Les « prisonniers d’opinion »

mercredi 14 mai 2008
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Le 11 mai Michel Collon a publié un article de Salim Lamrani intitulé « Les contradictions d’Amnesty International ». En voici une synthèse.

Amnesty International publie chaque année un rapport sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Dans celui de 2008 elle dénombre 58 « dissidents » emprisonnés à Cuba qui « doivent être remis en liberté sans délai et sans condition ».

L’organisation internationale précise en outre que « la plupart ont été inculpés d’actes contre l’indépendance de l’Etat et pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ».

De ce point de vue les lois américaines sont claires. Les USA s’autorisent à « fournir une assistance et offrir tout type de soutien à des individus et des organisations non gouvernementales indépendantes pour soutenir des efforts en vue de construire la démocratie à Cuba ». [1]. Une enveloppe de 36 millions de dollars a été prévue à cet effet. En 2005 M. Roger Noriega, haut fonctionnaire de l’administration Bush, a même donné les noms de quelques unes des personnes travaillant à l’élaboration de la politique étrangère étasunienne contre Cuba.

Les 58 « prisonniers d’opinion » d’Amnesty entrent dans ce cadre là. Comme le souligne l’auteur de l’article c’est ici que l’organisation internationale entre en pleine contradiction.

En effet, le droit international considère comme illégal le financement d’une opposition interne dans une autre nation souveraine et tous les pays du monde ont à ce titre une législation leur permettant de lutter contre ce type d’agissements. Le droit international reconnaît qu’il s’agit là d’un devoir primordial de tout Etat.

La législation cubaine comme les autres.

Suite à la décision prise par les Etats-Unis d’accroître les sanctions économiques et le financement de l’opposition interne à Cuba, l’Etat cubain a adopté en 1999,
une loi qui prévoit entre autres des sanctions pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison pour toute personne qui « fournirait, directement ou par le biais d’un tiers, au gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, ses agences, dépendances, représentants ou fonctionnaires, des informations pour faciliter les objectifs de la loi ‘Helms-Burton’.

C’est en vertu de cette loi que nos 58 « dissidents » qui sont en réalité des mercenaires ont été condamnés.

Aux Etats-Unis, pour de tels agissements on est passible de dix ans de prison ». Cette peine serait d’ailleurs la même pour un Cubain qui achèterait un appareil médical aux Etats-Unis pour un hôpital de La Havane !

Comme le fait remarquer l’auteur « si une telle loi était appliquée à Cuba, l’immense majorité de ce que la presse occidentale considère comme étant la « dissidence cubaine » se trouverait sous les verrous. En effet, les opposants cubains se réunissent régulièrement avec le représentant des Etats-Unis à La Havane, Michael Parmly, dans les bureaux de la Section d’intérêts nord-américains (SINA) ou même dans la résidence personnelle de celui-ci. »

De même « si l’opposant Oswaldo Payá – qui accuse le gouvernement cubain d’être responsable de disparitions et d’avoir assassiné plus de « vingt enfants » – était soumis à une législation aussi sévère que celle des Etats-Unis, il serait actuellement en prison, sans susciter aucun émoi auprès des âmes bien-pensantes occidentales. Pourtant le plus célèbre des dissidents cubains n’a jamais été inquiété par la justice cubaine, car celle-ci n’a pas de preuves qu’il reçoit de l’argent d’une puissance étrangère. »

Et Lamrani de conclure que « le code pénal étasunien est, à maints égards, bien plus sévère que la législation cubaine. »

Après un petit tour du monde de la question qui montre qu’en France pour de tels faits on risque trente ans de détention criminelle et 450 000 euros d’amende, en Scandinavie des peines pouvant aller jusqu’à la perpétuité, l’auteur n’a pas de peine à montrer qu’en France et dans bien des pays la loi est bien plus sévère que la législation cubaine. Il en conclut donc à juste titre :

« Dans n’importe quel pays du monde, l’association avec une puissance étrangère est sévèrement sanctionnée par la loi et il n’est donc point possible d’accorder le qualificatif de « prisonniers d’opinion » aux individus stipendiés par un gouvernement étranger, comme cela est le cas pour les détenus cubains, ce que reconnaît d’ailleurs très honnêtement Amnesty International.

Amnesty International est une organisation réputée pour son sérieux, son professionnalisme et son impartialité. Mais le traitement qu’elle réserve à Cuba est sujet à caution. Afin de continuer à jouir du même prestige et de la même objectivité, AI serait avisée de reconsidérer, sans plus attendre, son jugement à l’égard de ceux qu’elle considère comme étant des « prisonniers d’opinion » à Cuba, car la double mesure n’est pas acceptable. »



[1Loi Helms Burton



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