Trois coréens à Paris

vendredi 7 décembre 2007
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Voici l’histoire d’une lutte poursuivie avec une détermination incroyable par des salariés, dont Lafarge aurait bien voulu se débarrasser à défaut de mettre au pas et qui sont venus pour se faire entendre, depuis la Corée où ils étaient embauchés, jusqu’à Paris, devant le siège mondial du cimentier...et ils y restent !!

Il y a déjà presque trois mois que trois Coréens sont devant la porte de Lafarge, le cimentier français, au 61, rue des Belles Feuilles dans le 16e arrondissement de Paris.

Tous les matins, entre 8 et 10 heures, ils manifestent, bandeau rouge sur le front, derrière une banderole proclamant : « Nous ne sommes pas des esclaves, mais des être humains ». Ils distribuent des tracts aux salariés de Lafarge et aux habitants riches du quartier en expliquant pourquoi ils sont venus de la Corée jusqu’en France, où ils ne comprennent rien sans interprète.

Comme Le Monde l’a écrit, cette lutte est un peu l’histoire de Roger and Me, le film où le cinéaste, Michael Moore, tente de rencontrer le patron de General Motors pour qu’il s’explique sur la fermeture des usines de Flint . [1]

Après avoir créé un syndicat chez un sous-traitant de Lafarge-Halla, Woojin Ind., des coréens ont vu leur entreprise fermer en transférant les employés et les matériaux vers deux autres sous-traitants internes, Sehwa Ind. et Daewon Ind. La plupart de syndicalistes y étaient réembauchés à condition qu’ils démissionnent du syndicat. Ayant refusé jusqu’à la fin, trois syndicalistes ont choisi de rester licenciés pour réclamer le droit au syndicat . [2]

Leur lutte a commnencé dans une ville de province coréenne à la fin de mars 2006 et, passant par Séoul, elle continue aujourd’hui à Paris. Les Coréens réclament la réintégration dans leur fonctions, l’amélioration des conditions de travail, la reconnaissance sans réserve du syndicat et de ses activités et le versement des salaires pour toute la période du licenciement. En France, au début, les média ont montré de l’intérêt vis à vis de cet exemple peu banal de la mondialisation des luttes ouvrières : Le Monde, 20 minutes, Libération, L’Humanité, AFP, etc . [3] ont parlé d’eux, mais passé le moment de curiosité ils doivent maintenant lutter contre le silence de l’oubli

La CGT les a rejoint depuis le début de la lutte pour médiatiser la négociation entre Lafarge et les syndicats internationaux, mais la négociation fut délicate, car même la CGT a trouvé que les revendications coréennes étaient trop ambitieuses.

Lafarge, contraint et forcé, a bien fait des propositions mais les Coréens ne pouvaient les accepter. En effet, selon les termes du protocole soumis aux salariés, ils devaient être dispersés chez différents sous-traitants où existait déjà un syndicat. Dans la mesure où en Corée il est interdit d’avoir plus d’un syndicat dans une entreprise (syndicat qui est souvent « jaune »), cela les empêchait de poursuivre leur lutte syndicale pour l’amélioration des conditions de travail.

La situation du mouvement ouvrier coréen semble trop compliquée pour que les camarades français la maitrise parfaitement, alors que Lafarge, qui, lui, la comprenait très bien, a utilisé ses connaissances dans la négociation. C’est pour cette raison que ces trois Coréens très déterminés ne peuvent toujours pas retourner en Corée, alors même que leur représentant syndical les a abandonnés et est rentré au pays.

Aujourd’hui ils se trouvent sans le soutien du syndicat coréen et de la CI à laquelle il est affilié, ce qui a entrainé le retrait officiel de la CGT mais ils continuent à aller devant Lafarge avec quelques soutiens individuels de cégétistes de la construction, de membres du PCF, d’ATTAC, SUD...


[1Le monde le 20 septembre 2007.

[2Cf. le premier tract de la lutte des coréens, « Chronique de la lutte N°1 », Fédération syndicale coréenne de la chimie et du textile, 13 septembre 2007.

[3Voir le site de cette lutte coréenne, http://ouvriers.coreens.free.fr



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