La leçon de Bachar...

jeudi 17 juillet 2008
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Après ce 14 juillet unanimement placé par la presse sous le signe de la performance diplomatique sarkozienne, la clameur médiatique qui portait l’Union pour la Méditerranée (UPM) sur les fonds baptismaux s’est brusquement tue. De fait, une fois passés la communication et le défilé militaire, que restait-il à dire ?

Les « grands projets » annoncés ? Pour la plupart déjà prévus dans le processus de Barcelone, ils étaient en attente de financements depuis 2005 et le sont encore. La poignée de main entre le premier ministre israélien et le président de l’Autorité Palestinienne ? Ce n’était pas un scoop, même pas un symbole tant était précaire le statut du premier ministre en question, qui croule sous les procès pour corruption et autres escroqueries intentés par la justice de son pays.

Reste le cas Bachar El Assad, le président syrien. La presse quasi unanime (Reporter Sans Frontières en tête…) s’en est emparée pour s’étonner de la présence, en si notable assemblée, d’un homme réputé « chef d’un état-voyou », « bourreau du Liban » et « commanditaire présumé de multiples assassinats ». Tous ces aimables qualificatifs étant puisés dans les discours ou écrits d’un certain Georges Walker Bush ou de ses nombreux adeptes.

Se rendre à l’évidence

Alors que peut donc signifier la présence d’un dirigeant arabe si peu recommandable aux côtés de notre très atlantiste président ? Sans doute Nicolas Sarkozy a-t-il dû se rendre à quelques évidences, notamment le rôle incontournable de la Syrie dans le passé et le présent du Proche-Orient, son image dans l’opinion publique arabe. Un pays de civilisations multimillénaires, le plus peuplé de la région après l’Irak, indépendant depuis 1946 (après un long mandat français) et fer de lance dans les années 60 (avec l’Egypte) de la « renaissance arabe ».
Un pays marqué en 1967 par l’occupation d’une partie importante de son territoire par Israël. Le plateau de Golan, qui regorge d’eau (une matière beaucoup plus précieuse que le pétrole dans cette région) a été annexé par l’Etat hébreu en 1980 en dépit des résolutions de l’O.N.U., prolongeant l’état de guerre formel entre les deux pays jusqu’à aujourd’hui.

Alors qu’en 1991, elle avait rejoint la coalition de Georges Bush I sous l’égide de l’O.N.U. pour la guerre du Golfe, en mars 2003, la Syrie a eu à juste titre l’outrecuidance de juger illégale l’agression contre l’Irak lancée par les USA. Manière d’exprimer, sans doute, sa frustration devant l’indéfectible soutien de la Maison Blanche à un Israël plus réfractaire que jamais au droit international.

Georges Bush II, n’a pas apprécié et il a décidé de punir la Syrie. Il allait « remodeler » le Moyen-Orient et la Syrie n’entrerait plus dans son plan pour un « nouveau Moyen Orient », dont la première pierre venait d’être posée à Bagdad, au pied de la statue renversée de Saddam…

L’échec du "nouveau Moyen-Orient"

Mais à quelques mois de la fin de son mandat, le « nouveau Moyen Orient » a du plomb dans l’aile : un chaos indescriptible règne sur l’Irak, en Afghanistan c’est visiblement l’impasse. Entre les deux, l’Iran cerné résiste et trouve un appui inédit dans une Syrie soumise à une colossale pression internationale. Quant au Liban, où les partisans de Bush ne sont pas venus à bout de leur opposition et les enquêteurs des Nations Unies n’ont toujours pas trouvé les auteurs de l’assassinat de Rafik Hariri, le pays a fini par se donner un président respecté de tous qui, lui, serre la main de Bachar El Assad à Paris et l’invite même dans sa voiture.
Le « remodelage » du Moyen-Orient est un échec et la présence du président syrien à Paris pour ce 14 juillet en est l’illustration.

On aurait aimé qu’au lieu de pousser des cris d’orfraie sur les libertés maltraitées dans la seule Syrie, la presse explique aux Français que leur président avait bien été obligé de mettre momentanément son atlantisme dans sa poche pour acquérir un minimum de crédibilité en Méditerranée.

Quant aux libertés maltraitées, ce n’est sûrement pas sur ce site qu’on risque de les oublier. En Syrie, comme en Irak, les communistes ont été, dans l’indifférence du monde occidental, les premières victimes des bourgeoisies arabes naissantes après la période coloniale. Mais défendre les libertés ne signifie pas hurler avec les loups et il y aurait au moins autant à dire sur « notre ami le roi » (du Maroc), le président Ben Ali ou encore Hosni Moubarak, le président égyptien, qui co-présidait les festivités de l’Union pour la Méditerranée avec Nicolas Sarkozy. N’est-ce pas, Reporters Sans Frontières ?


Pour en savoir plus : une Interview exclusive de Bachar El Assad par Pierre Barbancey, dans L’Humanité du 8 juillet 2008
http://www.humanite.fr/Entretien-avec-Bachar-El-Assad



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dimanche 20 juillet 2008 à 19h50 - par  BENBARA Abdallah
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