Prière de ne pas tomber malade

dimanche 8 juillet 2007
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Hôpitaux bondés, services d’urgence débordés, malades non assurés... Au Texas plus encore que dans les autres Etats américains, la crise du système de soins est manifeste. Reportage à Houston.

Un jour, Ijeoma Onye s’est réveillée le souffle court, la tête bourdonnante. Sa fille, Ebere Hawkins, l’a immédiatement emmenée à l’hôpital Ben Taub de Houston, où les malades ne bénéficiant pas d’assurance-maladie peuvent être soignés gratuitement ou moyennant une somme modique. Ijeoma, âgée de 62 ans, a dû patienter des heures avant de voir un médecin. Pourtant, les urgences constituaient la solution la plus rapide, car “obtenir un rendez-vous prend des mois”, explique Ebere.

L’hôpital Ben Taub est le cÅ“ur du district hospitalier du comté de Harris, un réseau d’hôpitaux et de centres de soins qui accueillent les quelque 1,1 million de résidents de la région de Houston privés d’assurance-maladie et des centaines de milliers de personnes mal couvertes. Ici, le chiffre de 45 millions d’Américains privés d’assurance-maladie est plus qu’une statistique. C’est le signe d’une crise bien réelle.

Au plan national, plus de 15 % d’Américains n’ont pas de couverture maladie. Ce chiffre atteint le niveau record de 24 % au Texas.

L’exemple de Houston ressemble à un avertissement : lorsqu’on laisse la situation s’aggraver jusqu’à ce que près d’un tiers des habitants n’aient pas d’assurance-maladie, non seulement la population est en moins bonne santé, mais le système de soins est totalement débordé. “Le Texas est le parfait exemple d’implosion du système de santé”, insiste Guy Clifton, un neurochirurgien.

A l’instar d’autres Etats, le Texas connaît des problèmes multiples. Les petites entreprises privent de plus en plus leurs salariés de couverture maladie, et les subventions fédérales et locales sont insuffisantes.

A cela s’ajoutent les baisses des taux de remboursement des frais hospitaliers décidées par les assureurs, qui poussent les hôpitaux à réduire leurs services déficitaires, notamment les urgences. Devant le nombre croissant de patients non assurés, les professionnels de santé sont obligés de faire des choix pour décider qui doit être soigné et quand. “Bien sûr que nous rationnons les soins”, lâche Kenneth Mattox, directeur du personnel de l’hôpital Ben Taub.

Certains Etats ont entrepris de régler le problème, notamment le Massachusetts, le Vermont et le Maine. La Californie, l’Illinois et la Pennsylvanie commencent à leur emboîter le pas et de plus en plus d’Etats s’efforcent de mettre en place des systèmes permettant d’assurer d’abord les enfants puis, à terme, tous les résidents.

Mais, partout, l’augmentation du nombre de malades non assurés a conduit les services des urgences des hôpitaux au bord du précipice. A l’échelon national, le nombre de consultations aux urgences est passé de 93 millions en 1994 à 110 millions en 2004, soit une hausse de 18 %. Au Texas, cette augmentation a été de 33 % et elle a même atteint plus de 50 % dans la région de Houston. Dans le même temps, le nombre des services d’urgence a été réduit de 12 % dans l’ensemble du pays.

Résultat : ils sont surchargés en permanence. “Quand je suis arrivée ce matin, il y avait des gens qui attendaient depuis la veille”, explique Kellie Manger, infirmière à Ben Taub. Près de la moitié des patients qui se présentent ont besoin de soins de base. “Nous voyons beaucoup de malades qui n’ont pas été chez le médecin depuis des années”, explique Katherine King-Casas, médecin urgentiste.

L’importance du nombre de personnes privées d’assurance-maladie et la surcharge du système de santé ne sont pas sans conséquence. Les personnes dépourvues d’assurance-maladie présentent une mortalité supérieure à la moyenne. Elles sont plus exposées au risque d’hypertension, ont moins de chance qu’on leur dépiste un cancer à temps et risquent davantage de mourir d’une crise cardiaque. Même lorsqu’ils parviennent à voir un médecin, les malades n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments. “On leur fait une ordonnance, on les renvoie chez eux, mais leur santé ne s’améliore pas”, regrette Efrain Garcia, cardiologue à San Jose.

Face à ce désastre, le Texas a récemment pris des mesures. Ainsi, le mois dernier, une nouvelle loi a permis d’inscrire 127 000 enfants de plus dans le programme d’assurance-maladie infantile, dont bénéficient désormais près de 300 000 mineurs. Les législateurs ont également lancé un nouveau programme visant à assurer 200 000 adultes de plus. Toutefois, le Texas n’a aucun programme de l’ampleur de celui mis en place par le Massachusetts pour assurer l’ensemble de ses habitants. A Houston, les responsables hospitaliers sont donc condamnés à se débrouiller bon an mal an. Ils tentent d’apprendre aux patients quand il faut se rendre dans les consultations externes plutôt qu’aux urgences. Un service téléphonique baptisé “Demandez à votre infirmière” a aussi été mis en place afin de désengorger les urgences. Mais, en dépit de tous leurs efforts, les responsables des services de santé de l’Etat ne sont pas parvenus à réduire le nombre de personnes privées d’assurance-maladie. “Notre situation est catastrophique et intolérable, tout le monde en est conscient”, explique Charles Begley, du département de santé publique de l’université du Texas. “Le problème, c’est de trouver comment y remédier.”

Article de Richard Wolf dans USA Today du 05/07/2007

Transmis par Linsay


SANTÉ

Trois Etats pionniers
Seuls les Etats du Vermont, du Maine et du Massachusetts ont adopté une politique en faveur d’une couverture santé universelle. Le Massachusetts, très en pointe, a même rendu obligatoire la souscription à une assurance-maladie à compter du 1er juillet 2007. Un tiers des 370 000 à 500 000 personnes non assurées que comptait l’Etat auraient déjà fait les démarches nécessaires.



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