Le Pen, de Valmy à Vichy

lundi 16 avril 2007
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Vendredi matin sur RTL, Jean-Michel Aphatie affronte Le Pen. Il attaque le président du Front National sur le qualificatif « Sarkozy, candidat de l’immigration », une expression qui a laissé indifférente une bonne partie des médias et des politiques. Mais laissons la parole à Aphatie lui-même, tel qu’il se raconte sur son blog :

« Nicolas Sarkozy est un candidat issu de l’immigration. Voilà ce que martèle, depuis quelques jours Jean-Marie Le Pen. Et il précise que lui-même était issu de breton, alors que le père du candidat de l’UMP était hongrois, il est mieux à même de représenter, d’incarner même, la France à l’Élysée. Personnellement, le raisonnement m’échappe. Combien donc de générations d’ancêtres français faut-il pour représenter la France ? Une, deux, trois, quatre ? Qui le définit et comment ? La loi française est plus simple. Peut être président de la République toute personne qui possède la nationale française. Nicolas Sarkozy la possède-t-il ? Oui. »

Et que répond Le Pen aux questions d’Aphatie ? Que Sarkozy a « trois grand-pères qui ne sont pas Français », et qu’il ne peut donc pas « incarner le pays », tâche qui incomberait au président de la république (au passage, on note la pensée religieuse : l’incarnation, c’est le Christ, le Verbe fait homme).

Ceux pour qui l’histoire de la République n’est pas un vain mot doivent se dire, « cette musique sur la relation entre la direction du pays et les origines, je l’ai déjà entendue... ». Effectivement, le 6 juin 1936, un député apostrophait Léon Blum, qui présentait son gouvernement de Front populaire à la Chambre. « Pour la première fois, disait-il, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par un juif... » Ce député s’appelait Xavier Vallat. Entre 1940 et 1941, il était commissaire général aux questions juives, et il appliquait le statut de Vichy, qui définissait comme juive tout personne ayant « trois grands-parents de race juive » (article 1 de la loi du 3 octobre 1940). En application, Vallat avait surtout organisé le pillage des biens juifs et leur éviction de la vie économique et culturelle du pays.

Les grand-parents, la capacité à gouverner, le vieux pays, tout l’imaginaire rance des années trente et quarante réapparaît dans ce que nous dit Le Pen.

Le président du FN revient donc aux sources. Disons à ses sources. Oublié la beau discours de Valmy sur la République. Envolé l’appel aux Français issus de l’immigration sur la dalle d’Argenteuil. Avec Le Pen, il y a les Français, les vrais, « ceux dont les parents sont enterrés ici », et les autres. Le masque du bon grand père assagi de l’extrême droite tombe, on retrouve les maréchalistes et leur dicton : « la terre ne ment pas ».

Bien sûr, il y a de la tactique politicienne dans ce revirement. 20 à 25% des électeurs de Le Pen, selon les instituts de sondage, seraient tentés par le vote Sarkozy. Pour passer le premier tour, il faut absolument bétonner l’électorat et donc attaquer le candidat UMP par tous les moyens. Ce qui est significatif, c’est que Le Pen avait le choix des armes. Il pouvait se saisir de l’insécurité, par exemple. Non. Il a préféré, en connaissance de cause, une rhétorique historiquement connotée et xénophobe, comme pour dire : « voici l’original, dans sa crudité. Il est indépassable ».

Et c’est donc une leçon pour ceux qui veulent, par exemple, lier l’immigration et l’identité nationale pour en faire un thème électoral. On commence à Valmy, avec le drapeau tricolore et la Marseillaise, mais on risque fort de finir à Vichy. Il y a des limites à ne pas franchir.

Samedi 14 Avril 2007 par Hervé Nathan web

Transmis par Linsay


Hervé Nathan, rédacteur en chef de Marianne



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