Péril en la demeure

dimanche 2 octobre 2005
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Très bon article (mais cela devient une habitude !)d’Angélique Schaller sur cette question et paru dans La Marseillaise.

Marseille aussi

Des immeubles dangereux, cela n’existe pas que dans la capitale. La flambée immobilière est telle que même les logements dégradés font l’objet de concurrence. Dès lors, des gens vivent forcément dans des lieux à risque.
" IL y a beaucoup d’émotion, les gens pleurent... C’est bien sûr révoltant mais on aurait tord de faire comme si cela ne pouvait se produire qu’à Paris " remarque d’emblée Nourredine Abouakil, de l’association un Centre Ville Pour Tous. Suite aux deux incendies ayant ravagés des immeubles parisiens insalubres en provoquant des morts, le gouvernement annonce en effet des mesures à l’échelle parisienne.

Pourtant, d’évidence, le risque ne se pose pas qu’à Paris. En mars 2003, un incendie dans un meublé de la rue des Trois Mages à Marseille a fait plusieurs morts dont des enfants. En juillet dernier, une toiture s’écroulait dans un immeuble de la rue de Rome. Les exemples antérieurs et moins dramatiques de l’îlot d’Abadie ou du 8 rue de la Fare sont aussi là pour le rappeler.

" En 1995, nous avions recensé 822 immeubles présentant un danger. Aujourd’hui, il en reste 109 dont 43 ont été évacués, les autres ne présentant pas de risque imminent " assure Philippe Berger, adjoint au maire en charge de sécurité publique, dont les services ont effectué par ailleurs, 35 évacuations depuis le début de l’année. " Cela ne concerne évidemment que les cas dont nous avons été informés mais montre aussi que nous disposons d’un arsenal juridique qui, s’il ne nous permet pas d’intervenir rapidement, a cependant des effets ".

Ces " cas connus " semblent loin des appréciations empiriques venant des acteurs du terrain. " On est confronté aux appartements insalubres dans le grand centre ville et, des Crottes à la Belle de Mai, de 60 à 70% des logements sont dans un état intenable " expose ainsi Paul-Charles Lapeyre, d’Initiative Citoyenne pour l’Insertion (ICI) avant d’ajouter, " et il y a la bombe à retardement des copropriétés dégradées. Sur une centaine répertoriée, cinq font l’objet d’un plan de sauvegarde où l’on nous balade de conseils en audits et autres études. En attendant, rien n’avance et tout se dégrade. Si le danger lié aux installations électriques existe, celui inhérent aux problèmes d’hygiène aussi. Hier encore, j’ai amené un enfant à la Timone pour saturnisme ".

" Concurrence sur le marché du dégradé "

Il est clair que le nombre de logements insalubres reste important à Marseille et dans la région " confirme Fathi Bouaroua de l’Association méditerranéen pour l’insertion par le logement (AMPIL), " pour la simple raison que l’explosion immobilière provoque de telles difficultés pour se loger que les gens sont contraints d’accepter n’importe quelle condition à n’importe quel prix ". La situation est telle que l’on en arrive à une "concurrence sur le bas de gamme, même dégradé, entre des salariés Smicards, des Rmistes et des sans droits économiques ou administratifs " insiste Fathi Bouaroua.

Travaillant dans le cadre du plan d’éradication de l’habitat indigne, son association ne peut que noter " le développement de la sur-occupation, l’accentuation du recours à la chambre meublée même pour des familles de salariés, la réapparition du camping comme lieu de résidence principale et l’essor de l’habitat précaire type cabanes construites sur des terrains privés ou publics ".
L’équation entre manque de logement et vie dans des conditions dangereuses est donc évidente. Cela ne concerne pas les seuls squatts même si " ceux-ci existent à Marseille mais dans des configurations différentes que celles de Paris " expose Marc Gastaldello du DAL Tech Vie et Terre, " la question est difficilement quantifiable mais on sait que des squatts autonomes ou soutenus par des associations existent dans des appartements de la rue de la République. Si ces immeubles hausmanniens sont structurellement en bon état, la vétusté des installations électriques peut augurer du pire ". Effectivement, chaque année, les pompiers assurent " une trentaine d’interventions en moyenne dans des locaux désaffectés ou de type squatt occasionnant la mise en sécurité de 13 à 20 personnes " explique le service prévention et opération du bataillon. Si elles peuvent avoir lieu dans différents quartiers, ces interventions concernent majoritairement l’hyper-centre marseillais et sont en baisse dans les zones faisant l’objet de rénovation.

" Les outils existent, la question est celle des moyens et de la volonté politique "

Dans certains quartiers, réhabilitation et lutte contre l’habitat indigne ont mis la pression sur les propriétaires. Des arrêtés peuvent contraindre aux travaux en cas de danger imminent et irréversible. " Mais attention, sans solution de relogement derrière, il faut savoir calculer les conséquences " prévient Fathi Bouaroua. Et d’illustrer son propos : " Nous avons fait évacuer une famille installée au 1er étage d’un immeuble dont le toit s’était écroulé sur le 2e étage. Dans un premier temps, le propriétaire a, comme la loi l’y oblige, payé l’hébergement en hôtel. Mais les travaux n’avancent pas, le propriétaire a cessé de payer et le père de famille se retrouve à assumer 46 euros quotidiens et doit gérer des problèmes d’école éloignée de son nouveau logement "

" Quand on voit que certains immeubles frappés de péril sont revendus à des investisseurs et n’abritent plus jamais l’ancienne population, on peut s’interroger sur le bien-fondé de la procédure " souligne aussi Nourredine Abouakil, Le relogement n’étant pas une donnée de base des politiques de rénovation ou de lutte contre l’insalubrité, les locataires restent tributaires du soutien d’une association pour ne pas se perdre dans la nature et aller nourrir le cercle vicieux du mal-logement.

" Les outils législatifs pour lutter contre l’insalubrité existent, la vraie question est donc celle des moyens et de la volonté politique collective mise en Å“uvre pour les appliquer " synthétise Fathi Bouaroua. Un outil resterait cependant à mettre en place, existant dans d’autres villes, comme Bruxelles : un permis de louer. " Il faudrait qu’un organisme indépendant puisse délivrer un contrôle technique concernant les appartements, comme cela existe pour les voitures. Faute de quoi, on ne pourrait ni vendre ni louer sans les mises aux normes nécessaires ". Mais la lutte contre l’insalubrité ne fonctionnera qu’avec une maîtrise de l’immobilier. Car évacuer pour mettre hors de danger c’est bien, mais la question reste pour les mettre où, et dans quelles conditions ?



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