sous les édredons de plumes, parée de tissus chatoyants. Je rêvais du grand amour, d’une promesse sous les étoiles.

Et puis j’ai grandi, j’ai su le sort réservé aux Tsiganes de Roumanie, l’errance des Roms aux métiers disparus.
J’ai rencontré « La Rose », vieille comme la terre, les yeux brûlants derrière ses rides profondes, me racontant dans un chant inconnu ses bonheurs comme ses malheurs, dans la douce chaleur de sa campine.

Mon premier reportage fut pour elle, avec eux, pour qu’on reconnaisse dans leur chant le rêve de voyage que nous enfouissons loin, si profond, nous les gadjé, les sédentaires, de peur de nous laisser entraîner loin de nos villes pour retrouver le ciel.

Gitans...Gitanes..., je sais qu’il faut dire « gens du voyage », mais ils sont plus que des gens, ils sont un peuple, ils vont plus loin que le voyage, ils embrassent la Terre et le Ciel.