« Hank » Paulson : Cadeau Jones.

jeudi 9 octobre 2008
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Partisan, quand il oeuvrait dans la haute finance, du « moins d’Etat et moins d’impôts », le secrétaire au Trésor américain est très vite passé au « tout-Etat et plein d’impôts ».
Forcément, ça fait grincer...

Avec son plan, enfin adopté, de 700 milliards de dollars (538 d’euros) supposés sauver le système bancaire américain, le secrétaire US au Trésor - le ministre des Finances, si l’on préfère - Henry dit « Hank » Merrit Paulson, 62 ans, est un peu dans la situation de Vidocq, le faussaire et forçat devenu l’un des chefs de la police de Napoléon.

Ou, mieux encore, d’un objecteur de conscience qui , promu ministre de la Défense, devrait conduire une guerre : le contre-emploi que Paulson, longtemps adepte en effet de l’ultralibéralisme, connaît les grandes banques d’affaires.

Il a passé trente-deux ans de sa carrière dans la toute première d’entre elles, Goldman Sachs, qu’il a même dirigée pendant sept ans.

C’est là que Dobeuliou Bush est venu le chercher au printemps 2006.

En espèces sonnantes, notre ami n’a pas vraiment gagné au change.

Ses émoluments actuels n’atteignent pas 2 millions de dollars pour l’année (1,7 très exactement).

Tous avantages confondus, ils culminaient à 38 chez Goldman Sachs, établissement épargné à temps, relèvent les mauvaises langues, des traites « pourries » des subprimes (1).

En revanche, Hank a renoué, au pouvoir, avec ses premières amours.

Sitôt sorti de Harvard, il intègre, sous Nixon, le cabinet d’un sous-ministre à la Défense avant d’oeuvrer, à la Maison-Blanche (72-73), sous les ordres d’un des conseillers présidentiels les plus mouillés dans le Watergate.

Le privé n’est pas toujours très sûr, mais le public a aussi ses risques.

Aux Finances, avec une croissance de près de 4%, Paulson se croit parti pour une de ces randonnées de santé qu’il affectionne (en vacances).

Le présentant de la presse, Bush a d’ailleurs une formule rétrospectivement cocasse : « Hank comprend que le gouvernement doit dépenser l’argent du contribuable sagement ou... pas du tout ».

C’est selon.

Hank cultive surtout un grand dada : aplanir les relations commerciales avec la Chine (il s’y est rendu plus de soixante-dix fois en quinze ans).

La crise financière va en décider autrement.

« Hank ne boit pas, ne fume pas, il est avec la même femme depuis trente-neuf ans, et on ne le retrouvera jamais mort au volant de sa voiture », a résumé, il y a peu, une de ses connaissances.

A l’occasion colérique, bourreau de boulot (« Prends tes week-ends », lui ont, ces temps-ci, en séance, plusieurs fois lancé des parlementaires hostiles), il avoue les loisirs les plus sains : pêche, canoë, « découverte de la vie sauvage et de ses habitats typiques », ce qui reste très frais quand on dispose d’une fortune de 500 millions de dollars (380 millions d’euros).

Dans la ferme provinciale qu’il a fait restaurer, il élève tarentules, alligators, doux compagnons sûrement pour qui a fréquenté, un peu, les Nixon-boys, beaucoup plus les grands carnassiers de Wall Street.

Détail : Paulson est aussi le seul collaborateur de Dobeuliou Bush à s’alarmer du réchauffement climatique.

Attention, « le président économique par intérim » ne s’est pas converti dans la seconde à l’intervention de l’Etat.

Au printemps, quand la Bourse se met à défaillir, il impose le rachat d’une banque en péril, Bear Stearns, par une autre, la prédatrice J.P Morgan Chase ; concocte un code de « régulation financière » encore en sommeil et nous joue très vite les Christine Lagarde des bords de Potomac :

« Nous allons rebondir vers de nouveaux sommets. »

Ou bien :

« La crise est plus près de la fin que du début. » Et autres balivernes enjôleuses.

A l’automne, le fidèle de l’Eglise du Christ (2) ne tergiverse plus.
Il nationalise de fait les banques Freddie Mac et Fanny Mae, semi-privées il est vrai, lâche Lehman Brothers (« Il n’y avait personne pour racheter »), sauve l’assureur AIG (75 millions de clients), et fait voter, à l’arraché, son plan, que Bush a finalement complété de cadeaux électoraux les plus hétéroclites (aides aux écoles de campagne, remboursement de certaines psychothérapies, etc).

Incroyable, alors que bien des détails de ce plan restent à préciser et que l’économie américaine plonge sévèrement, les vilenies démagogiques qui peuvent se répéter là-bas sur le valeureux Hank, dit encore « Le Marteau » (qui frappe).

D’une figure du monde économique : « Nous sommes bien devenus un Etat socialiste, mais uniquement pour les très riches. »

De l’ex-président républicain de la Chambre des représentants Newt Gringrich : « Les contribuables américains sont sûrement ravis de permettre au président de Goldman Sachs (spécialiste, en son temps, des »fusions-acquisitions« ) d’aider ses amis de Wall Street. »

Des supporters du ministre poussent en revanche leur admiration jusqu’à estimer qu’il pourrait être - si Dieu et les électeurs le permettent - le secrétaire au Trésor d’Obama, ce qui demeure assez douteux.

Lui-même ne parle que de « meilleure transition possible ».A seule fin de « sauver le crédit ».

Au sein d’un gouvernement qui, lui aussi, a perdu le sien depuis belle lurette.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 08/10/2008

Transmis par Linsay


(1) Preuve que la maison se porte bien : le milliardaire Warren Buffett y a pris la semaine dernière une participation (minoritaire) de 5 milliards de dollars.

(2) Les dévots de cette obédience protestante sont aussi bizarrement dits « scientistes ».



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mercredi 19 octobre 2011 à 23h59

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