35h ce n’est pas une question d’argent !

lundi 15 août 2005
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Si même Les Echos, les employeurs et le gouvernement reconnaissent que les 35h ne sont pas un surcoût pour les entreprises où va-t-on ?

Article paru dans Les Echos du vendredi 12 Août 2005 (Photo Vincent Lucas, "les facteurs d’images")

35 heures : les réticences des entreprises ne s’expliquent pas par le coût financier

C’est le sujet par excellence d’affrontement entre droite et gauche. Mais paradoxalement, jusqu’à présent, aucune étude ne s’était penchée sur les raisons qui poussent concrètement des entreprises à refuser les 35 heures. Le ministère de l’Emploi vient de combler ce vide. Le document d’étude qu’il publie a été réalisé par le cabinet Essor et l’Ecole des mines de Paris en 2003 (1).

Cette enquête qualitative auprès d’un échantillon de 16 entreprises de plus de 20 salariés de trois régions différentes ayant maintenu leur durée du travail au-dessus de 35 heures a été menée principalement par entretiens avec les directions, et plus rarement avec les salariés ou leurs représentants. Elle réserve une surprise de taille, puisqu’elle relativise énormément le poids de l’argument financier dans la décision de ne pas passer aux 35 heures.

Contrainte de l’activité

Aucune des 5 entreprises examinées ayant maintenu un horaire affiché de 39 heures ne connaît de difficultés financières, et la plupart “ ne semblent pas avoir arrêté leur choix au regard de considérations financières ”, selon l’étude. En revanche, elle pointe chez elles “ la contrainte de l’activité, notamment l’imprévisibilité de la demande du client, qui pèse lourdement ” et qui “ se conjugue avec des problèmes de recrutement en personnel qualifié ”. L’attitude des entreprises relève “ plus d’une stratégie de survie sociale que d’une stratégie d’opposition aux 35 heures ” et repose sur trois piliers, “ un noyau de bons ouvriers, une souplesse des horaires et des salaires élevés ”.

La stratégie des 8 entreprises ayant diminué leur durée du travail de façon partielle et unilatérale est différente mais, là encore, note l’étude, “ les directions ne font jamais état de calculs financiers ”. Ce motif “ ne constitue pas le véritable critère de choix, et les directions sont prêtes à de fortes concessions pour garder leurs salariés ”, 6 entreprises sur 8 se plaignant de difficultés de recrutement, explique le rapport.

Méconnaissance et méfiance

Il cite le cas d’une fromagerie où le maintien à 39 heures des hommes a coûté plus cher que le passage à 35 heures des femmes, financé par des gains de productivité.
L’idée des entreprises ayant concédé une petite réduction de la durée du travail est de lâcher du lest mais pas trop, pour “ convaincre les salariés que l’entreprise ne peut à la fois réduire le temps et augmenter les salaires ”. Objectif : “ limiter les coûts, les embauches ainsi que les impacts sur l’organisation ”, en restant dans la légalité sur les heures supplémentaires. Enfin, sur les trois entreprises qui ont négocié une baisse limitée de la durée du travail, deux justifient leur choix par “ une situation économique plus difficile ”, la dernière évoquant une forte croissance de l’activité.

L’étude, qui se penche également sur le cas d’entreprises passées à 35 heures, fait état d’une autre surprise : la méconnaissance par certains employeurs du dispositif d’aides publiques à la RTT et la méfiance vis-à-vis de l’administration. Résultat : certaines d’entre elles ont préféré se passer des subsides de l’Etat auxquels elles auraient pu avoir droit.

LEILA DE COMARMOND

(1) “ Les réticences à entrer dans le cadre légal des 35 heures ”, document d’étude, Dares, no 102, juillet 2005



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