Budryka : une grève qui donne espoir

mercredi 20 février 2008
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Longtemps anesthésié après la chute de l’ancien régime, le mouvement social est-il en train de renaître ? La grève des mineurs de "Budryka" est-elle le signe avant-coureur de cette renaissance ? Alors que de nombreux travailleurs polonais s’exilent pour chercher du travail (voir le film de Ken Loach "It’s a free world !"), des mineurs choisissent de se battre sur place, de faire grève pour défendre leurs salaires et leur outil de travail, contre leur direction mais aussi contre les directions des grands syndicats. C’est le plus grand mouvement de protestation dans le secteur des mines en Pologne depuis 1989. C’est une grève qui donne de l’espoir et qui bénéficie du soutien de la population.
Bruno Drweski nous a transmis cet article de Piotr Bojko qu’il a traduit en français à la demande des grévistes qui comptent beaucoup sur la solidarité internationale.

La mine « Budryka » n’est pas en état de banqueroute même si la grève devait durer plusieurs mois. Mais les familles des mineurs en grève sont en état de banqueroute, constate Piotr Bojarski, le directeur de la mine où a lieu depuis le 17 décembre une grève d’occupation. Les mineurs n’ont pas peur pour autant.

Située en Haute-Silésie, la mine "Budryka" est la mine la plus rentable de Pologne. Chaque mineur produit en moyenne 1400 tonnes de charbon par an alors que la moyenne nationale est de 700 tonnes. C’est une des mines les plus rentables et les plus modernes de Pologne : au cours des trois premiers trimestres de 2007, ses bénéfices nets atteignaient 12,6 millions d’euros. Malgré cela, les salaires y sont parmi les plus bas de tout le secteur minier.

La mine – jusqu’à présent autonome – a été rattachée le 1er janvier 2007 à la Société par action des mines de Jastrzebie. Les mineurs avaient rejeté à l’occasion de deux référendums cette proposition de rattachement tant que leurs salaires ne seraient pas égalisés avec ceux des autres travailleurs de cette société (...) Le 13 décembre deux, puis cinq ouvriers, ont commencé une grève de la faim. Le 17 décembre, les travailleurs de la mine ont voté pour la grève. Trois syndicats participent au comité de grève : Aout 1980, Kadra et l’Union de Budryka. « Solidarnosc » et le syndicat « postcommuniste », le Syndicat des mineurs, se sont opposés à la grève et ont commencé à organiser un mouvement de briseurs de grève. Il faut dire que ces syndicats étaient connus depuis longtemps comme des « syndicats dans la poche de la direction ».

Ce qui caractérise cette grève, c’est le manque de disponibilité de la direction à entreprendre des négociations. Le directeur Bojarski traite les travailleurs d’une façon hautaine, déclarant qu’il n’a personne avec qui négocier. Il suspend les négociations, adresse des lettres aux familles des grévistes en essayant de leur faire peur ; il envoie des équipes de gardiens, accuse sans aucune preuve les grévistes de détruire le bâtiment administratif de la mine puis, finalement, tire son plus gros calibre, en déclarant que la grève est illégale.

Mais les mineurs ne se sont pas laissé effrayer. Ils ont cherché des appuis extérieurs. A la veille de Noël, que les mineurs ont passé dans la mine occupée, les grévistes ont donné 35 litres de sang. Les sucreries qu’ils ont reçues de la part de la population ont été remises aux orphelinats. Le 26 décembre, un groupe de grévistes est descendu sous terre pour garantir la sécurité et celle des machines car les mineurs veillent sur leur outil de travail.

Le site internet, actualisé en permanence « zzkadrabudryka.republika.pl », est devenu la page non officielle des grévistes. Les mineurs utilisent les nouvelles technologies, on peut regarder un film sur la grève sur youtube. Ce qui est cependant le plus important, leur appel aux « personnes de bonne volonté » a commencé à rencontrer des appuis ainsi que des soutiens financiers provenant de toute la Pologne mais aussi de l’étranger. Les camarades des autres mines ont apporté des repas, de l’eau, des couvertures. Des lettres d’appui ont été reçues du réalisateur britannique Ken Loach, du groupe GUE/NGL au Parlement européen, de 18 sénateurs italiens de gauche, des syndicats grecs, français, italiens (...).C’est la plus grande campagne de solidarité avec les ouvriers polonais depuis 1989. Le 4 janvier, 150 mineurs ont commencé la grève sous terre. Bientôt, ils furent 500. C’est la plus grande grève souterraine en Pologne depuis 1989. La direction appelle les grévistes des « terroristes ». Mais personne ne force les mineurs à rester sous terre.

La direction a alors émis le vœu de négocier. Les mineurs sont remontés mais la grève d’occupation a continué. D’autant plus que la direction s’est encore une fois retirée des négociations promises. Le 15 janvier, le vice-premier ministre Waldemar Pawlak (Parti paysan) a déclaré : « Trois syndicats très radicaux ne peuvent pas déstabiliser tout le secteur minier ».Les femmes de mineurs tiennent le coup aux côtés de leurs maris. Elles ont organisé des manifestations de soutien devant la mine ainsi qu’une délégation à Varsovie pour négocier avec le vice-premier ministre W. Pawlak.

Celui-ci a préféré fuir devant ces femmes pour une rencontre à Lublin avec ...des militants de son parti.
150 mineurs ont alors recommencé leur grève sous terre alors que quelques centaines manifestaient en haut. Plus de 30 font la grève de la faim. Plusieurs d’entre eux, épuisés, ont dû être évacues à l’hôpital. Un sondage réalisé le 20 janvier pour la Télévision publique montre que 69% des Polonais soutiennent les grévistes, malgré la forte campagne médiatique contre la grève.

Toute la Pologne observe « Budryka ». C’est en fait l’affaire de toute la Pologne, ou plus exactement de cette Pologne qui doit s’exténuer pour quelques centimes ou choisir l’émigration. Le succès de cette grève serait celui de tous les travailleurs polonais, des mineurs, des infirmières, des enseignants, des travailleurs des autres secteurs qui en ont assez de se serrer la ceinture, alors qu’on leur parle du miracle économique polonais.
Comme le chantent les grévistes de « Budryka » dans leur premier chant de grève :
« Demain viendra le temps de la victoire
Car nous y avons droit
Pour notre dur labeur et notre destin.
Aujourd’hui chacun y croit »

Et finalement...

Les mineurs grévistes avaient raison d’y croire. Grâce à leur lutte persévérante et à leur courage (près de 50 jours de grève), grâce au soutien de la population
et à la mobilisation internationale, les mineurs de "Budryka" ont gagné.

Un accord a été signé avec la direction qui prévoit une augmentation des salaires et la pérennisation des contrats de travail. Cette victoire exemplaire des mineurs est un encouragement pour tous les travailleurs polonais à se mobiliser et à lutter pour l’emploi et le pouvoir d’achat.



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