Hervé Morin : Le soldat du peu.

jeudi 4 septembre 2008
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Après être allé à la soupe, l’ex-lieutenant de Bayrou va à la guerre.
Mais , avec une actualité qui va de mal en képi, c’est mal parti...

Le ministre de la Défense Hervé Morin, 47 ans depuis le 17 de ce mois et qui déplorait en début d’année son propre déficit de notoriété, peut, l’Afghanistan aidant, désormais prétendre à plus de reconnaissance publique.

Non qu’il tienne toujours en ces circonstances pénibles des propos historiques.

A la conférence de presse qui suit l’annonce de la mort des dix soldats français, notre homme s’emmêle un peu les bazookas en expliquant que, si les talibans se sont montrés si violents, c’est apparemment qu’ils "protégeaient une haute personnalité rebelle".

Question : pourquoi ont-ils alors pris le risque d’engager un affrontement sanglant au lieu de convoyer l’éminence vers des lieux plus sûrs ?

Ces contrées sont pour lui un terrain glissant.

Pas plus tard que le samedi 19 juillet dernier, en virée éclair dans une base tricolore du nord de Kaboul, il lançait : "Les valeurs de l’armée française sont la rusticité et la débrouillardise (sic). Je compte sur vous pour les mettre en application."

L’ennui est qu’en face, et en matière de "rusticité" et de "débrouillardise", les mêmes talibans sont peut-être d’autant plus "appliqués" qu’ils manoeuvrent sur leur propre terrain...

Il n’empêche.

Additionnées à cette nouvelle carte militaire que, sous l’étroit contrôle de Sarko, il est parvenu à faire passer sans trop de casse cet été, ces péripéties guerrières sont de nature à estomper la seule image qui colle depuis plus d’un an à la peau du ministre : celle du lieutenant félon [1] de Bayrou passé chez Sarko avec vingt et un députés à l’avant-veille de second tour.

Et promoteur avec les mêmes "salopards" (le président du Modem dixit) du groupe de supplétifs de la majorité dit du "Nouveau Centre".

Un mouvement de population qui a, bien sûr, laissé quelques traces.

"Quand nous étions à Matignon, ce n’était pas un client facile" raconte un ex-conseiller de Raffarin.
"Normal : il agissait sur commande de Bayrou.
Mais surtout il donnait l’impression de chercher sa place dans le monde politique"
. L’analyse se tient.

Quand Villepin est à son tour nommé Premier ministre, Hervé n’est qu’éloges de Dominique (qui l’ignorera cependant).

Avant, dans la campagne du premier tour de la présidentielle, de se révéler - oralement au moins - presque plus antisarkozyste que Bayrou, lequel, il n’en doute pas, "sera au second tour". Mais, faute de troupes, celui-ci siège désormais chez les non-inscrits de l’Assemblée !.

Morin n’a jamais donné qu’une seule explication - un peu prosaïque et intéressée bien sûr - de son revirement : il était menacé de perdre sa circonscription de l’Eure, un secteur où il n’a tout de même rien d’un parachuté.

Son père dirigeait une entreprise de maçonnerie dans le coin ; une de ses adjointes à la mairie d’Epaignes (1 650 habitants) est son ancienne instit’, etc.

Au vu des résultats électoraux, l’explication là encore se défend, mais ignore un peu la force des convictions.

"Tout pipeau", tranche un proche de Bayrou (il en reste). « En réalité, il a été travaillé au corps dès 2002, sinon avant, par Sarko et son pote Frédéric Lefèbvre. La vérité est qu’il voulait être ministre.
Ce n’est pas un garçon qui fait de la politique pour défendre des idées.
 »

Il n’est pas le seul.

"Solides" (pour Social, Libéral et solidaires), c’est le nom que le très sarkozyste publicitaire Franck Tapiro avait suggéré en mai dernier pour l’appellation définitive du "Nouveau Centre".

"On cherche toujours à se présenter sous l’aspect de ce qu’on n’est pas", ironise - méchamment - le bayrouiste déjà cité.
Morin et ses amis ont refusé : le terme pouvait prêter à plaisanteries faciles...

A la Défense, le ministère qu’il souhaitait, pour y avoir déjà servi au cabinet de son pote Léotard sous Balladur, Morin tranche nettement sur le style marmoréen [2] et compassé de sa prédécesseuse MAM (largement accablée par lui-même au lendemain de sa désignation).
Et plus encore avec le port d’imperator romain d’un Chevènement ou d’un Alain Richard (gouvernement Jospin).

Gouailleur, dingue du portable, notre ami, ex-administrateur (haut fonctionnaire) de l’Assemblée, n’a ni l’allure martiale ni le look d’un centurion.

C’est peut-être que le personnage, si peu idéologique en effet, ne se réduit pas à sa seule fonction.

Comme Bayrou toujours, il porte au "meilleur ami de l’homme" une affection soutenue.

Et sonnante.

Au point d’avoir possédé, avec deux associés, jusqu’à 11 canassons, qui ne courent plus sous son nom.
Évidente conséquence d’un petit écart qui avait fait tiquer Sarko et Fillon : en début d’année, le ministre de la Défense Morin a retiré 1,6 million d’euros de la vente de son pur-sang Liberato, un gagneur, à la famille régnante de l’émirat de Dubaï :

"Qu’on imagine le tollé dans un pays anglo-saxon !", râle quelqu’un qui n’aime pas Hervé.

Il y a encore des rêveurs en Sarkozye !

Par Patrice Lestroban dans Le Canard enchaîné du 27/08/2008

Transmis par Linsay


(1)


[1Il fut aussi, de 2004 à 2007, le président du groupe UDF à l’Assemblée nationale

[2blanc, froid ou rigide comme le marbre NDR



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samedi 6 septembre 2008 à 17h47 - par  Lufraton
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