Abdelaziz Bouteflika : le flapi-boom.

mercredi 26 novembre 2008
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Déjà aux affaires en 1962, le chef de l’Etat Algérien, malgré ses problèmes de santé, a fait modifier la Constitution pour s’offrir un troisième mandat.
Le changement attendra.

DESORMAIS en situation de briguer, en avril prochain, un troisième mandat, le chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika, 72 ans sonnés, a eu l’à-propos de le reconnaître la semaine dernière (« Le Monde », 14/11) :
« La démocratie [ne saurait] constituer un modèle universel unique pour toutes les nations ».

Il vient de démontrer lui-même la justesse de cet aphorisme.

La révision de la Constitution qui lui permettra de se représenter devant les électeurs est passée devant le Parlement « comme une lettre à la Poste » (« Le Quotidien d’Oran ») : en moins de deux heures, sans débat, à main levée et par 500 voix sur 529 !

« Un nouveau coup d’Etat ! », a râlé un chef de la si maigre opposition.

L’expression d’une sincère reconnaissance, peut-être aussi : en septembre, Boutef, selon son appellation courante, a triplé les indemnités des parlementaires, lesquels perçoivent aujourd’hui trente fois le smic local !.

Preuve de l’ardent attachement de l’Algérien moyen à sa valeureuse classe politique, les dernières législatives ont accusé une abstention de 64%.

« Pendant vingt ans, nous avons eu des présidents stagiaires » (c’est-à-dire éphémères et peu préparés", s’était gaussé Bouteflika pendant sa première campagne électorale (1999).

Avec lui, l’Algérie est surtout partie pour une présidence à vie.

Alors même que sa propre santé a été bien ébranlée il n’y a pas si longtemps. D’un avis médical répandu, c’est, à l’évidence, beaucoup plus qu’un simple « ulcère gastrique » qui a nécessité, à la fin de 2005, sa longue hospitalisation (un bon mois) au Val-de Grâce.

Détail, de tout le continent africain, Boutef est l’un des rares, sinon le seul, dirigeants déjà aux affaires au glorieux temps de l’Indépendance : en 1962, à 25 ans, sous Ben Bella, au portefeuille de la Jeunesse et du Tourisme, avant de jouer les fringants ministres des Affaires étrangères du refroidissant Boumedine (1995-1978).

De la préhistoire, il est vrai, pour cette immense majorité de la population qui àa moins de 30 ans : 70% de jeunots qui espèrent plus des visas pour l’étranger qu’ils n’applaudissent les rituels anathèmes de leur président contre « le génocide de l’identité algérienne » (par le colonisateur français).

Le grand dessein du troisième mandat de notre homme est à ce jour inconnu.

Celui de l’actuel mandat était cette « charte de réconciliation nationale » adoptée par référendum en 2005.

Par le biais d’une amnistie, elle devait clore une dizaine d’années de terreur islamiste. Mais aussi, sans que les choses soient officiellement dites, passer l’éponge sur les exactions militaires (dans une invraisemblable opacité, l’armée demeure l’arrière-plan obligé de toute la vie algérienne).

Pour ce Grand Oeuvre, Bouteflika espérait même le Nobel de la Paix, et ce dès 2006.

Un peu loupé !.

D’abord, bien des Algériens sont choqués de devoir régulièrement croiser des tueurs peu ou mal punis.

Ensuite, les attentats ont repris.

Le kamikaze qui, en décembre dernier, s’est fait sauter devant le Conseil constitutionnel (37 morts) avait été libéré, un an plus tôt, en vertu de cette même charte.

Dieu sait pourtant si le volubile Boutef en a fait pour circonvenir les croyants.

A commencer par sa décision, en chantier, d’édifier « la troisième plus grande mosquée du monde » (après celles des Lieux saints).

Pur pragmatisme.

En 1999, à peine élu, il sollicite du Vatican la béatification du défunt cardinal d’Alger Léon Duval.

Cette année, il a couvert de facto un harcèlement judiciaire de convertis au christianisme.

Alors même que la Constitution, adaptable il est vrai, reconnaît la liberté du culte.

Péripéties incidentes au regard de maux plus consistants qui minent la République pétrolière d’Algérie : un chômage endémique (13% pour le pouvoir, plus près de 30% semble-t-il), une vie chère, un système scolaire dépassé par les besoins, véritable motif , pour bien des opposants, du plébiscite de la semaine dernière : réélu, Boutef aura à coeur d’étouffer quelques scandales financiers qui impliquent de zélés dignitaires civils ou militaires.

Le toiut pour ne rien dire du matraquage récurrent de la presse non gouvernementale, et de l’édition (1).

« Moi, ou le chaos », disait à peu près de Gaulle.

Sans rival et sans dauphin, Abdelaziz n’a rien dit de tel, mais Sarko l’a dit à sa place :« Plutôt Bouteflika que les talibans ».

Un Sarko contraint l’an dernier, et après tant de sorties contre les adeptes de la repentance, d’admettre à Alger (les contrats commerciaux ont leur raison que la raison, etc) :

« Le système colonial a été profondément injuste ».

Dans le fond, quarante-six ans après, avec son troisième mandat, Boutef s’est encore réservé de grandes occasions de rigoler...

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 1911/2008

Transmis par Linsay


(1) Le patron de la Bibliothèque nationale vient ainsi d’être limogé.
Apparemment pour avoir accepté le dépôt du « Journal d’un homme libre » (Riveneuve éditions) d’une bête noire du régime, le journaliste Mohamed Benchicou, emprisonné de 2004 à 2006 pour un motif fallacieux.



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