KLEIAAT

samedi 30 juin 2007
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Surprenant...et instructif !

14 juillet 1982

Le 14 jullet 1982, jour de fête nationale, feu Bashir GEMAYEL se trouvait avec Ariel SHARON, Raphaël EYTAN et Danny YALON [1] au restaurant français « Le Chef » dans Achrafiyeh [2], pour l’un de leurs déjeuners d’affaires. Comme à leur habitude, les israéliens avaient tendance à faire pression sur leur candidat à la présidence libanaise récemment choisi par eux. Ils avaient une requête, ils étaient là pour demander une faveur de plus au beau golden boy phalangiste, tandis que leur armée resserrait son étau autour de Beyrouth ouest. Ils avaient toutes leurs chances.

Après tout, Bashir était redevable envers les sionistes pour leurs nombreuses « attentions », comme des armes avec accords sur la drogue, la récupération de surplus d’armes à feu israéliennes par les Etats Unis, l’échange de renseignements, et l’assassinat de palestiniens que Bashir n’aurait pas pu supporter.
En ce jour de célébration de la France, et dans cet environnement francophone, le trio qui déjeunait avec lui pouvait facilement le détruire, et il le savait.

A Amin, son ambitieux jeune frère, qui allait contre toute attente devenir son successeur en tant que président du Liban et à ses conseillers. Bashir expliquait souvent qu’il fallait se méfier de l’arrogance congénitale de ceux qui s’autoproclamaient « crème de Tsahal ». Malgré leurs tentatives d’intimidation, ils s’étaient lourdement trompés ce jour là. Ils avaient grandement sous estimé la haine des Palestiniens et le mépris des musulmans qu’éprouvait le prince phénicien, le cheik BASHIR.
En évaluant mal le charismatique maronite, le trio Israélien ne s’était pas rendu compte, que, dans son quotidien, le libanais moyen est plus averti, plus attaché à ses origines et plus patriote que ne l’estiment beaucoup d’israéliens ou de politiciens américains.

Comme se l’est rappelé une personne de la sécurité phalangiste qui gardait l’entrée du restaurant, Sharon sortit un papier de sa poche intérieure, et l’envoya à travers la table vers Bashir. Il était écrit dessus que c’était « une dernière volonté d’Israël ». Il ne contenait qu’un seul mot : KLEIAAT. Les Israéliens scrutaient le visage de Bashir dans l’attente d’une réaction au moment où il récupéra le morceau de papier. Il sembla réprimer un bâillement. Il avait entendu ces « dernières volontés » tant de fois ; il avait toujours éprouvé du mépris pour ces « déjeuners de pression ». Ainsi, comme le garçon qu’il avait été, comme le martyr et le patriote qui avait toujours aimé les Libanais, il pressa serra ses lèvres et écouta poliment, selon la coutume Libanaise, ce que Sharon lui exposa en détails.

Bashir rageait intérieurement et était sur le point d’exploser de colère, comme il l’avait parfois fait auparavant lorsqu’il s’était senti contraint par Sharon. Cette fois-ci il sourit au trio inquiet.
Puis il se pencha en avant, et chuchota, d’une voix dont on dit toujours dans sont quartier de Bekfayya qu’elle faisait se pâmer les femmes, « mes chers amis, vous ne serez pas déçus ».

Sharon, qui était enchanté par la réponse de Bashir, lui tapa dans le dos dans un geste d’amitié, ce que l’ancien paroissien trouva profondément blessant.
En retournant à son quartier général d’ Achrafiyeh, il bondit en haut des escaliers jusqu’à son bureau pour rencontrer des conseillers - à l’endroit même où moins de deux mois plus tard, il serait tué par une bombe qui allait détruire tout le bâtiment et blesser plus de 200 personnes - Bashir hurla en entrant dans son bureau « une base aérienne israélienne au Liban ? Ces fous de fils de putes n’auront pas le moindre grain de sable de KLEIAAT. »

25 ans plus tard...

Près de vingt-cinq ans plus tard, certaines sources bien informées au sein de la communauté palestinienne, ainsi que des analystes politiques sunnites, chiites et chrétiens, sont d’accord sur un point : tout comateux qu’il soit, Sharon a sans doute une chance de se voir accorder sa faveur tant convoitée.

Les habitants de Bibnin Akkar [3] ainsi que le quotidien libanais Al Divar s’interrogent.
Sur le sol de KLEIAAT, base aérienne abandonnée depuis longtemps, pourrait débuter cette année la construction d’une base aérienne américaine. Afin de rendre le projet plus concret, on promeut une base US/OTAN qui servira de quartier général à une force de déploiement rapide de l’OTAN, un escadron d’hélicoptères, et une unité de forces spéciales. La base assurera un entraînement à l’armée Libanaise, aux forces de sécurité de combat salafistes, ainsi qu’aux islamistes fondamentalistes et d’autres, au besoin.

Le Pentagone et le QG de l’OTAN en Belgique ont choisi un nom pour ce projet qui se concrétisera le long de la frontière Libano Syrienne, utilisant cette large zone « comme une base pour les troupes d’intervention rapide » : la base sera appelée « Le Centre d’entraînement de l’Armée et de la Sécurité Libanaise. »

KLEIAAT, petit aéroport récemment abandonné, était utilisé par Middle East Airlines pendant un moment pour faire la navette entre Beyrouth et Tripoli. Les habitants de la région racontent, que pendant la guerre civile, (1975-1990), un service d’hélicoptères navettes était aussi utilisé pour palier à la fermeture des routes.

On aurait donc pour projet de construire la base à 4 km de la plage du camp palestinien de Nahr al-Bared. Les deux lieux partageraient le front de mer méditerranéen. C’est une étendue de dunes de sable en pente douce, couverte de prairies de longues herbes et de broussailles. En dépit de l’opposition d’un mouvement environnementaliste libanais anémique, qui soutient que cette zone devrait être laissée à ses multiples espèces d’oiseaux et à la nature, les habitants du coin surveillent attentivement ce qui se passe. Il ne se passe pas grand chose en ce 29 Mai 2007. Environ 20 cabanes de type Algeco, quelques poteaux récemment installés, mais aucune trace d’équipement lourd ou de matériel de construction. Les 3 soldats d’avant poste ont l’air de s’ennuyer et ne me demandent même pas mes papiers lorsque je visite le site sur le dos d’une belle nouvelle BMW 2200cc, faveur de l’un des snipers de la milice locale arrêté par l’armée libanaise suite aux plaintes de l’OLP pour avoir, jusqu’à il y a deux jours, ouvert le feu dans Nahr al-Bared.

A Bibnin Akkar, des entrepreneurs libanais, chefs financiers grands gagnant du projet, voient s’ouvrir à eux des opportunités de construction par milliers, ainsi que de nombreux emplois liés à ces constructions. Ils font partie d’une communauté sunnite loyale au clan des Hariri. Un chic type, qui grâce à un modem bidouillé branché à un des deux PC de sa boutique, à pu me connecter la nuit dernière à un réseau Internet intermittent, envisage d’ouvrir un nouveau cybercafé avec au moins 50 PC portables. On projette aussi d’ouvrir des hôtels, des restaurants, et autres affaires de toutes sortes dans l’optique de répondre à la demande des futurs travailleurs.

Ceux qui ne bénéficieront pas de cet essor de construction sont les 40 000 palestiniens de Nahr al-Bared, qui vivent pourtant littéralement la porte à coté du site du projet. Ces réfugiés, déplacés de chez eux en Palestine en 1948 et 1967, puis de Tall Az-Za’tar par les Phalangistes en 1975, et d’autres venus à la suite d’attaques israéliennes sur le Liban en 1978, 1982, 1993, 1996, et 2006 ne gagneront rien de Kleiaat.

Cela vient du fait que sous couvert de la loi libanaise, les 70 métiers les plus qualifiés sont refusés au palestiniens résidant au Liban. Même si les 20 000 palestiniens déplacés à cause du présent conflit avec Fatah al- Islam sont autorisés à rentrer chez
eux, ce que je souhaite, et même si leur crainte que le camp soit démoli est infondée, comme je l’espère, ils resteront quand même dans la misère, selon l’UNWRA qui considère que 10 000 d’entre eux sont « des cas d’extrême pauvreté ».

Comme le rapporte aussi bien le siège de l’OTAN à Bruxelles que les habitants de Bibnin Akkar, le 28 mai 2007 une délégation militaire Americano- germano- turque à inspecté et survolé la région d’Akkar. Le « staff » de l’ambassade américaine aurait visité l’aéroport de Kleiaat en début d’année pour connaître le site. David Welch y a aussi jeté un rapide coup d’oeil lors de sa récente visite. Un journaliste libanais hostile à la base aérienne à déclaré le 28 mai 2007 : « L’administration Bush a averti le Liban de
la présence d’unités d’Al -Quaida au nord du Liban. On aurait besoin de la base pour faire face à cette menace. Et oh surprise ! Un nouveau « groupe terroriste portant le nom de Fatah al- Islam fait son apparition prés de Kleiaat au camp d’al-Bared. »

Le pentagone plaide pour la base. Il assure que la base militaire contribuera au développement et au rétablissement économique de la région, et conseille au gouvernement libanais de se concentrer sur l’aspect financier et les conséquences positives pour la population de la région (sunnite à 95%). Selon le département des achats du pentagone, les prétendants au projet à un milliard de dollars pourraient être notamment Betchel et Halliburton, qui actuellement des affaires en Irak.
Le Premier Ministre martyr Rafic Hariri avait lui aussi vu le potentiel de l’aéroport de Kleiaat. Mais il était contre le projet de base américaine. Son épicier qui vendait des fruits et légumes à l’armée libanaise qui patrouillait sur les routes entre Tripoli et la Syrie en face de Nahr al-Bared disait : « Rafic Hariri, qu’il repose en paix, aimait le Liban. Mais il ne pouvait pas voir un seul morceau de terrain sans vouloir l’exploiter ! ».Hariri voyait à Kleiaat une zone franche commerciale à un million de dollars, et un port, malgré l’opposition syrienne. Il avait les investisseurs avec lui avant d’être assassiné.

Damas était opposé au rêve d’Hariri car ce nouveau port et cette zone franche auraient privé d’une partie de ses revenus le tout proche port syrien de Lathikiya.
A Washington, selon les observateurs étudiant la question, le projet de la base a été soutenu par des membres du bureau du secrétariat à la défense des Etats- unis ainsi que par l’état major des armées, à l’instigation de l’agent israélien Elliot
Abrams. On s’attend à ce que l’AIPAC [4] fasse le nécessaire au sein du congrès et avec les commissions de la Chambre desAffaires Etrangères, des Achats, du Renseignement et des Forces Armées. Elles sont toutes complètement contrôlées par les fidèles du Lobby israélien. On peut s’attendre à ce qu’elle soit ajoutée comme amendement tout à fait anodin à un projet de loi à venir.

Selon Rachael Cohen, de l’AIPAC : « Nous avons besoin que cette base soit construite aussi vite que possible comme base avancée contre Al- Qaida et d’autres terroristes (lire Hezbollah) ». A la question « Est- ce qu’Israël offrira entraînement et conseillers à l’armée libanaise ? », Mme Cohen a répondu : « Qui vivra verra, mais peu importe le Liban et les libanais, nous on veut arrêter les terroristes ! » Oathman Bader, un dirigeant local ayant fuit Nahr al-Bared pour se réfugier à Badawi explique : « A propos du Liban, la question est de savoir si les libanais accepteront la construction de la base . Peu de gens au nord du Liban doutent sur le fait qu’Israël aura accès à la base. »

Fatah Intifada, un groupe ayant expulsé Fatah al -Islam de leur camps le 26 novembre 2006, livre que Fatah al- Islam et leurs alliés se sont engagés à mener à bien des opérations suicides dans le but de stopper le projet.
Selon un chroniqueur du journal Al- Akbar à Beyrouth, « un projet américain comme celui-là diviserait le pays. Il est hors de question que le Liban permette une telle chose. Des salafistes, islamistes fondamentalistes, aux sunnites modérés en passant par le Hezbollah, au Liban probablement tous les groupes s’y opposeraient. Et vous imaginez la réaction de la Syrie ?

A ce sujet, un arabe américain de Boston bénévole à l’hôpital palestinien le Croissant Rouge à Safad, faisait remarquer : « Heureusement, les organisations américaine pour la paix au Moyen-Orient, pro palestinienne et pro libanaise pourront se joindre aux opposés à la base au Liban, et lutter au congrès. Welch et l’ambassade américaine de Beyrouth devraient être interrogés à ce propos.

Article de Franklin Lamb traduit par Sandra Parigi.


[1on peut en savoir un peu plus sur ces personnes en allant notamment sur Wikipedia à Gemayel

[2quartier chrétien de Beyrouth Est

[3voisins à moins de 3 km de Kleiaat

[4« The American Israël Public Affairs Committee » - Comité américain pour les affaires publiques d’Israël). C’est le principal lobby d’Israël aux Etats-Unis.



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