Tribune

jeudi 24 mai 2007
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Réponse à Cohn-Bendit, Zaki Laïdi, et les autres... qui dans leurs tribunes à Libération
exhortent la gauche à changer dans un sens libéral sous peine de mourir !

Gauche : à quoi sert de survivre si c’est pour ne plus rien changer ?

La défaite est sévère. Certains seront tentés, comme en 2002, de refermer le couvercle sur les
raisons profondes de l’échec et d’attendre tranquillement la prochaine échéance électorale.
L’heure est au contraire à la réflexion et à l’action pour contribuer à une refondation. C’est en
effet à un réarmement idéologique, politique, culturel, et à une clarification d’orientation qu’il faut
s’atteler à gauche.

Après cinq ans de pouvoir d’une droite dure, le « sortant » Nicolas Sarkozy aura réussi à faire
oublier les politiques brutales de démantèlement social et démocratique dont il aura été un
acteur essentiel et à se faire passer pour un homme « neuf » prônant la « rupture ». Ne sousestimons
pas sa méthode : depuis dix ans, il affirme sa fierté d’être à droite, il travaille à la
cohérence d’une idéologie, d’un discours et d’une perspective agrégeant les diverses valeurs
de la droite, mariant ultralibéralisme et autoritarisme, « laisser faire » économique et ordre
sécuritaire et identitaire. Il n’a pas dévié de cette ligne ; il en recueille les fruits.

Nous savons ce qui nous attend : une politique de contre-révolution libérale et conservatrice.

Sur tous les terrains, il va falloir résister, pied à pied. Mais la lutte sera d’autant plus efficace
qu’elle pourra s’appuyer sur une amorce d’alternative globale. On conteste d’autant plus et
mieux que l’on sait par quoi remplacer ce que l’on refuse.

L’heure du choix d’orientation à gauche est clairement venue. Certains disent aujourd’hui
que l’échec provient de la division de la gauche et de son insuffisante adaptation au libéralisme.
Selon eux, il faudrait donc la rassembler autour d’une politique dite « réaliste », renonçant à
contester l’ordre capitaliste, préparant les alliances au centre.

Mais cette option, nourrie
d’autres expériences européennes, a été au coeur de la campagne socialiste depuis quelques
mois ! Ne tirant aucune leçon du 21 avril 2002, Ségolène Royal, aura tenu un discours de
facture libérale sur le « goût du risque », « l’esprit d’entreprendre », le refus de « l’assistanat »,
la réconciliation avec le profit, allant jusqu’à disputer à Sarkozy une part du discours sécuritaire
et identitaire. Ce parti pris, accentué entre les deux tours, a désorienté l’électorat de gauche.

Nous sommes convaincus que c’est l’une des clés de la défaite. L’adaptation sociale-libérale et
l’ouverture au centre n’ont rien produit de bon, ni en France ni ailleurs en Europe. Cela a nourri
les échecs des politiques menées par la gauche et le désarroi populaire depuis plus de vingt
ans .

Nous pensons que la gauche ne renouera avec les catégories populaires que si elle contribue à
construire avec elles une alternative moderne, crédible et mobilisatrice. C’est en refusant la
fatalité libérale que le mouvement populaire a retrouvé son allant dans la dernière décennie.
C’est parce que la gauche de gauche n’a pas offert de prolongement unitaire à la campagne du
« Non » au référendum européen et aux mobilisations sociales, qu’elle n’a pas été en mesure
de peser sur le débat électoral et d’empêcher la droitisation des thèmes de campagne. Elle a,
au total, réalisé, son plus mauvais score électoral depuis vingt ans, affaiblissant en
conséquence la mobilisation de la gauche tout entière.

L’urgence est certes de se rassembler pour faire front, et ce dès les législatives, mais aussi de
reprendre l’offensive sur le terrain des idées et des propositions autour de contenus
transformateurs et attractifs.

Une gauche molle n’est pas l’outil politique adéquat face à la contre-révolution libérale ; quant à
une « petite » gauche, elle serait cantonnée au rôle d’aiguillon minoritaire d’un sociallibéralisme
hégémonique. C’est à une refondation qu’il faut s’atteler, de la gauche, d’une
gauche qui soit à gauche.

Une gauche qui assume sans complexe sa vocation à répondre
aux attentes populaires.
Une gauche fidèle à ses valeurs et qui se renouvelle.
Une gauche qui
cesse de se dérober à la rupture avec l’ordre libéral et capitaliste dominant.
Une gauche qui ne
cherche pas son salut dans des alliances à droite ou le « dépassement des clivages ».
Une
gauche qui mette l’émancipation individuelle et collective au coeur de son projet et vise la
conquête de nouveaux droits et libertés.
Une gauche qui donne la priorité à la satisfaction des
besoins du plus grand nombre, qui relève le défi du partage des richesses et des pouvoirs, qui
défende un nouveau modèle de développement respectueux des équilibres écologiques, qui
replace la souveraineté populaire au coeur de ses propositions pour la France et pour l’Europe.

Ce projet peut et doit l’emporter demain à gauche. C’est la condition d’une future victoire sur la
droite et sa politique.

Regardons autour de nous, sans nous engluer dans la déprime ou les
rancoeurs. Il y a celles et ceux qui se sont retrouvés derrière les candidatures d’Olivier
Besancenot, de José Bové ou Marie-George Buffet. Il y a ces collectifs unitaires antilibéraux
qui, localement, ne se sont pas résignés à l’échec de l’unité antilibérale. Il y a les acteurs
sociaux qui savent combien l’absence d’alternative politique pèse sur l’issue de leurs luttes. Il y
a les forces intellectuelles et culturelles critiques qui ne demandent qu’à être utiles au champ
politique. Il y a, très nombreux, celles et ceux qui, socialistes, écologistes, républicains de
gauche, d’autres encore, dans la jeunesse notamment, partagent la nécessité de reconstruire
une gauche loin de toute normalisation social-libérale.

Notre défi commun est clair : nous avons
échoué pour n’avoir pas su agréger dans une visée commune toutes ces énergies antilibérales
et transformatrices ; nous ne réussirons qu’en les rassemblant, dans leur diversité, sans nier
leurs différences, en valorisant la part immense qui leur est commune.

La gauche doit enfin tirer le bilan de 25 ans de renoncement à être elle-même. Nous devons,
très vite, redresser la tête pour résister et réfléchir ensemble : à ce qui nous est arrivé, à ce que
nous voulons tous ensemble qu’il advienne. Nous avons besoin d’espaces partagés pour
penser, converger, débattre, agir.

A l’automne, partis et courants politiques, collectifs et comités, tiendront congrès, assises,
colloques... Au-delà, pour refonder une gauche de gauche, des convergences seront
nécessaires.

Pour rassembler de façon très large toutes les forces attachées à la
transformation sociale, il faut entamer un processus de rapprochement pouvant déboucher sur
un moment fort du type États-Généraux. Nous versons cette perspective au débat.

Après la défaite, l’heure pour la gauche est d’être maintenant, à gauche !

Le 10 mai 2007

Eric COQUEREL (président Mars Gauche Républicaine) - Claude DEBONS (excoordinateur
collectifs du 29 mai)) - Charlotte GIRARD (secrétaire nationale PRS) -
François LABROILLE (élu régional IDF Alternative Citoyenne) - Patrice LECLERC
(conseiller général communiste 92) - Jacques LERICHOMME (syndicaliste) - Claude
MICHEL (syndicaliste) - Christian PICQUET (LCR Unitaire) - Catherine TRICOT
(communiste unitaire) - José TOVAR (syndicaliste).



Commentaires

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samedi 26 mai 2007 à 10h18 - par  Charles Hoareau
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samedi 26 mai 2007 à 10h00 - par  danielle bleitrach

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