Jean-Claude Junker : Duché mais pas coulé !

vendredi 31 octobre 2008
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Malgré les attaques perfides contre le blanchiment des capitaux, le Premier ministre luxembourgeois a confiance dans les banques de son pays.

Tout à coup les deux casquettes font désordre : patron de l’Eurogroupe et dirigeant du Luxembourg.

Le grand argentier de l’Europe à la tête d’un paradis fiscal !

Le même homme fixe les règles de la zone euro et dirige un havre d’opacité...

Pour avoir affirmé dans un reportage taillé à la hache que le grand-duché favorise le blanchiment de l’argent sale, France 2 a dû s’excuser la semaine dernière.

En direct à l’antenne, Junker a failli se mettre en colère, mais il est resté poli : il n’a même pas sorti de sa poche la liste des fortunes françaises planquées au Luxembourg.

Un pays ou on est vite classé à gauche...

Au pouvoir depuis douze ans, ce « chrétien-social » n’adore qu’un seul dieu : le secret bancaire.

Qualifié par les malveillants d’ « îles Caïmans sans soleil », le grand-duché est ce confetti de l’Europe ou la vie est moins chère pour les gros comptes, vraie terre d’asile pour les réfugiés du droit fiscal.

Quand on lui parle « hedge funds », sociétés écrans ou prête-noms, Juncker vante « la qualité de la place financière, le savoir-faire de nos agents, l’étendue de nos produits bancaires ».

Fils d’un syndicaliste de la sidérurgie, étudiant en droit à Strasbourg, cet avocat est une îcone de l’Europe de Maastricht.

A 54 ans, c’est déjà le doyen : il a négocié avec Mitterrand, Kohl, Chirac et Schöder.

Total respect à Bruxelles !.

Si l’Union européenne avait un président, ce serait lui.

Polyglotte, bosseur, ce plombier des usines à gaz constitutionnelles a l’art du compromis ou, comme il préfère dire, « des nobles intersections ».

En janvier Paris l’adorait.

Fillon lui donnait publiquement du « Jean-Claude » et saluait en lui « l’ami de la France », « une référence pour tous les responsables européens ».

Aujourd’hui « Jean-Claude » est montré du doigt, par Sarkosy, qui le juge peu « réactif » dans la tempête.

A défaut de faire le ménage du côté d’Andorre et de Monaco, Super-Sarko, dans sa mission planétaire pour la transparence, s’en prend à un petit de la classe.

Plus facile de taper sur le Luxembourg - 400 000- habitants - que sur le Royaume-Uni ou les Pays-Bas...

Le croisé Sarkosy a donc conçu un projet original en forme de putsh : piquer le fauteuil de Juncker à la présidence de l’Eurogroupe et faire de ce comité informel le vrai gouvernement économique de l’Europe.

Pas question de laisser la Tchéquie puis la Suède, qui prendront la présidence tournante de l’Union en 2009, roupiller pendant que le chômage dévaste le Vieux Continent.

Feu sur les paradis fiscaux ?.

Juncker en a vu d’autres depuis quinze ans que les Européens discutent sur le sujet.

En 2002 déjà, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg se sont fendus d’un rapport parlementaire de 320 pages intitulé : « Le Luxembourg, un paradis bancaire au sein de l’Union européenne, obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux en Europe ».

Les affaires ont continué.

En mars dernier, quand la presse allemande a publié une liste de riches possesseurs de comptes secrets au Liechtenstein, Juncker a ironisé : « Je me réjouis de la perspective de plusieurs années de discussions fascinantes et fondamentales. »

Il a bien l’intention d’honorer la devise du grand-duché en dialecte luxembourgeois :« Mir welle bleibe wat mir sin » (« Nous voulons rester ce que nous sommes »).

Il a appris à connaître Sarkosy, il sait que c’est du brutal mais de l’éphémère.

Le président français n’a même pas réussi à passer au karcher une cité de la Courneuve...

Alors, nettoyer les paradis fiscaux...

Par Frédéric Pagès dans Le Canard enchaîné du 29/10/2008

Transmis par Linsay.



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