Liban : deux articles pour comprendre

samedi 11 août 2007
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Vue de la France la situation au Liban est difficilement compréhensible. Il y aurait d’un côté les démocrates au pouvoir attachés à l’indépendance du pays et de l’autre les fous de Dieu du Hezbollah liés à la Syrie qui chercheraient à renverser le gouvernement au profit d’un état barbare islamiste.
Oui mais alors dans ce schéma pourquoi les chrétiens d’Aoun et le PC libanais seraient ils alliés au Hezbollah ?
Quel est le rôle des Etats Unis et la nouvelle position de la France depuis l’élection de Sarkozy ?...
Les deux articles ci-après donnent un éclairage de la situation actuelle. On pourra lire aussi sur le même sujet dans la même rubrique, la série d’articles de Marie Nassif Debs membre du bureau politique du PC libanais

Entre l’explosion et la trêve

Une course contre la montre au Liban

La situation politique au Liban va s’exacerbant, pour ne pas dire qu’elle tend vers une nouvelle escalade. Et les nombreuses délégations, arabes et autres, qui se promènent dans la région ne sont, au même titre que les appels à des rencontres de dialogue nouveau, dont celui lancé par la France, constituent en fait des tentatives visant à asseoir la trêve momentanée... Mais, comment et jusqu’à quand ?

Celui qui suit, ces derniers jours, les déclarations politiques fusant de tous côtés ne peut que constater l’existence d’une course contre la montre entre l’explosion et la trêve, tant chez les deux parties libanaises en présence (le gouvernement de Fouad Sanioura et l’opposition traditionnelle qui lui fait face) que chez les forces de tutelle. La force internationale représentée plus précisément par les seuls Etats-Unis et les forces régionales divisées en deux groupes très distincts : d’une part, ceux à qui, en plus d’Israël, la ministre étasunienne des Affaires étrangères, Condoleeza Rice, avait donné le nom d’ « Arabes tempérés » (l’Arabie Saoudite, la Jordanie, les Emirats arabes unis et l’Egypte) et la Syrie et l’Iran, d’autre part.

Deux rythmes...à l’heure étasunienne

Et, tandis que l’Arabie Saoudite et la Syrie déclarent qu’il incombe aux seuls Libanais de trouver les alternatives menant à l’entente sur une solution à la crise gouvernementale qui sévit depuis plus de sept mois, on observe, en même temps, une série de discours et d’interviews faits par des responsables libanais ou des diplomates résidant au Liban dans le but de rappeler que la solution n’est pas proche et que celui qui décide où le Liban doit aller, ce n’est ni la France ou la Ligue arabe (dont le secrétaire général se démène dans de nouveaux aller et venues), mais les Etats-Unis...
Et, par suite, il faut suivre les deux rythmes préconisés par l’administration de Bush : Le premier étant celui visant à faire avancer le projet du « Nouveau Moyen Orient », grand ou élargi, et ce à travers une solution du conflit arabo-israélien allant dans le sens de la normalisation des relations avec Israël, même si le gouvernement d’Ehoud Olmert continue son Å“uvre criminelle contre les Palestiniens et poursuit ses violations du territoire libanais( tout en volant l’eau du fleuve Hasbani et des source d’eau du Golan syrien)...
Et, c’est (peut-être) la raison pour laquelle le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a insisté dans sa conférence de presse, tenue le lundi passé, sur l’importance de « l’ouverture du Liban à ses voisins », ce qui n’inclut en aucun cas la Syrie qui « se trouve derrière tous les complots fomentés contre le Liban et auxquels Sanioura fait face, seul comme un roc ».

Quant au second rythme, il se résume dans ce que l’ambassadeur étasunien à Beyrouth avait déjà dit à propos du « danger que forme le Hezbollah contre le Liban et la sécurité de ses habitants », affirmant d’ores et déjà, que ce parti politique ne prendra jamais en considération les « conseils des nations Unies » concernant les armes de la résistance... Il est à penser que ce second rythme est à la base de certains changements opérés dans les positions des dirigeants français, dont : la déclaration de Bernard Koushner sur l’appui de la France aux forces « loyalistes » libanaises, dites du « 14 mars », reprise, dimanche passé, par l’ambassadeur français Bernard Emié, mais, surtout, les « conseils » lancés par le président français, Nicolas Sarkozy, lors de sa rencontre avec les parents des deux soldats israéliens enlevés par le Hezbollah.
Tout cela, quelques jours seulement avant la rencontre de la Celle Saint-Cloud, comme s’il une intention secrète de faire échouer le dialogue prévu et déjà très critiqué par les démocrates et les forces de la gauche libanaise comme étant un dialogue entre forces confessionnelles dont le but est de cloner le régime confessionnel, créé en 1943 par le Haut commissaire représentant, alors, au Liban la puissance mandataire de la « France laïque et républicaine ».

Les deux problèmes et le compromis ?

En attendant, deux problèmes furent soulevés durant les dernières vingt-quatre heures et qui ne laissent pas présager une longue accalmie :

Le premier problème est celui de la nécessité pour l’armée libanaise d’en finir avec la situation qui prévaut depuis le 20 mai à Nahr Al-Bared, surtout que toutes les issues ont été fermées devant les solutions politiques à la crise, dont celle d’une intervention palestinienne directe au sein de l’ancien camp occupé par le « Fath Al Islam ».

Le second est celui de l’après Lahoud. Et, là, plusieurs scénarios sont avancés, dont celui visant à un compromis qui formerait la base d’une longue trêve. Ce dernier scénario comporterait trois points et commencerait par une entente sur un Président de transition :

1. Une loi électorale ayant l’aval des Chrétiens du Liban.

2. L’élection d’un nouveau président de la République pour une période de deux ou trois ans.

3. La formation d’un nouveau gouvernement « équilibré » dont le premier pas serait de superviser les élections prévues pour 2009.

Mais, qui va couvrir ce compromis ? Et quel en sera le prix ?

Surtout qu’une grande partie de la population voudrait en finir avec les divisions faites sur des bases confessionnelles pour aller vers la création d’une patrie, non le retour aux clivages. D’ailleurs, on se demande si la grande puissance de tutelle, les Etats-Unis, voudrait trouver une solution à la crise libanaise en dehors de l’implosion du Liban à l’exemple de l’Irak divisé en trois Etats...

Marie NASSIF-DEBS
Beyrouth, le 10 juillet 2007

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Michel Aoun : "Les Etats-Unis travaillent à la déstabilisation du Liban"

9 Août 2007
Alain Campiotti - Le Temps

Les Libanais, pour leur malheur, vivent dans des bulles. Le système institutionnel que leur a légué le mandat français les y pousse. Bulles maronites très haut dans la montagne. Bulles chiites aux portes de Beyrouth ou dans le sud. Bulles sunnites à Tripoli ou Hamra... La bulle du général Michel Aoun est juste au nord de la capitale : Rabieh, sur une pente boisée, un ensemble de villas très cossues protégées par des couches technologiques de haute sécurité. "Six attentats, dont trois avec des morts autour de moi", fait-il remarquer.

Depuis son retour de quinze années d’exil il y a deux ans, ce militaire très politique se bat contre les bulles. C’est ce qu’il dit avec force. Ses adversaires du gouvernement, depuis qu’il a passé alliance avec le Hezbollah, l’accusent au contraire de s’y enfermer. Pour se justifier, Michel Aoun a reçu Le Temps dans son nid d’aigle qui est aussi le quartier général du Courant patriotique libre, son parti.

Le Temps : Depuis que vous avez vaincu l’ancien président Amine Gemayel dans une élection dimanche, vos adversaires maronites disent que vous avez perdu : vous ne contrôlez plus, comme en 2005, cette communauté catholique...

Michel Aoun : Ils m’amusent ! Ceux d’entre eux qui sont au parlement ont été élus avec une majorité sunnite dans laquelle le vote chrétien est dilué. Nos candidats sont en général élus par un vote moitié chrétien, moitié non chrétien. Mais c’est une vieille manière de penser. Je suis prêt à sacrifier 20% de ma popularité si c’est le prix à payer pour éviter une confrontation dans le pays. Or c’est précisément ce que nous avons cherché en signant l’an passé une entente avec le Hezbollah.

- Vous voulez la fin du système d’équilibre confessionnel dans les institutions ?

- C’est un système condamné, en voie de disparition. Nous voulons établir, pas à pas, la laïcité de l’Etat. Il faut que les Libanais s’habituent à l’exercice du pouvoir sur la base de choix politiques et non d’arrangements confessionnels.

- Votre entente avec le Hezbollah, n’est-ce pas une manière d’arrangement ?

- C’est un programme politique ! Sur la réforme de l’Etat, son indépendance, les relations avec la Syrie, avec les Palestiniens. Le Hezbollah est acquis à l’idée d’un code civil libanais. Et son chef, Hassan Nasrallah, a déclaré il y a dix jours qu’il était prêt à discuter du désarmement de son mouvement, et d’un armistice entre Israël et le Liban, indépendamment de la situation dans le reste du Proche-Orient. Je défie nos adversaires, que l’Occident soutient, d’avoir un tel courage.

- Mais le Hezbollah est-il lui-même indépendant : le principe du "Velayat al-faqih" ne le lie-t-il pas directement au guide de la révolution iranienne ?

- Si vous pensez que l’homme est une pierre, et ne change jamais, alors vous avez raison. Quand le Hezbollah faisait référence au "Velayat al-faqih", Samir Geagea, le chef des Forces libanaises, parlait de cantons chrétiens, et Walid Joumblatt de frontières druzes. Les temps ont changé. Le Hezbollah, aujourd’hui, revendique sa part de pouvoir, rien de plus.

- La Syrie n’est-elle pas plus pesante que l’Iran sur le Liban ? Et n’avez-vous pas rencontré récemment en Allemagne un émissaire syrien, comme le disent les Saoudiens ?

- C’est une diffamation colportée par des moulins à mensonges. J’ai confondu Amine Gemayel qui reprenait cette calomnie. La Syrie joue contre moi. Des mouvements pro-syriens ont appelé dimanche à voter pour notre candidat, et ça lui a coûté des voix, par répulsion.

- Tenez-vous les Occidentaux, les Etats-Unis, pour vos adversaires ?

- Les Américains refusent notre tentative de sortir le Hezbollah de son isolement. Et ils soutiennent sans faille le gouvernement de Fouad Siniora contre ce projet. George Bush a annoncé il y a une semaine le gel des avoirs de ceux qui agissent contre le "gouvernement légitime" du Liban, dont nous contestons la légitimité depuis un an. Trois jours avant l’élection de dimanche, cette menace a effrayé ceux qui nous soutiennent de leurs dons.

- Vous appelez à un gouvernement d’union nationale. Croyez-vous l’unité du Liban menacée ?

- L’entente et l’union que nous proposons sont la seule voie de salut. Or l’Occident n’en veut pas. Je soupçonne les Etats-Unis de travailler à la déstabilisation du Liban, après celle de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Somalie, etc. Je crois en fait que les Américains souhaitent un nouvel affrontement dans ce pays. Pour organiser, à la faveur de ce désordre, l’implantation au Liban des Palestiniens qui y résident, parce qu’on ne leur donnera pas d’autre pays.

Transmis par Comité Valmy.



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