De Doha à Hong kong via Genève (V)

jeudi 15 décembre 2005
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DERNIERS DEVELOPPEMENTS A GENEVE AVANT LA CONFERENCE

RAPPEL

26 novembre : premier projet de Déclaration ministérielle ; présentation aux Chefs de délégation et au Comité des négociations commerciales de l’OMC : très nombreuses et vives critiques.

29 novembre : le Conseil de l’ADPIC décide de prolonger le délai d’application de l’ADPIC aux PMA du 1 janvier 2006 au 1 juillet 2013. Les PMA avaient demandé qu’il soit prolongé jusqu’au 1 janvier 2021. Ils demandaient 15 ans, ils ont obtenu 7,5.

30 novembre : Groupe Africain, G 33 et Brésil considèrent que le projet de déclaration ministérielle ne reflète pas les positions exprimées.

1 décembre : 2e projet de Déclaration ministérielle présenté comme une « version révisée » du premier ; ce texte ne contient pas de changements substantiels, sauf qu’il souligne que les annexes sont de la seule responsabilité des chefs de négociation et qu’il amplifie la description des différentes positions sur l’Agriculture et NAMA. Par contre, concernant les services, les § 19 à 21 et l’Annexe C sont inchangés. Sur le coton, le texte reflète l’attente du Groupe Africain pour qu’une solution effective intervienne à Hong Kong.

2 décembre : réunion du Conseil Général : le statut du texte (un document sous la seule responsabilité du Directeur général ou un document reflétant le consensus du Conseil général ?) et l’AGCS sont les deux principaux sujets discutés.

Concernant le statut du document, le Directeur général promet que le texte de projet de déclaration ministérielle envoyé à Hong Kong sera précédé de la note d’introduction qui souligne qu’à l’exception de l’Annexe F relative à la facilitation des échanges, aucune des annexes n’a fait l’objet d’un accord. Moyennant cet engagement, le Conseil général donne son accord pour déclarer que le document est soutenu par le consensus.

Concernant l’AGCS, il est décidé, sur l’insistance des pays africains qui résistent aux menaces européennes, de mettre, au § 21, la référence à l’Annexe C entre crochets. Ce qui signifie que cette Annexe ne fait pas l’objet d’un accord.

Décisions relatives au fonctionnement de la conférence :
- elle sera présidée par le Secrétaire au Commerce de Hong Kong, M. John Tsang
- 6 facilitateurs ont été désignés :
Agriculture : le ministre du Kenya
NAMA : Pakistan
AGCS : Corée
Développement : Guyane
Règles : Norvège
Autres sujets : Chili

De nombreuses réunions informelles ont commencé le 2/12. En particulier, au plus haut niveau (ministres ou Commissaire européen) entre l’UE les US, le Brésil, l’Inde, le Japon et l’Australie.

LES DECISIONS DE GENEVE : COUP DE FORCE DE LAMY

En ce qui concerne l’ADPIC, outre l’accord sur la prolongation de 7,5 ans du délai d’application pour les PMA, un accord est intervenu le 5 décembre pour intégrer la décision du 30 août 2003 dans l’ADPIC. On sait que cette décision n’apporte aucune solution praticable au problème de l’accès aux médicaments. Il s’agit en fait d’une grande victoire de l’UE et des USA qui ne veulent pas d’une vraie réforme de l’ADPIC. Ceux qui nous gouvernent ont choisi délibérément la mort de centaines de milliers d’êtres humains.

Le 7 décembre, le directeur général de l’OMC publie la 3e version du projet de déclaration ministérielle. C’est la version définitive. Elle ne contient pas la note d’introduction qui faisait partie intégrante de la version 2. Cette note est remplacée par une lettre séparée adressée au président de la conférence, le Secrétaire au Commerce de Hong Kong, M. Tsang. Mais une telle lettre n’a aucune valeur juridique. Elle n’est même pas référencée par des chiffres et des lettres comme document officiel de l’OMC ! M. Lamy a abusé de la confiance des membres du Conseil général.

Sans cette note, de l’aveu de diplomates en poste à Genève, il sera beaucoup plus difficile de se rendre compte que le document ne fait pas le consensus. Les ministres, qui n’ont pas suivi pas à pas les délibérations de Genève, auront beaucoup plus de mal à percevoir les éléments d’accord et de désaccord pour chacun des sujets. Or, pendant la conférence ministérielle, il est fréquent que des réunions informelles soient convoquées par le directeur général avec l’appui de l’UE et des USA où des ministres de pays en développement n’ont pas le droit d’être accompagnés de leur ambassadeur à Genève. Cela s’est fait à Doha et à Cancun.

Le Brésil et le Venezuela ont immédiatement protesté et demandé que la note introductive soit incorporée dans le projet de déclaration ministérielle comme promis, mais sans succès.

LES PREVISIONS POUR HONG KONG

Généralement, les observateurs s’attendent à ce que la conférence donne lieu à d’intenses négociations sur les services. Pour la première fois dans une conférence ministérielle de l’OMC, la probabilité est grande que l’AGCS soit au centre des débats. Le Japon, qui demanderait l’adoption de l’Annexe C (voir ma note IV), ferait des propositions de calendrier pour des négociations plurilatérales sur la mise en Å“uvre de cet accord. Mais pousser trop loin dans cette direction peut conduire à un échec.

On ne tenterait pas d’obtenir un accord sur les dossiers de l’agriculture et de l’accès au marché des produits manufacturés (NAMA). On s’efforcerait d’avancer dans les négociations jusqu’aux limites du possible par le biais de réponses à 6 questions sur le dossier agricole et à 3 questions sur le dossier NAMA (ces questions se trouvent sur le site de l’OMC : www.wto.org ).

On sauverait l’image de la conférence en s’accordant sur un ensemble de propositions présentées comme favorables au développement. C’est ce qu’a suggéré le Japon en avançant l’idée d’un « paquet développement » dont le détail indique qu’il s’agira en fait d’un paquet vide. En effet, il contiendrait surtout l’annonce d’une aide importante (« aid for trade ») pour faciliter l’application des accords de l’OMC (alors que ces pays demandent depuis dix ans une négociation sur les modalités d’application de ces accords), quelques propositions en ce qui concerne le traitement spécial et différencié (mais pas celles qu’attendent les pays du Sud) et il intégrerait les décisions prises à Genève sur l’ADPIC. On peut s’attendre, dans cette hypothèse, à un matraquage médiatique sur « le développement placé au centre des négociations à l’OMC. »

Toutefois, dans une récente analyse (6 décembre), Martin Khor, le directeur de Third World Network, fait état d’une initiative conjointe au Brésil et à l’Inde en vue de débloquer les négociations. Lors d’une réunion des ministres des finances du G7, tenue à Londres le 4 décembre, ces deux pays auraient annoncé qu’ils allaient faire des propositions sur le NAMA et les services pour tenter de débloquer les négociations. L’Inde aurait proposé une réduction de 50% des tarifs douaniers sur les produits manufacturés. Elle aurait fait des offres dans le dossier des services et se serait déclarée favorable à l’Annexe C. Le Brésil aurait également déclaré être prêt à des concessions sur le NAMA à condition que l’UE et les USA bougent sur l’agriculture. Le Brésil aurait également exprimé sa disponibilité en ce qui concerne les services.

On sait que les ministres des finances de ces deux pays sont des Strauss-Kahn locaux, chauds partisans de la libéralisation la plus poussée bien qu’appartenant à des formations réputées à gauche ou au centre-gauche. On peut penser également qu’il s’agit de préparer l’absence de décision à Hong Kong pour en désigner les responsables. Ne spéculons pas, mais, cela étant, on peut craindre que les pays en développement soient, à Hong Kong ou plus tard, lâchés par ces deux pays émergents.



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