Regards de décembre 2007

dimanche 23 décembre 2007
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PRIVATISER MENACE L’ENVIRONNEMENT

Dans tous les Etats membres de l’Union européenne, les déclarations, les colloques se suivent sur la protection de l’environnement. Grâce à leurs travaux, les experts du GIEC (Groupement intergouvernemental sur l’évolution climatique) ont contribué à faire prendre conscience de la gravité de la situation par les autorités gouvernementales. La lutte contre le changement climatique est devenue leur dénominateur commun, du moins dans les intentions. La Commission européenne n’est pas en reste. Elle multiplie les auditions, les rapports avec l’objectif déclaré de faire de la protection de l’environnement la priorité des priorités. Mais, en même temps, elle propose d’accélérer le processus de déréglementation et de privatisation dans tous les secteurs. Les services publics sont dans le collimateur de Bruxelles qui les considère comme les principaux pôles de résistance à sa politique ultralibérale.

La Commission européenne et les gouvernements auraient tout intérêt à prendre connaissance du dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l’avenir de la planète publié le 25 octobre 2007 (www.pnue.org). Pour cette instance internationale, la privatisation serait le plus mauvais scénario du point de vue de l’environnement. C’est la conclusion dégagée de l’étude de quatre scénarios pour l’avenir de la planète selon les politiques mises en œuvre.

Dans le scénario fondé sur l’effacement de l’Etat au profit du secteur privé, les biens naturels seraient privatisés, le commerce se développerait sans limites mais avec comme conséquences une aggravation des inégalités et un impact environnemental insupportable. Avec ce scénario, « l’environnement et la société se rapprochent rapidement du »point de basculement voire le dépassent« . Ce concept de »point de basculement« à partir de certains seuils est avancé par les auteurs du rapport : »Les effets cumulés de changements continus dans l’environnement peuvent atteindre des seuils qui se traduisent par des changements brutaux".

Le PNUE va encore plus loin ; il indique que la dégradation des conditions environnementales dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique, sont à l’origine des crises et des conflits dont sont victimes les populations. Prenant l’exemple du Soudan, le directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner, insiste : « La tragédie au Soudan n’est pas seulement la tragédie d’un pays d’Afrique, c’est une fenêtre sur le reste du monde qui met en évidence la manière dont les problèmes tels l’épuisement incontrôlé des ressources naturelles, comme les sols et les forêts, conjugués à des impacts comme les changements climatiques, peuvent déstabiliser les communautés, voire même des nations entières ». Effectivement, les changements climatiques peuvent entraîner des mouvements de population, avec une augmentation des « réfugiés climatiques », et des guerres.

La Commission européenne et les gouvernements de l’Union européenne tiendront-ils compte des rapports des Nations unies pour reconnaître la place et le rôle des services publics et remettre en cause les libéralisations ? Il est permis d’en douter au vu du récent programme de travail de la Commission qui « oublie » les services publics, des mesures prises ou annoncées par certains gouvernements pour privatiser tout ou partie des entreprises publiques et du nouveau Traité européen qui reste fondé sur le principe de la libre concurrence.

Photo : Groupe de Travail I du Giec


UNIVERSITES : MISE EN OEUVRE DE LA « STRATEGIE EUROPEENNE »

Pendant des mois, les étudiants grecs, soutenus par les enseignants, ont mené de puissantes actions contre la privatisation de leurs universités. Ils ont été rejoints par les étudiants et lycéens français qui luttent pour l’abrogation de la loi LRU. Dans de nombreux Etats membres de l’Union européenne, le mouvement de privatisation des universités est lancé avec leur ouverture de plus en plus grande aux entreprises et leur inclusion dans les mécanismes du marché.

La loi Pecresse sur l’autonomie des universités s’inscrit dans ce mouvement qui obéit à quatre principes fondamentaux : autonomie, excellence, concurrence, ouverture au secteur privé. C’est la conception même de la Commission européenne et du Conseil des Ministres de l’éducation des 27. Rejoignant les analyses et les propositions de l’OCDE, la Commission souhaite « une plus grande implication du secteur privé dans le financement des universités pour rapprocher le monde de la recherche et le monde de l’entreprise ». Elle est favorable à l’augmentation des frais d’inscription en estimant qu’une université gratuite, totalement financée par le secteur public, est loin de garantir l’égalité des chances. Ce sont les orientations de la « stratégie de Lisbonne » fondée sur une économie de la connaissance que le commissaire européen, Philippe Busquin (socialiste belge), avait précisées dans une conférence en avril 2004 :

- des systèmes de financements capables d’allier les fonds publics avec le soutien privé dans un mouvement d’investissements croissants

- un véritable « partenariat pour l’innovation » entre les universités et l’industrie qui aille de pair avec une authentique autonomie universitaire

- une poursuite de « l’excellence ».

Dans son quatrième rapport annuel sur les progrès réalisés par rapport aux objectifs fixés en matière d’éducation et de formation dans la « stratégie de Lisbonne » publié en octobre 2007, la Commission estime que les réformes sont trop lentes et menacent la compétitivité européenne à long terme. Elle veut augmenter encore le nombre d’étudiants dans les filières mathématiques, scientifiques et technologiques. Elle juge très préoccupants le financement et l’efficacité des systèmes d’éducation. Constatant un ralentissement de l’investissement public dans l’enseignement supérieur, elle propose que la quasi-totalité de l’investissement manquant provienne du secteur privé, soit l’équivalent de 10 000 euros par an par étudiant pour pouvoir égaler le niveau dépensé aux Etats-Unis.

La loi LRU du gouvernement obéit à cette « stratégie européenne » qui est incluse dans le nouveau Traité européen. Il est important que le mouvement étudiant et lycéen, qui conteste à juste raison la loi française, recherche des solidarités sur le plan européen pour faire échec à la stratégie européenne qui était jugée récemment par un journaliste du « Monde » comme « la meilleure voie pour assurer la rénovation de l’enseignement supérieur ».



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