Drôle de 1er mai

mercredi 2 mai 2007
par  Charles Hoareau
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Ça a commencé comme un premier mai presque ordinaire avec son cortège de banderoles, de slogans, de chansons, de sourires et de cris...

Et puis Myriam de RESF appelle :
« Ils veulent expulser Ahmed Kessaci aujourd’hui par bateau.
-je me renseigne. »

Un 1er mai...

Coup de fil à Jean Paul Israël secrétaire du syndicat des marins qui se met immédiatement en quête d’informations. Quelques coups de fil plus tard et on sait que c’est sur le Méditerranée, bateau de la SNCM, qu’Ahmed est embarqué pour être expulsé à midi.

Et alors comme à chaque fois c’est la mobilisation. CGT, Solidaires, RESF, UJFP... des militant-e-s décrochent de la manif, une centaine, arrêtés par les grilles du port. Puis on se retrouve au pied du bateau avec Jean Paul et une poignée d’amis au côté de la femme d’Ahmed et de ses 4 enfants. Le dernier sur une poussette ne se rend pas compte de ce qui se passe mais les 3 autres, entre 4 et 13 ans, ont des visages déformés par l’angoisse et les pleurs. La femme Ouassila est là, frêle roseau pâle, recouvert d’écharpes et de tissus comme jetés au hasard sur ses épaules et sa tête. Pas besoin d’être fin psychologue pour deviner la nuit qu’elle a passée. Elle est malade du cœur, elle a été opérée à trois reprises, ses séjours à l’hosto sont incessants. Son mari c’est sa bouée, son appui, elle ne cesse de dire que c’est lui qui s’occupe des enfants quand elle n’en a pas la force physique, qu’elle ne peut vivre sans lui.

Ouassila et 3 enfants

Ahmed est mécanicien et travaillait jusqu’à son arrestation de jeudi
dernier, arrestation qui a eu lieu en préfecture alors qu’ayant déjà obtenu 3
récépissés les années précédentes il s’y rendait librement pour savoir où en était son dossier. La cour de cassation dans un arrêt du 6 février avait pourtant jugé illégal ce type d’acte. Ça n’a pas empêché la préfecture de récidiver et de tenter l’expulsion un 1er mai.

Pendant qu’on console la famille comme on peut Jean Paul monte dans le bateau. Stéphane et Fred, deux délégués CGT y sont déjà et nous disent du haut du planchon du car ferries que le syndicat a convoqué une réunion des marins.

Je suis tranquille, on connaît ici le syndicat des marins et on devine sans peine l’issue de la réunion. En plus plusieurs parmi eux sont des franco-sénégalais des foyers SONACOTRA alentours et on a mené avec eux de nombreuses luttes. Les passagers eux aussi s’en mêlent et leurs cris se mêlent à ceux des manifestants. Cela nous laisse le temps de faire revenir le sourire sur le visage des enfants et d’aller informer la centaine de manifestants massée devant les grilles du port, à l’autre bout du bateau.

Comme prévu les marins décident à l’unanimité de ne pas faire partir le navire tant qu’Ahmed est à bord. Applaudissements parmi les manifestants. La police nous demande de sortir de la zone internationale. Ouassila apprend qu’Ahmed, dans l’ignorance des évènements s’est tailladé les veines. Elle s’évanouit. Ses enfants s’affolent.

Finalement on sort tous du port. Sur le quai de la Joliette le flot des manifestants a grossi et Jean Paul est applaudi quand il explique comme une chose naturelle la réaction des marins. Quand Ouassila, des larmes dans la voix, remercie tout le monde, autour d’elle les gorges se serrent et les yeux s’embuent .

Ahmed est emmené aux urgences, chacun se disperse en se disant q’une fois de plus la mobilisation a payé...sauf.

Sauf qu’on apprend ensuite par les camarades hospitaliers qu’Ahmed était aux urgences, attaché sur une chaise et entouré de 4 policiers, qu’il a juste eu le temps de dire à un infirmier de Sud qu’il a été frappé, puis les policiers l’ont emmené dans un état lamentable et que tard dans la soirée personne ne sait où il est puisqu’il n’est pas retourné au centre de rétention et que la préfecture maintient en toute invraisemblance qu’il est encore à l’hôpital.

On se perd tous en conjectures...

Finalement 22h 30 la préfecture, harcelée de coups de téléphone, de fax et de mail finit par lâcher à sa femme folle d’inquiétude qu’il est bien retourné au centre de rétention et que demain son cas sera revu sous « l’angle humanitaire... »

Demain, la vigilance sera de mise pour que la lutte pied à pied se transforme en vrai succès...

Et pendant ce temps là la cour de cassation peut continuer à rendre ses arrêts....



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