Vive les services publics : services publics et ruralité

Interview de Muriel Martin, syndicaliste, employée de collectivité territoriale
mardi 20 décembre 2005
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1) Depuis plus de 10 ans, dans l’ensemble du secteur public, le critère de rentabilité a peu à peu pris le pas sur l’objectif d’efficacité sociale qui prévalait à la mise en place des services publics à la Libération. Comment cela s’est-il traduit dans ton secteur d’activité ?

D’abord je voudrais parler plus spécialement des petites communes, car la ruralité est une question peu ou pas abordée. De plus il y a des privatisations dont on ne parle pas et qui concernent le vécu quotidien des populations : ordures ménagères, centres de loisirs, garderies...La mise en place de l’intercommunalité renforce encore ce phénomène. Ceux qui dirigent les communes en profitent alors que l’on pourrait penser qu’ils ont par cette loi des moyens supplémentaires pour que le public gère. Mais non on délègue encore plus au privé même et le paradoxe c’est que cela coûte plus cher !! Si je prends l’exemple du centre aéré de Mimet avec la DSP le coût moyen horaire a triplé ! Pour justifier ces choix les élus avancent l’idée de la qualité de l’intervention par des professionnels qualifiés or c’est exactement le contraire dans les faits...

Rouge Midi : Sur cette question y a t il une différence entre gauche et droite ?

Muriel : Malheureusement on ne la voit pas vraiment...On vire les transports scolaires mais on garde voire on reprend ce qui rapporte comme les crèches.

Rouge Midi : Les crèches rapportent ?!

Muriel : Oui quand on choisit de les faire rapporter. Avant il y avait peu de crèches municipales. Puis les mairies ont municipalisé sans créer suffisamment de places. Il y a donc des listes d’attente et du coup les municipalités peuvent faire jouer la loi de l’offre et de la demande et fixer les tarifs en conséquence... On nous avait dit : avec l’intercommunalité il y aura plus de moyens et une égalité de traitement...Dans les faits on observe une forte augmentation des impôts locaux mais pas d’égalité de traitement du tout. Dans une intercommunalité comme la notre, la grande commune (Aix) absorbe tout et les petites perdent leur pouvoir de décision.

2) Quelles conséquences pour le service rendu ? Peut-on encore parler aujourd’hui de service public garant de l’égalité d’accès à un droit fondamental ( énergie, santé, transports, éducation, emploi, communication, logement...) ?

La première des conséquences est la perte de la garantie de l’emploi. Les éboueurs par exemple, sont embauchés à statut privé et il y mise en place d’un double statut. Les CDD ne sont pas renouvelés...En guise de professionnels on fait certes intervenir des structures spécialisées dans tel ou tel domaine d’intervention, mais leur personnel est payé au lance pierre souvent sans le minimum d’expérience ou d’épaulement nécessaire à la mise en place d’un service de qualité. Dans l’animation, sur Mimet, l’association Léo Lagrange, qui a la DSP prend des jeunes de 17 ans en formation BAFA qui ne sont pas payés...De plus ce mode de fonctionnement n’élimine pas le clientélisme politique, bien au contraire il le renforce puisque la structure qui intervient est entièrement liée au donneur d’ordres qui pourra poser des exigences jusque dans le choix du personnel intervenant sans avoir à se soucier de savoir si celui-ci a réussi ou pas un concours d’entrée qui n’existe pas dans le privé alors qu’il est obligatoire dans la fonction publique...

3) Le statut et les conditions de travail du personnel ont- ils été affectés par cette transformation radicale de la nature de l’entreprise ?

Avant les salariés de la commune connaissaient la population et vice versa. Dans une petite ville tout le monde connaît le facteur, l’employée de mairie...Cela humanise les rapports, la proximité c’est un élément important. Le ramassage des feuilles mortes à l’automne c’est rien et c’est important, c’est la qualité de vie. Quand c’est pour sa commune qu’on le fait, on le fait avec soin parce qu’on y vit...C’est cette qualité là que l’on perd avec des sociétés prestataires de service qui demandent toujours plus de rendement à leurs salariés.

L’autre élément c’est le prix. Avant une famille de 3 enfants pouvaient les envoyer au centre aéré, maintenant elle ne peut plus et les enfants restent chez eux le mercredi, seuls, sans aide éducative avec toutes les conséquences que cela peut avoir...
Chez nous il y avait des transports scolaires municipaux gratuits, avec le passage au privé cela a disparu, pourtant la gratuité c’est une notion importante car c’est elle qui garantit l’accès de tous au service. De même la cantine municipale, avec des repas confectionnés sur place, le jour même, offre une meilleure qualité qu’une boite privée qui fabrique des plateaux repas qui vont faire des kilomètres pour arriver jusqu’à leurs destinataires...

4) Quel contenu donnerais-tu à la notion de « service public digne de notre temps » ?
(NDLR : missions , statut et qualification du personnel, gestion démocratique.)

L’intercommunalité c’est la mort du service public. Le partage des moyens pourquoi pas mais avec la continuité du service public. Le 100% public c’est l’égalité des chances. Il faudrait garantir cette égalité par exemple dans l’accès à la culture, car aujourd’hui cela n’existe pas les habitants des petites communes sont désavantagés quand il s’agit d’aller au théâtre, au cinéma...
L’autre élément important c’est la gratuité des services, services que l’on paie déjà par les impôts locaux.
Il faut bien noter que la bataille des services publics ce n’est pas d’abord pour nous . Il est rare que des fonctionnaires perdent leur statut, mais la bataille des services publics c’est d’abord pour la population. La casse des services publics c’est plus dangereux pour la population, que pour les salariés qui les font vivre...



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