« Si on les laisse faire il y aura 100 rmistes de plus sur Marseille »...

...et après ils nous traiteront de profiteurs...
mercredi 11 avril 2007
par  Charles Hoareau
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Depuis des décennies à Marseille les dattes c’est MICASAR. Ici c’est la porte de l’Afrique et par bateaux entiers elles viennent de l’Afrique du Nord pour être commercialisées en particulier au moment des fêtes de Noël mais pas seulement.

Au cours des années l’entreprise a changé de nom et de lieu mais l’activité, elle, est restée au point de faire partie du paysage marseillais. Ces derniers continuent d’ailleurs à parler des dattes MICASAR ancien nom de l’entreprise. Dans la cité phocéenne on a tous un frère, un cousin, un ou une amie qui a fait, une ou plusieurs fois, la saison aux dattes. Actuellement l’entreprise emploie une vingtaine de permanents et une centaine de saisonniers qui travaillent 6 à 8 mois par an..

Rachetée par le groupe France Prune en 2002 [1] ce dernier annonce en ce début 2007 un plan de restructuration du groupe qui prévoit la fermeture du site de Marseille.

Arguments avancés : la baisse des subventions de la PAC, [2] la mauvaise récolte de 2006, la vétusté des installations marseillaises...et tout ça ce sont les salariés et eux seuls qui devraient en faire les frais !

Tous ces arguments s’ils sont vrais ne peuvent en aucun cas à eux seuls, justifier le plan de fermeture.

- La baisse des subventions de la PAC ? Mais cette baisse était prévisible depuis plusieurs années et France Prune le savait quand il a acheté l’usine de Marseille.

- La vétusté des installations marseillaises ? Mais France Prune a acheté l’usine il y a à peine 3 ans en toute connaissance de cause...

- La mauvaise récolte relative des pruneaux ? Mais qu’est ce que cela à voir avec les dattes « marseillaises » qui en plus représentent à elles seules 40% du chiffre d’affaires ? Et puis même si on accepte ce raisonnement à chaque mauvaise récolte il faudrait mettre à la porte 100 personnes ?

Ces arguments justifient d’autant moins le plan de la direction que les salariés de Marseille qui ont des compétences reconnues dans leur domaine ont accepté que leur entreprise soit regroupée avec celle de Vitrolles à quelques km de là ce que France Prune refuse catégoriquement. Pourquoi ?

Autre intéressante question posée par les délégués CGT et CFDT de l’usine marseillaise. Sachant que le groupe n’a pas d’unité de commercialisation ailleurs que dans le Lot et Garonne quelle logique peut il y avoir à tout rapatrier dans ce département dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas connu pour sa forte consommation de dattes ...ni pour son port !?

Si le projet de la direction vient à son terme verra-t-on des cargaisons débarquer à Marseille, puis par route faire 600 km (la distance Marseille-Agen) pour être finalement revendues en petit conditionnement dans la zone marseillaise - qui elle est un fort lieu de consommation - après avoir fait les mêmes 600km dans l’autre sens ? Bonjour l’écologie et l’efficacité économique et sociale !!!

Les vraies raisons comme pour les autres entreprises de la région qui ont été, sont ou seront visées par les suppressions d’emplois et les fermetures à répétition sont à chercher ailleurs.

- Sur les 300 000 emplois salariés de Marseille il ne reste plus que16 000 emplois industriels. Quand on sait que sur ces 16 000, il y en a 5 000 pour la seule industrie agroalimentaire on comprend mieux les coups que celle-ci reçoit dans une ville promise à être capitale de la Californie de l’Europe. [3]

- De plus dans le cas particulier de l’usine de dattes celle-ci occupe deux hectares qui pourraient permettre une belle opération immobilière dans une zone des quartiers nord proche de l’hyper centre et idéalement située à proximité de l’autoroute. [4]
Comme le dit l’un des salariés présents sur le site : « On voit les grues se rapprocher et si on part je ne donne pas cher de la savonnerie voisine. » Savonnerie qui est elle aussi une vieille entreprise marseillaise et que quelques malins trouveront bientôt vétuste si on n’y prend garde.

Il y a enfin un dernier aspect et non des moindres. Après Nestlé, St Louis sucre, maintenant l’usine de dattes, au fil des fermetures et des baisses d’activité ce sont des milliers de tonnes qui échappent au fret portuaire mettant à terme son avenir en danger.
Vigouroux, l’ancien maire voulait transformer le port de Marseille en port de plaisance pour gens fortunés. Gaudin à son tour voulait récupérer l’América Cup cette course de riches faite à partir d’un rivage emménagé pour eux. Ce qu’ils ne sont pas arrivés à faire par des projets grandioses et luxueux vont-ils réussir à l’imposer par la mise à mort de tout ce que Marseille et sa région comptent d’activités liées au port de commerce ?

Ce sont ces questions qu’ont en tête les salariés qui depuis le 26 mars occupent l’usine avec un soutien populaire qui ne se dément pas et se manifeste par les coups de klaxon qui emplissent la rue à intervalles réguliers. Car ici fait rare, l’occupation n’est pas le fait des seuls 20 permanents mais elle est aussi l’affaire des saisonniers qui ne veulent pas voir partir leur usine et avec elle leur emploi et leur histoire.

Précaires et permanents réclament ensemble le gel du plan de délocalisation pour que la saison qui va démarrer bientôt puisse commencer sur de bonnes bases.

Les occupants du week end

On sera toujours à temps par la suite, si la nécessité est démontrée, de regrouper les activités sur Vitrolles sans que l’emploi à l’usine ou sur le port, ait à en souffrir.

Dans ce cas il restera aux marseillais à se battre pour que le site ne soit pas livré aux promoteurs, les mêmes qui à deux pas de là lorgnent sur La Renaude où les habitants résistent encore.


[1Connu pour sa marque Maître Prunille, France Prune est une SICA (Société d’Intérêt Collectif Agricole), créée en 1963 par des producteurs de prunes de la région d’Agen qui veulent commercialiser et transformer eux-mêmes leur production. Aujourd’hui le groupe est propriétaire de 6 sites en France. Les 600 salariés du groupe produisent un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros.

[2Politique Agricole Commune

[3Voir ce mot clef.

[4Voir les articles Il y a un projet pour Marseille(I) et (II) .



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