Hugo Chàvez souhaite retirer le Venezuela du FMI et créer une banque du sud.

lundi 7 mai 2007
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Lundi 30 avril 2007, le président Hugo Chávez Frias, leader de la révolution bolivarienne au Venezuela, annonçait sa volonté de retirer son pays des institutions capitalistes du FMI et de la Banque mondiale, qualifiées de « mécanismes aux mains de l’impérialisme états-unien », qui exploitent les pays pauvres. « Il vaudrait mieux en sortir avant qu’ils nous pillent », a-t-il ajouté lors de son discours adressé à la nation le 1er mai.

Aux États-Unis, dans les sphères politiques et les milieux d’affaires, les réactions à cette annonce ont été particulièrement violentes. Les journalistes des médias dominants se sont empressés de critiquer le « style impulsif de gouvernement » du président vénézuélien qui « ne serait visiblement pas conscient du risque de défaut de paiement de la dette de son pays », d’affirmer qu’« il ne pourra que faire marche arrière lorsqu’il aura pris la mesure des conséquences de telles actions », de laisser entendre que l’incohérence et l’incompétence de son gouvernement étaient telles qu’il était incapable d’expliquer avec précision comment, techniquement, le Venezuela sortirait des organisations financières internationales.

Le ministre des Finances vénézuélien, Rodrigo Cabezas, eut beau répéter que son pays n’interromprait pas les remboursements du service de sa dette extérieure, les marchés financiers -sujets de l’histoire auto-proclamés-, manifestaient leur mécontentement en faisant chuter la valeur des titres émis par l’État vénézuélien et augmenter le risque-pays. La secrétaire d’État Condoleezza Rice avait même déclaré un peu plus tôt que Chávez « est en train de détruire son pays économiquement et politiquement ». Après avoir nationalisé les secteurs du pétrole, de l’électricité et des télécommunications -qui « amputerait » la bourse de Caracas d’un cinquième de ses transactions-, puis comparé George W. Bush au diable à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies -ce qui aurait coûté au Venezuela sa place au Conseil de Sécurité-, le président révolutionnaire continue donc de défier l’impérialisme états-unien, cette fois sur le terrain monétaire et financier. Le mépris affiché et les insultes lancées contre Hugo Chávez par ses adversaires sont à la hauteur de l’importance et de la justesse de ses décisions.

La pertinence d’une sortie annoncée du FMI ne peut se comprendre sans la perspective de création d’une Banque du Sud (BancoSur), à laquelle le Venezuela contribuerait de manière décisive. Cette nouvelle institution aurait pour finalité de permettre à la fois de réduire la dette extérieure et de financer le développement, en fonctionnant de façon différente de la logique des banques capitalistes.

À l’heure actuelle, les pays du Sud, dans leur ensemble, se voient contraints de consacrer une part démesurée de leurs ressources à acheter des bons du Trésor états-uniens -plus de 1 000 milliards de dollars, destinés à financer les déséquilibres intérieurs et extérieurs de l’hégémonie du système mondial capitaliste-, mais également de constituer des réserves officielles en devises (dollars, euros...) afin de défendre leur monnaie nationale. L’heure paraît venue d’avancer dans le sens de la formation d’un front des pays du Sud pour conserver leurs ressources monétaires et financières, non plus en titres de la dette états-unienne ni en monnaies de pays dominants du Nord, mais bien plutôt au sein d’une Banque du Sud propre dont les gouvernements de l’Amérique latine et caribéenne auraient le contrôle.

Cette institution multilatérale d’un nouveau genre ne serait plus l’instrument du capital mondialement dominant, mais un outil efficace de financement d’un développement placé au service des peuples, finançant les ouvrages d’infrastructures, les agricultures, les industries, les exportations à forte valeur ajoutée. Elle soutiendrait financièrement l’essor des marchés internes et les efforts des gouvernements nationaux et locaux pour améliorer les conditions de vie et de travail de leurs peuples, promouvoir l’activité des coopératives, subventionner les entreprises nationales assurant une mission de service public. Affirmation de la conquête de la souveraineté monétaro-financière grâce à un système intra-continental d’échanges libellés dans les monnaies des pays membres -en attendant de l’être éventuellement en une monnaie commune nouvelle-, la création de cette banque offrirait aux États de l’Amérique latine et des Caraïbes une possibilité praticable de se libérer de la tutelle du FMI -dont la dépendance à l’égard du Département du Trésor états-unien n’est un secret pour personne.

La Banque du Sud a pour ainsi dire vocation à devenir la banque de l’Alternative bolivarienne des Amériques et des Caraïbes (ALBA). L’ALBA, dont la dynamique est complémentaire de celle du Mercosur, devrait se doter d’une banque multilatérale -et si possible d’une monnaie commune- pour diversifier les économies, conquérir la souveraineté alimentaire, promouvoir les secteurs sociaux, améliorer les conditions de vie des pauvres, éradiquer la misère -ce qui éxige le dépassement du capitalisme. Cuba, Venezuela, Bolivie, Nicaragua, Équateur, mais aussi Brésil et Argentine sont engagés dans la voie de la constitution d’un bloc régional latino-américain susceptible de faire contrepoids à l’hégémonie états-unienne, tout en respectant les droits des peuples à décider souverainement et à rester maîtres de leur devenir.


Rémy HERRERA membre du
CNRS, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne



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