Qui a peur de Denis Robert ?

jeudi 6 novembre 2008
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Qui a peur de Denis Robert ? C’est le titre d’une pétition lancée sur l’Internet par une cinquantaine de personnalités pour défendre le journaliste et écrivain littéralement ruiné (ainsi que son éditeur) par une cascade de procès en diffamation déclenchée Clearstream.

Clearstream, dont on a beaucoup parlé dans le cadre d’une célèbre affaire de listings truqués, est une « chambre de compensation » (« clearing house » en anglais), une « super-banque » où se produisent toutes sortes de transactions financières (ordres de paiement, obligations financières, titres, etc.). L’argent y entre et en sort sous le sceau du secret bancaire : seule Clearstream connaît en l’origine et la destination.

Les rédacteurs de la pétition s’étonnent qu’une telle institution se répande depuis quelques jours dans la presse (y compris certain « grand » journal de référence), sous forme de communiqués ou d’encarts, pour salir le nom de Denis Robert, « coupable » d’avoir affirmé que l’argent, qui circule ainsi, pouvait aussi être sale : « Comment est-il possible qu’au cœur d’une tourmente financière historique, qui fait apparaître aux yeux des foules ébahies l’incompétence, l’irresponsabilité, la criminelle légèreté des dirigeants de toutes les banques du monde, ces hommes si importants qu’on voit courir à la porte des palais des Républiques pour mendier l’argent des contribuables, perdent leur temps et leur argent à tenter de museler un journaliste solitaire ? »

Oui, Pourquoi ? Alors que pour justifier de leur bonne foi, il serait si simple de lever le secret bancaire et de permettre aux juges d’accéder aux données informatiques permettant de suivre le cheminement de l’argent… Il suffirait, précise la pétition, « que cette menace existe pour que les fraudeurs à l’impôt, mais aussi les trafiquants de drogue, d’armes et d’influence retirent leur argent des banques. Et ça, les banquiers ne le supporteraient pas. »

Et pas seulement les banquiers, si on en juge par la récente réaction de la directrice de l’information de France 2, Arlette Chabot, qui s’est sentie obligée de présenter ses excuses au premier ministre luxembourgeois pour « l’insuffisance professionnelle » des auteurs d’un reportage sur le Luxembourg diffusé au 20 heures : « La frontière entre paradis fiscal, blanchiment d’argent et secret bancaire n’était pas vraiment établie », expliquait-elle. Secret bancaire, pas d’impôt sur les sociétés offshore, absence d’impôts sur la fortune et sur les plus-values : toutes ces caractéristiques qui s’appliquent au Luxembourg n’ont évidemment rien à voir avec un paradis fiscal…

Il fut un temps où le mot « paradis fiscal » était formellement interdit aux journalistes français à propos de Monaco. S’ils s’aventuraient à braver l’interdit, c’était la puissance publique, qui fondait sur eux sous la forme d’une inculpation pour « offense à chef d’état étranger » directement diligentée par le ministère des Affaires étrangères français.

Désormais même l’OCDE reconnaît cette qualification à la petite principauté. Mais en ces temps de crise financière, allègrement alimentée par la cupidité des puissants fonds d’investissements (hedge funds) réfugiés dans les paradis fiscaux, c’est le « lèse-Luxembourg » qui est tabou.

Plaque tournante de la finance mondiale, le Luxembourg est aussi le pays, dont le premier ministre préside aux destinées de l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone Euro). Vous avez dit : moraliser le capitalisme ?



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