Questions à André Gerin

mardi 8 avril 2008
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Au lendemain des élections municipales et cantonales, le député-maire communiste de Vénissieux, André Gerin, lançait un pavé dans la mare des analyses du scrutin : largement reprise par les média, sa déclaration préconisant une thérapie de choc pour le PCF a suscité des questions. Pour en savoir un peu plus, nous en avons nous-mêmes posé quelques unes à l’intéressé

Votre dernière déclaration a été largement reprise par les média (notamment Le Figaro, particulièrement emblématique de la droite au pouvoir). Ne craignez-vous pas que cela apporte de l’eau au moulin de ceux qui vous accusent d’attaquer le PCF alors qu’il est déjà en grande difficulté ?

A.G. : J’ai fait une déclaration qui s’appelle « Le PC a besoin d’une thérapie de choc » et le seul quotidien qui m’a contacté pour une interview, c’est Le Figaro. Voilà l’explication. Cela ça peut paraître provocateur mais, à la limite, j’ai envie de dire : pourquoi pas ?

On peut aussi penser que ça arrangeait le Figaro…

A.G. : Je ne sais pas si ça arrangeait le Figaro mais une chose est sûre c’est que ça devait gêner L’Humanité puisque L’humanité ne m’a rien demandé.

Après les dernières élections, vous avez accusé la direction du PCF d’être « prête à tout pour avoir des élus ». N’avez-vous pas l’impression que ce sont souvent les élus qui (comme à Marseille) ont mis la direction et les militants devant le fait accompli ? Plus largement, comment envisagez-vous la place des élus communistes par rapport au parti ?

A.G. : Franchement, j’en ai marre de ce discours contre les élus. Les élus sont dans des rouages et dans un processus administratif sur lequel j’aimerais bien qu’on discute. En revanche, quand j’accuse la direction du Parti Communiste Français, j’accuse les responsables départementaux, des dirigeants du Parti, de faire une sorte d’accompagnement de la démocratie libérale. Pour cela, ils peuvent se servir de tel ou tel élu mais à mon avis c’est pas le plus important, ce qui compte c’est la posture du Parti Communiste Français qui, depuis des années, privilégie les institutions au détriment de l’organisation politique en particulier dans les milieux populaires. Cela aboutit à des situations aberrantes où il n’y a plus d’identité communiste.

C’est l’identité qui est primordiale ? Avant le programme, avant le projet de société ?

A.G. : L’identité communiste ce sont des valeurs, ce sont des idéaux et, évidemment, le projet. Mais quand on participe à des listes (comme à Dijon, à Grenoble, à Marseille et même à Lyon) où, au nom de la diversité et de l’ouverture à la société civile, on trouve des gens du Modem et de droite en position masquée mais éligible, de quelle identité parle-t-on ? Si c’est ça la politique du Parti Communiste, je pense que c’est sans issue.

Vous soulignez l’importance de l’abstention, « la grève des urnes », qui concerne la moitié des électeurs, ceux des milieux populaires et notamment ceux qu’on qualifie de « Français issus de l’immigration » (comme si à un moment où à un autre nous n’étions pas tous issus de l’immigration). Sur cette question, vous vous êtes fait remarquer l’année dernière par votre livre « Les ghettos de la République », préfacé par Eric Raoult, le député-maire du Raincy et émule de Charles Pasqua. Est-ce que cela ne vous met pas en difficulté pour vous adresser à ces populations ?

A.G. : Il faut le demander aux populations, puisque j’ai été élu au premier tour des municipales de 2008 [1]. Quel était mon objectif en faisant cette préface avec Eric Raoult ? C’est simple, je considère que, sur ces sujets, nous avons besoin en France d’un débat républicain. C’est ma conviction de maire, de militant, de parlementaire communiste et c’est à ce titre là que je me suis adressé à lui.
Je peux comprendre que cela contrarie un certain nombre d’amis ou de militants communistes et au-delà mais je les invite quand même, tout en me critiquant sur la préface, à ouvrir le débat sur le contenu de ce livre, ce que refusent la direction du Parti Communiste Français et ma fédération, ici dans le Rhône.

Vous critiquez la politique de « soumission au PS » et « l’union au sommet », préconisant un parti communiste qui volerait de ses propres ailes sur la base d’un projet qui redéfinirait clairement son identité. Dans le même temps, vous êtes, avec 17 personnalités (UMP, Modem, PS, Verts) le seul communiste signataire de « l’appel à la vigilance républicaine » publié par l’hebdomadaire Marianne. Quel était l’intérêt de vous ranger au côté de ces personnalités au risque de semer le doute sur vos réelles intentions au sein du PCF ?

A.G. : Je ne sais pas si ça a semé le doute puisque les Vénissiens ont voté aux élections... En tous cas je l’ai fait parce que je considère qu’aujourd’hui l’essentiel de ce qui fait le socle républicain de notre pays depuis la révolution française est remis en cause avec Sarkozy par cette droite que je qualifie de « droite pétainiste » et que l’on connaît dans l’histoire de notre pays. C’est une droite que je peux même qualifier de « versaillaise », comme celle qui a tiré sur la Commune de Paris, ou celle qui a massacré les insurgés en 1848. Moi je pense que les valeurs, les idéaux, tout ce qu’il y a de meilleur dans la République, aujourd’hui est remis en question de manière fondamentale.

Mais en choisissant cette démarche avec ces personnalités là, est-ce que vous ne faites pas exactement ce que vous reprochez au PCF ?

A.G. : Moi, je ne me rallie à personne, je pense qu’il faut défendre les valeurs et les idéaux de la République. Pour moi, c’est ce que fait ce texte. Bien que certains me taxent « d’archaïque » ou « d’orthodoxe » je pense que sur des sujets fondamentaux comme la laïcité et d’autres sujets, on peut se retrouver aujourd’hui au-delà des clivages politiques.

A plusieurs reprises comme pour justifier vos positions, vous avez rappelé que vous veniez d’être élu et bien élu. Est-ce que le fait de rassembler des voix prime sur les principes ?

A.G. : Ce n’est pas parce que je suis élu que je ne suis pas un homme libre avec une pensée libre et autonome. Je ne veux surtout pas rester enfermé dans une pensée rabougrie et dans une démarche partisane qui s’arrêterait à l’organisation du parti en tant que telle. Ma conviction c’est qu’il y a des valeurs et des idéaux qui sont renaissants aussi bien vis-à-vis du socialisme que du communisme, il y a des valeurs et des idéaux que la révolution française a portés, avec tout un côté progressiste dans ce pays.

Ces valeurs et ces idéaux sont à défendre et je n’ai pas d’a priori pour travailler avec qui que ce soit dans ce sens là. Personnellement c’est cette démarche qui me paraît aller dans le sens du combat révolutionnaire d’aujourd’hui.

Propos recueillis pour Rouge Midi par Danièle Jeammet


[1Vénissieux 9 mars 2008 : A. Gerin 52,6% élu, liste UMP : 18,24%, liste FN : 11,16%, liste UDF/Modem : 10,65, Abstention : 51%



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jeudi 17 avril 2008 à 13h14 - par  Alain Duray
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lundi 14 avril 2008 à 17h23 - par  Gilles Questiaux

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