Les riches ne veulent plus mettre la main à la poche

...où quand l’UE casse les cohésions nationales
jeudi 19 juillet 2007
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Depuis plusieurs années, les villes et régions prospères rechignent à payer pour leurs homologues plus pauvres. Avec l’accroissement des inégalités, le phénomène commence à peser sur le fonctionnement de l’UE.

La distribution de l’argent public fait l’objet de polémiques acharnées dans une grande partie de l’Europe. La question érode les solidarités nationales, alimente les séparatismes, encourage le populisme et génère des frictions entre les pôles d’excellence riches et les régions moins fortunées.

Les zones riches de l’Europe se révoltent. Et l’avant-garde du mouvement comprend certaines des villes les plus riches et les plus attractives du continent. De Milan, Mecque de la mode et de la finance, à Munich, centre du high-tech, en passant par Anvers, capitale mondiale du diamant, ou Barcelone, bouillonnante plaque tournante maritime, les villes et les régions les plus dynamiques d’Europe se rebellent contre les subventions accordées aux zones les plus pauvres de leur pays et exigent de conserver la richesse qu’elles produisent.

“Nous sommes dans la ligue des champions. Nos concurrents sont Milan ou Munich, pas les autres villes espagnoles”, déclare Ignasi Guardans, de Convergencia i Unio, le principal parti de Catalogne, nationaliste de centre droit. “Nous sommes dans le championnat européen de la mondialisation, mais nous avons l’impression de financer le Sud et il y a beaucoup de ressentiment contre cela. Les jeunes Catalans ont l’impression que l’Espagne nous suce le sang.”

En Italie, le gouvernement de centre gauche de Romano Prodi vient d’être défait aux élections locales, en particulier dans le Nord, essentiellement parce que cette zone considère que Rome lui chipe son argent durement gagné pour le distribuer dans le Sud, où il est absorbé par la Mafia et la Camorra. La Lombardie, au Nord, génère deux fois plus de richesse que la Campanie, au Sud. “Les gens du Nord en ont plus qu’assez”, confie James Walston, professeur à l’université américaine de Rome. “Le Nord considère les Méridionaux comme intrinsèquement paresseux et cette idée s’est répandue.”

En Belgique, les nationalistes flamands se plaignent que la masse salariale du service public est deux fois plus importante en Wallonie que dans les Flandres. “Le Sud est en majorité socialiste, c’est la dernière république soviétique d’Europe”, déclare Filip Dewinter, le chef du Vlaams Belang [qui a recueilli près de 20 % aux élections du 10 juin]. “Ils nous volent notre argent avec la complicité du gouvernement de Bruxelles.”

En Allemagne, les riches Länder de Bavière et du Bade-Wurtemberg se sont dressés contre les réformes du service de santé proposées l’an dernier par le gouvernement de Berlin, parce qu’ils devaient contribuer plus à la cagnotte nationale que les régions plus pauvres du pays.

L’élargissement a modifié la redistribution des richesses

En Grande-Bretagne, dans le débat sur l’autonomie ou l’indépendance de l’Ecosse, le Sud apprécie de moins en moins la formule Barnett, qui fait que les dépenses publiques par tête sont plus élevées en Ecosse qu’en Angleterre.

La rébellion des riches s’est également étendue au niveau intereuropéen, et concerne la façon dont Bruxelles dispense ses largesses. “L’argent provoque des crêpages de chignon”, déclare un fonctionnaire de la Commission. “Il y a beaucoup moins de solidarité.” Le passage, ces trois dernières années, de quinze à vingt-sept pays membres a considérablement accru les disparités et pesé sur les fonds disponibles. A titre d’exemple, un paysan polonais ne perçoit qu’une infime partie des subventions accordées à un paysan français.

“Le budget de l’Union européenne (UE) n’augmente pas, mais on en attend beaucoup plus et on se dispute pour savoir qui doit en bénéficier”, explique André Sapir, spécialiste d’économie européenne à l’université de Bruxelles. “Beaucoup de régions riches procèdent à une analyse des coûts pour savoir si elles ont intérêt à rester au sein de l’entité nationale. Et, comme leur marché n’est plus le marché national mais essentiellement le marché unique européen, il leur reviendrait moins cher de faire sécession.”

Au fil des décennies, la grande réussite méconnue de l’UE a été la redistribution des richesses entre pays et au sein de chacun d’eux. Cet exercice de démocratie sociale réduisant les disparités a largement profité à des Etats comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande. En gros, cela voulait dire que la riche Allemagne gardait son chéquier ouvert en permanence.

Cette époque est révolue. L’Allemagne réunifiée est une Allemagne relativement plus pauvre. Après avoir déversé au cours des quinze dernières années des centaines de milliards d’euros dans les anciens Länder communistes de l’Est pour financer la réunification, les citoyens de Munich, de Cologne ou de Hambourg sont moins enthousiastes à l’idée de mettre la main à la poche pour les Bulgares ou les Polonais.

Résultat, dans une Union de 500 millions d’habitants, les inégalités sont plus importantes que jamais. La zone la plus riche, le centre de Londres, génère plus de trois fois plus de richesse que la moyenne européenne, tandis que le nord-est de la Roumanie en atteint à peine le quart. Les régions riches réclament une nouvelle répartition, en invoquant l’équité. “C’est bien beau de soutenir la solidarité et la cohésion nationale, mais il ne faut pas que ce soit au détriment de soi-même ou de sa croissance, explique Ignasi Guardans. Tout ce que nous voulons, c’est récupérer ce que nous donnons.”

Article de Ian Traynor dans The Guardian du 14/06/2007

Transmis par Linsay

« La question érode les solidarités nationales, alimente les séparatismes, encourage le populisme et génère des frictions entre les pôles d’excellence riches et les régions moins fortunées. »...Et ce n’est pas nous qui le disons...



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