Des villes au bord de la congestion

lundi 26 mars 2007
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Article catastophe ou vision lucide ?
L’avenir n’est pourtant pas chose faite et qu’il faille attendre.

Si les grandes villes font aujourd’hui partie de notre paysage quotidien, elles relèvent pourtant d’un phénomène relativement récent. La plus grande partie de l’histoire de l’humanité concerne des populations rurales qui vivaient de la terre.

Mais le monde s’urbanise si vite qu’on ne sait pas très bien si la planète dispose de suffisamment de ressources pour gérer cette tendance irréversible. Qui plus est, l’urbanisation galopante concerne surtout des villes mal préparées à une évolution aussi rapide. On parle beaucoup de la “pénurie des naissances”, mais elle ne touche pas Dacca, Bombay, Mexico et Lagos, des villes dont la population ne cesse d’enfler alors que les grandes villes occidentales se dépeuplent.

Les premières villes du monde sont apparues dans ce qui est aujourd’hui l’Irak, dans les plaines de Mésopotamie, entre les rives du Tigre et de l’Euphrate. La première à dépasser le million d’habitants fut Rome à l’apogée de son empire, en l’an 5 de notre ère. A l’époque, la Terre ne comptait que de 170 millions d’habitants. La première grande ville du monde moderne fut Pékin, qui a dépassé le million d’habitants vers 1800, suivie de près par New York et Londres. Mais, au début du XIXe siècle, le citadin était l’exception. A cette époque, seuls 3 % de la population mondiale vivaient en milieu urbain.

L’industrialisation, amorcée au XIXe siècle et qui s’est poursuivie tout au long du XXe siècle, a accéléré le développement urbain. C’était en ville qu’il y avait du travail, et les nouveaux citadins arrivés des campagnes assuraient aux usines une main-d’Å“uvre bon marché et abondante. Mais ces gens trouvaient en ville des conditions de vie malsaines autant dues à la surpopulation qu’au manque d’hygiène. Comme le souligne le Bureau de référence démographique, jusqu’en 1850 environ, de nombreuses villes européennes accusaient une forte dépopulation, les décès dépassant les naissances. Puis les villes se sont peuplées à la faveur de vagues successives de migrations, tant des campagnes que de l’étranger.

Dans la première moitié du XXe siècle, c’est en Occident que la croissance urbaine a été la plus rapide. New York, Londres et d’autres capitales du monde industrialisé ont attiré des immigrants et dopé le marché du travail. En 1950, New York, Londres, Tokyo et Paris se prévalaient d’accueillir les plus vastes populations métropolitaines du monde.

En 2050, l’Inde sera le pays le plus peuplé du monde

Pendant ce temps, la population mondiale a augmenté de façon spectaculaire. Au cours du XXe siècle, elle est passée de 1,65 milliard à 6 milliards. La poussée démographique la plus forte s’est produite à la fin des années 1960, avec un gain net de 80 millions d’individus chaque année. Selon le Rapport sur la démographie mondiale, la population de la planète devrait augmenter de 46 % d’ici à 2050, et nous serons plus de 9 milliards. Tandis que les pays développés accusent une baisse démographique due à celle de la natalité et au contrôle strict de l’immigration, on assiste à une explosion démographique dans le tiers-monde. L’Inde devrait ainsi voir sa population augmenter de 52 % pour atteindre 1,6 milliard d’ici à 2050, ce qui fera du sous-continent le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Le Pakistan voisin atteindra quant à lui à la même échéance les 349 millions d’habitants, soit une progression de 134 %.

La population de l’Afrique pourrait doubler pour arriver à 1,9 milliard. Selon un rapport des Nations unies datant de 1994, sur les 2,5 milliards de citadins du monde, 1,7 milliard vivaient alors dans des pays moins développés, qui sont également ceux qui abritent les deux tiers des mégalopoles. Cette tendance s’accélère rapidement. Selon l’association britannique People and the Planet, en 2007, 3,2 milliards d’êtres humains - soit plus que la population mondiale en 1967 - vivront dans des villes.

Voilà qui promet de déboucher sur un bouleversement à très court terme des équilibres démographiques dans les villes du monde, et, à plus long terme, sur l’émergence de nouvelles mégalopoles que l’on serait aujourd’hui loin de soupçonner. “On estime qu’en 2050 les deux tiers de la population mondiale vivront en zone urbaine, ce qui accroîtra la pression sur l’infrastructure de l’espace et les ressources des villes, et mènera à une désintégration sociale et à une terrible misère urbaine”, prédit pour sa part Werner Formos, président du Population Institute de Washington.

L’irrésistible ascension des mégalopoles, commente The Washington Post, “pose de formidables défis en matière de services de santé et d’environnement, aussi bien dans le monde industrialisé que dans le monde en développement. Les urbains pauvres des pays en développement vivent dans des conditions d’insalubrité qui n’ont rien de commun avec ce qu’ils ont quitté dans leurs campagnes... A Caracas, plus de la moitié des logements sont des squats. A Bangkok, l’économie régionale est inférieure de 2,1 % à ce qu’elle serait sans le temps perdu en embouteillages. Les mégalopoles de demain posent d’énormes problèmes de gestion des déchets, d’usage de l’eau et de changement climatique.”

Au Caire, en Egypte, les toitures-terrasses et d’innombrables immeubles sont envahis de tentes improvisées, de cabanes et d’abris en terre. Il n’est pas rare de voir une famille préparer son petit déjeuner sur un brasero, tandis qu’aux étages inférieurs des employés travaillent dans leurs bureaux cloisonnés. Londres a ainsi besoin de près de 60 fois sa propre surface pour approvisionner ses 9 millions d’habitants en produits alimentaires et forestiers. Les mégalopoles risquent fort d’épuiser les ressources de plus en plus maigres de la Terre, tout en contribuant grandement à la dégradation de l’environnement.

Elles souffrent d’ores et déjà de tout un catalogue de maux. Une étude conjointe de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a établi que sept mégalopoles - Mexico, Pékin, Le Caire, Jakarta, Los Angeles, São Paulo et Moscou - respiraient un air chargé de trois fois plus de particules polluantes que la limite fixée par les directives sanitaires de l’OMS. Dans chacune des vingt villes étudiées par l’OMS et le PNUE, au moins un agent polluant important dépassait le taux limite acceptable.

Des populations plus vulnérables aux épidémies

La plupart des mégalopoles s’exposent à des difficultés d’approvisionnement en eau potable. Johannesburg, en Afrique du Sud, est obligé d’aller puiser son eau à plus de 500 kilomètres, dans les hauts plateaux. A Bangkok, l’eau salée commence à pénétrer dans les nappes phréatiques. Les fondations de Mexico s’enfoncent inexorablement car la ville a trop exploité ses réserves d’eaux souterraines.

Plus de 1 milliard de Terriens, soit 20 % de la population mondiale, n’ont pas accès à une eau courante saine. “Quand on sait que 5 milliards de personnes habiteront dans des villes en 2025, il est évident que la demande urbaine en eau augmentera de façon exponentielle. Et, donc, que toute solution à la crise de l’eau est étroitement liée à la gouvernance des villes”, assure Klaus Toepfer, directeur exécutif du PNUE.

Les habitants des mégalopoles entassés dans des bidonvilles insalubres sont également vulnérables à de graves épidémies. Lima, au Pérou, qui devrait compter 9,4 millions d’habitants d’ici à 2025, a ainsi connu une épidémie de choléra à la fin des années 1990, qui, comme le soulignait The New York Times, s’expliquait en partie par le fait que “des populations rurales nouvellement arrivées à Lima [vivaient] dans des maisons sans eau courante et [utilisaient] les latrines qui [constellaient] les collines au-dessus de leurs quartiers”.

La consommation de produits périmés ou non comestibles et d’eau non potable soumet par ailleurs ces personnes à des problèmes de diarrhée et de déshydratation qui peuvent leur coûter la vie. Il est dès à présent intéressant de se pencher de très près sur certaines de ces mégalopoles, car leur quotidien a toutes les chances de concerner la majorité de la population mondiale. La plupart de ces villes connaissent d’ores et déjà de graves problèmes environnementaux, qu’un afflux massif d’habitants ne pourra qu’exacerber. Aucune des plus grandes villes européennes et américaines ne figure toutefois dans notre classement des centres urbains compromis par le manque d’espace.

Article de Divya Abhat, Shauna Dineen, Tamsyn Jones, Jim Motavalli, Rebecca Sanborn et Kate Slomkowski dans
E Magazine du 22/03/2007

Transmis par Linsay



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