Libérer Ingrid pour faire gagner l’UMP

vendredi 8 juin 2007
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A en juger par cet article paru dans un hebdomadaire de Bogotá les colombiens ne sont pas dupes.

Nicolas Sarkozy a assuré dès son entrée en fonctions que la libération d’Ingrid Betancourt serait l’une des priorités de son mandat. Et, effectivement, il a fait pour l’obtenir davantage de démarches en vingt-cinq jours que Jacques Chirac en cinq ans.

Il dirige personnellement depuis son bureau de l’Elysée la remise en liberté de l’ancienne candidate à la présidence colombienne. Le chef d’Etat français a eu ces derniers jours plusieurs conversations téléphoniques avec son homologue colombien, Alvaro Uribe, et l’a prié d’envoyer à Paris le haut-commissaire pour la paix, Luis Carlos Restrepo, pour définir une stratégie commune.

D’après le porte-parole de l’Elysée, David Martinon, les deux dirigeants ont principalement discuté, lors de leur premier entretien, des conditions de captivité des otages, et plus particulièrement d’Ingrid Betancourt, en se fondant sur les informations données par John Frank Pinchao, le policier colombien qui a réussi à s’évader d’un camp des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Ce premier contact a également servi à définir les priorités. Pour le président Uribe, tout éventuel échange de prisonniers devra s’accompagner d’une action militaire, tandis que Nicolas Sarkozy n’envisage que la voie de l’accord humanitaire. Cette conversation a marqué le début de relations diplomatiques directes pour résoudre la question des otages politiques et plus particulièrement le cas d’Ingrid Betancourt. Pourtant, quelques heures plus tard, le président Uribe a demandé à l’armée de continuer à essayer de libérer la Franco-Colombienne par la force. Cette requête a provoqué l’indignation de la famille d’Ingrid Betancourt et a été condamnée par la presse française.

Luis Carlos Restrepo s’est toutefois rendu à Paris pour trouver une solution politique au dossier. Selon certaines de nos sources, l’entretien entre le haut-commissaire pour la paix et Nicolas Sarkozy aurait principalement porté sur la mise au point d’une stratégie pour libérer Ingrid Betancourt. Le président français aurait maintenu sa position et insisté sur certaines conditions que la Colombie n’aurait pas pu accepter. Dans le même temps, les FARC faisaient parvenir des messages à l’Elysée demandant à Sarkozy d’intervenir [en faveur de la création d’une zone démilitarisée]. Les deux chefs d’Etat ont ensuite eu de nouvelles conversations téléphoniques. Avec l’aide de Restrepo, ils ont étudié les termes de la libération d’un groupe de guérilleros actuellement en prison et notamment du “ministre des Affaires étrangères” des FARC, Rodrigo Granda. Ce dernier a d’ailleurs recouvré la liberté le 4 juin dernier.

Les discussions avec les responsables colombiens ont fait comprendre à Sarkozy qu’il n’était pas possible de proposer de l’argent aux FARC en échange des prisonniers, comme cela a été fait pour les Français détenus au Liban. Le cas de la Colombie est différent, et l’intérêt de Sarkozy pour Ingrid Betancourt ne s’explique pas seulement par la conjoncture. Le gouvernement français tient aujourd’hui à faire savoir qu’il n’abandonnera aucun de ses ressortissants retenus en otage. En France, ce sujet a une influence sur les élections nationales. Lors de la présidentielle et des législatives de 1988, par exemple, le débat a été marqué par la libération du journaliste Jean-Paul Kaufmann et des diplomates Marcel Carton et Marcel Fontaine, après plus de trois ans de captivité et des négociations difficiles avec le Djihad islamique.

Pour certains, l’importance accordée à l’affaire Betancourt n’est pas sans relation avec la proximité des élections législatives, qui se dérouleront les 10 et 17 juin. Parvenir à un accord avant cette échéance servirait les intérêts de Nicolas Sarkozy. L’histoire pourrait donc se répéter en sa faveur.

L’issue des prochaines élections n’est pas la seule chose en jeu. Une autre rencontre capitale pour Uribe et Sarkozy se profilait à l’horizon, le sommet du G8 (du 6 au 8 juin à Heiligendamn, en Allemagne), où un texte sur la lutte contre le terrorisme devait être approuvé. Selon certains observateurs, si aucun accord entre Uribe et Sarkozy n’est conclu pour parvenir à la libération des otages politiques, les FARC pourraient être rayées de la liste des organisations terroristes, voire décrocher une sorte de reconnaissance politique au niveau international. Ce serait un énorme triomphe pour la guérilla, qui a toujours cherché à obtenir un statut de belligérant. Mais le gouvernement Uribe est résolu à l’en empêcher, et l’un des premiers moyens à utiliser pour cela pourrait être l’échange humanitaire.

Article de María Fernanda González dans El Espectador du 06/06/2007

Transmis par Linsay



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