Regards de novembre 2008

dimanche 9 novembre 2008
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L’ENERGIE LIVREE AU MARCHE

En février 1999, Christian Pierret, secrétaire d’Etat chargée de l’industrie dans le gouvernement de la gauche plurielle, défendait devant l’Assemblée nationale la transposition en droit national de la directive européenne sur l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence. Dans une interview au journal « Libération » du 1er février 1999, il déclarait : « Notre règle, c’est la directive, toute la directive mais rien que la directive ». La brèche ouverte par cette directive a été progressivement élargie.

Un coup d’accélérateur a été donné par Jacques Chirac et Lionel Jospin au Sommet européen de mars 2000 à Lisbonne. Comme le soulignait le journal « Le Monde » : « Le Sommet européen de Lisbonne entérine une vision libérale de l’avenir de l’Europe, Lionel Jospin estime que le secteur public doit s’adapter ». « La Tribune » notait de son côté : « Jacques Chirac et Lionel Jospin ont finalement accepté les conclusions du Sommet soulignant la nécessité d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l’électricité, la poste et les transports ». Mettant en application les décisions du Sommet de Lisbonne, confirmées au Sommet européen de Barcelone en mars 2002, le Conseil et le Parlement européen ont adopté en juin 2003 de nouvelles directives pour les marchés de l’électricité et du gaz ; elles prévoient l’ouverture des deux marchés pour l’ensemble des consommateurs d’ici juillet 2007. Entreprises et consommateurs privés peuvent donc choisir librement leur fournisseur sur un marché concurrentiel.

Début 2007, la présidence allemande de l’Union européenne avait essayé de retarder un nouvel examen du dossier énergétique pour ne pas affronter les fortes oppositions à la séparation de propriété des activités de production et de réseau. Le député européen Vert luxembourgeois Claude Turmes dénonçait alors « les obstructions à l’ouverture du marché » (agence « Europe » du 12 février 2007). De son côté, la Commission européenne regrettait que ces « obstructions » ralentissaient le processus de libéralisation. La commissaire européenne à la concurrence, Neelie Kroes, affirmait sa volonté d’ouvrir de force les marchés de l’électricité et du gaz : « Nous débutons une période où nous allons ouvrir la concurrence de manière plus intensive ». Refusant de tenir compte du bilan négatif après dix ans de libéralisation, que ce soit en matière sociale (des dizaines de milliers de licenciements), de prix (avec une explosion des tarifs) ou de sécurité d’approvisionnement, la Commission européenne, toujours aussi dogmatique, soumettait en septembre 2007 de nouvelles propositions dans le cadre d’un 3e paquet de libéralisation. C’est au Conseil énergie du 10 octobre sous présidence française qu’un accord a été trouvé sur le 3e paquet législatif pour la libéralisation du marché intérieur de l’énergie. De Christian Pierret en février 1999 à Jean-Louis Borloo en octobre 2008, la boucle est bouclée !

Après l’adoption de ce « paquet » par le Parlement européen qui clôturera la procédure dite de « codécision », la bataille devra revenir en France pour refuser la transposition en droit national de cette nouvelle législation européenne. Mais il faut aussi en tirer les enseignements : quel que soit le secteur, télécommunications, poste, transports ou énergie, la construction européenne fondée sur la loi du marché (« concurrence libre et non faussée ») conduit à la libéralisation puis, à plus ou moins brève échéance, à la privatisation. L’application d’un vernis social ou démocratique n’y changera rien puisqu’elle a été conçue pour répondre aux intérêts du capital. La conclusion logique qui s’impose n’est-elle pas d’en sortir pour recréer les bases d’une Europe de coopération entre les peuples libres et souverains ?

L’EUROPE EN BREF.......

. L’Union européenne ne devrait pas pouvoir atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée de faire passer la dépense de recherche-développement de moins de 2% à 3% du PIB en 2010 ; 4 Etats membres ont augmenté leur investissement en recherche-développement ces dix dernières années (Finlande, Autriche, Danemark, Suède) ; par contre, trois pays l’ont diminué (France, Royaume-Uni, Pays-Bas).

. Les parlementaires européens pourraient être obligés de respecter le droit du travail pour leurs assistants d’après une récente décision du bureau du Parlement européen ; d’après la nouvelle réglementation, les députés devraient s’abstenir d’employer des membres de leur famille.

. Le site Internet « système de transparence financière » permet depuis le 2 octobre d’accéder aux données relatives aux bénéficiaires des fonds communautaires directement gérés par la Commission européenne et ses agences exécutives.

. A l’issue de la table ronde européenne sur la pauvreté qui s’est tenue à Marseille les 15 et 16 octobre, le directeur de la DG Emploi, Jérôme Vignon, s’est félicité de la forte participation de journalistes : « Il n’y a jamais eu autant de journalistes pour suivre ces questions. J’ai été agréablement surpris de la présence importante et de la fraicheur des questions des journalistes ». Il s’est bien gardé de préciser que, sur les 50 journalistes présents, une quarantaine étaient invités par la Commission européenne qui leur a payé le voyage et le séjour.

. Un projet de réforme des élections européennes est actuellement en discussion au Parlement européen ; il préconise à partir de 2014 une modification de la procédure et des règles avec la présentation d’une liste transnationale à l’échelle européenne pour « rapprocher les citoyens de la démocratie parlementaire post-nationale » ; chaque électeur pourrait voter pour un candidat de cette liste transnationale et pour une autre liste nationale ou régionale.

. 37 parlementaires européens des pays du Nord (Danemark, Finlande, Suède) ont demandé au président du Parlement européen que les parlementaires et les fonctionnaires européens n’utilisent « que des hôtels qui donnent la garantie de ne pas être impliqués dans le commerce du sexe » et qui ne diffusent pas de films pornographiques dans les chambres.

. Malgré l’aggravation de la crise du système capitaliste, la commissaire à la Société de l’information, Viviane Reding, veut encore renforcer la concurrence dans le secteur des télécommunications (dont le marché européen génère près de 350 milliards d’euros par an, soit 2,9% du PIB européen).

. L’association « Confrontations Europe », présidée par Philippe Herzog, a organisé les 29 et 30 octobre à Bruxelles au Parlement européen un colloque intitulé : « L’intérêt européen. Anticiper le changement et les politiques européennes dans le nouveau monde globalisé » avec la participation du commissaire européen aux affaires sociales, Vladimir Spidla, et le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet. Une des tables rondes avait pour thème : « Une gouvernance interactive faisant appel à la participation ».



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