Regards de février 2009

lundi 23 février 2009
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NON A LA PRIVATISATION DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE

La Commission européenne a organisé les 5 et 6 février à Bruxelles le deuxième forum européen universités-entreprises. Parmi les sujets à l’ordre du jour figuraient la modernisation des structures de gouvernance au sein des universités, le développement de programmes d’études, notamment sous l’angle de l’esprit d’entreprise, et l’amélioration de la formation continue au sein des entreprises. Ce forum européen répondait aux priorités de la présidence tchèque de l’Union européenne en matière d’éducation : renforcer la coopération entre les établissements d’enseignement et les employeurs, diversifier les sources de financement pour l’enseignement supérieur comme l’avait déjà précisé le commissaire Jan Figel en février 2008 à une conférence organisée par l’Association des Universités européennes : « Les universités doivent devenir responsables de leur financement à long terme, en faisant appel à des sources de financement publiques et privées ».

Ces orientations sont reprises dans la loi LRU (Loi réformant les universités) que le gouvernement français veut imposer aux universitaires, chercheurs et enseignants, en soumettant l’enseignement et la recherche à la compétition et au marché. L’objectif est de favoriser la mainmise des intérêts privés sur la recherche, l’enseignement supérieur et la diffusion des connaissances. Comme le soulignait l’appel du « Collectif Indépendance des chercheurs » à la journée d’action du 29 janvier : « La recherche scientifique et technologique et l’enseignement supérieur sont les sources premières des connaissances et de leur transmission. Si elles deviennent propriété privée, ce sont les connaissances elles-mêmes qui échappent à la collectivité. Or, sans le caractère public des connaissances, aucun droit de la personne ne peut être utilement défendu ». Cette analyse a été reprise par « l’appel des appels » qui a débouché sur un premier débat le 31 janvier à Paris avec la participation de 600 professionnels de la santé, de la justice, de l’éducation, de la recherche et de la culture. Pour l’un des initiateurs de cet appel, le psychanalyste Roland Gori : « Une logique sous-jacente de recomposition de nos missions et de nos professions se met en place selon un modèle ultralibéral de l’humain conçu en termes de marché » (interview à « l’Humanité » du 22 janvier).

Tout en participant aux actions dans les Universités françaises contre la loi LRU et ses textes réglementaires, les syndicats de la recherche et de l’enseignement, les collectifs « Sauvons la recherche » et « Sauvons l’Université » appellent à une mobilisation européenne les 19 et 20 mars pour la réunion du « Sommet de printemps » des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne avec à l’ordre du jour « l’évaluation et la poursuite de la stratégie de Lisbonne » qui vise à créer un « marché de la connaissance ». Cet appel à la mobilisation n’intéresse pas seulement les chercheurs et les enseignants, il mérite d’être connu par tous les citoyens : « L’ambition affichée d’une »société de la connaissance« ne peut être qu’encouragée lorsqu’elle est un pari sur l’éducation et la recherche comme biens publics, qu’elle garantit la démocratisation de l’accès au savoir, qu’elle permet aux citoyens l’analyse critique raisonnée des choix scientifiques et techniques qui leur sont proposés. Mais l’orientation prise actuellement est tout autre : elle réduit ce projet à la construction d’un »marché commun de la connaissance" dont nous constatons partout les conséquences délétères en termes d’affaiblissement de l’indépendance scientifique, de déstructuration du système de recherche publique, de renforcement du pouvoir des entreprises, de précarisation massive des conditions de travail et d’étude, de creusement des inégalités face au savoir, d’éloignement des citoyens des choix scientifiques et techniques qui les concernent.

Depuis quelques années, avec une intensité croissante, des mobilisations de grande ampleur, portées par les lycéens, les étudiants, les personnels de l’éducation et de la recherche, et plus largement par le mouvement social, se sont multipliées en Europe. Elles expriment fortement l’exigence d’un secteur public de l’éducation et de la recherche qui ne soit pas construit sans débat démocratique et qui s’affranchisse de la soumission au marché concurrentiel.

C’est pourquoi nous appelons tous les citoyens à se mobiliser les 18,19 ou 20 mars 2009, dans tous les pays membres et au-delà, au sein des universités, des laboratoires et dans la rue, contre la mise en marché des activités éducatives et scientifiques, contre la mise en compétition généralisée des populations et des territoires, pour un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, démocratique et émancipateur".

OGM : la Commission européenne passe à l’offensive

Dans son édition du 20 octobre 2008, l’agence de presse « Europolitique » constatait que le débat sur les OGM était toujours dans l’impasse : « Malgré les multiples groupes de réflexion au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM), les Etats membres de l’Union européenne restent profondément divisés ». Effectivement, certains ont adopté des mesures de sauvegarde, d’autres encouragent la culture des OGM. C’est ainsi qu’en Espagne il y a déjà plus de 70000 hectares de cultures OGM

Quelques mois plus tard, passant outre les rapports d’experts, les prises de position de syndicats agricoles et de collectivités territoriales (en France de nombreuses régions et communes se sont déclarées « zone sans OGM »), la Commission européenne a décidé de faire le forcing en relançant son offensive en faveur des OGM. C’est ainsi que le 21 janvier, elle a donné le feu vert à une série de propositions visant à lever les mesures de sauvegarde prises dans les Etats membres hostiles à l’utilisation du maïs MON 810 (Monsanto) sur leur territoire. La Commission européenne ne s’en tient pas là. Elle veut aussi relancer les procédures d’autorisation de mise en culture de nouveaux OGM : le maïs 1507 (Syngenta) et le maïs Bt11 (Pioneer), dont certains experts refusent de reconnaître l’innocuité ainsi que l’intérêt économique.

Est-ce un hasard si cette nouvelle offensive de la Commission européenne, conduite par son président José Manuel Barroso contre l’avis du commissaire à l’environnement Stavros Dimas, est déclenchée au moment même où la nouvelle administration étasunienne critique les « règlements européens étouffants » ? Leur objectif commun est d’ouvrir de nouveaux marchés aux OGM, notamment en Afrique.

Pour justifier sa proposition, la Commission européenne s’est référée à l’obligation de respecter le droit communautaire, fondé sur la libre circulation des marchandises, en balayant d’un revers de main les rapports scientifiques sur les risques pour la santé humaine et animale et pour l’environnement. Mais la proposition de la Commission ne veut pas dire décision et encore moins application. Ces nouvelles propositions de la Commission vont être examinées par les experts des Etats membres avant d’être transmises à leurs ministres de l’environnement. La pression devra donc être renforcée auprès des gouvernements pour faire échec à l’offensive de la Commission européenne.

L’EUROPE EN BREF...

. Le taux de chômage repart à la hausse dans l’Union européenne : 7,4% en décembre 2008 contre 6,8% en décembre 2007 (soit 17,9 millions de chômeurs avec une augmentation de plus de 1,6 millions en un an) ; le taux de chômage des moins de 25 ans a atteint 16,6%.

. La part des profits dans la valeur ajoutée des sociétés non financières dans l’Union européenne a été de 38,1% au troisième trimestre 2008 d’après les données publiées par Eurostat et la Banque centrale européenne.

. 735 000 personnes ont acquis la nationalité d’un Etat membre en 2006 contre moins de 500 000 en 1998 ; ces « nouveaux citoyens » étaient originaires de pays européens hors de l’Union européenne (27%), d’Afrique (27%), d’Asie (22%) et d’Amérique du Sud et du Nord (12%). Les citoyens d’un pays de l’Union européenne ayant obtenu la nationalité d’un autre Etat membre représentaient à peine 8% du total.

. Les migrants souvent exclus des soins de santé : bien que la présidence portugaise en 2007 avait fait de l’accès aux soins de santé des migrants une de ses priorités, l’association « Médecins du monde » estime que les immigrants irréguliers mais aussi les demandeurs d’asile sont « globalement exclus des soins de santé » dans les Etats membres ; cette question était à peine abordée dans le « Pacte européen sur l’immigration et l’asile » adopté sous présidence française en octobre 2008.

. La présidence tchèque de l’Union européenne prône une politique familiale réactionnaire : prenant le contrepied d’une résolution adoptée le 3 février par le Parlement européen réclamant une augmentation des structures d’accueil pour les enfants, la présidence tchèque veut encourager la garde d’enfants à domicile qui est une « alternative à part entière à la carrière professionnelle ». Le bon vieux retour de la division traditionnelle du travail entre les hommes et les femmes !

. La modération salariale est devenue la norme dans la négociation collective en Europe, telle est la principale conclusion d’une étude de l’Institut syndical européen sur l’évolution des salaires ; effectivement depuis 1990, les salaires réels n’ont pas suivi le rythme de la croissance réelle, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs pauvres. De 1995 à 2007, la productivité a augmenté de 20,3% et les salaires de 13,9%. Résultat : la composante salariale du PIB dans l’Union européenne à 27 a baissé de 59,5% à 56,9%.



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dimanche 1er mars 2009 à 15h14 - par  gillesmercier

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