Mobilisation citoyenne contre les expulsions

vendredi 27 février 2009
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Tandis que le gouvernement a lancé un vaste plan de sauvetage du système financier, des associations ont lancé une campagne pour empêcher les banques de saisir les personnes endettées.

A l’heure où les propriétaires, les associations locales et certains représentants de l’ordre intensifient leur mouvement d’opposition contre les expropriations, une vaste campagne de désobéissance civile vient d’être lancée dans plusieurs villes américaines pour soutenir les familles en situation d’être expulsées. L’Association of Community Organizations for Reform Now [Association d’organisation communautaire pour une réforme immédiate, ACORN] a inauguré cette campagne, le 13 février, dans une église de Brooklyn, à New York. Grâce au téléphone, à des sites Internet et des systèmes de messagerie, l’association met en relation des familles menacées d’expulsion et des bénévoles qui s’engagent à venir les soutenir lorsque les huissiers arriveront. « Vous voulez nous traîner en prison ? Très bien. Que le monde voie à quel point l’Etat a été inefficace », lance Bertha Lewis, chef de file de l’association ACORN. « La classe politique a aidé les banques, mais elle n’a rien fait pour les familles. Aujourd’hui, ces familles expriment leur ras-le-bol. »

Au début de la crise immobilière, d’aucuns estimaient que les propriétaires s’étaient mis dans le pétrin tout seuls et que les principaux responsables n’étaient autres que les ménages qui avaient choisi de vivre au-dessus de leurs moyens. Mais, à mesure que les saisies ont commencé à s’étendre, la population a commencé à montrer du doigt les institutions financières qui ont accordé des prêts douteux et empoché des milliards de dollars d’aides consenties par l’Etat. Depuis quelques mois, la résistance rallie de plus en plus d’Américains convaincus d’avoir été abandonnés à leur triste sort. Au lieu de plier sagement bagage et de laisser les clés de leur maison aux banques, les propriétaires immobiliers choisissent de riposter.

En octobre 2008, une femme de San Diego, en Californie, s’est enchaînée à sa véranda après que la banque détentrice de son crédit hypothécaire eut refusé d’en renégocier les conditions. A la même époque, des voisins et des militants ont formé une chaîne humaine devant huit immeubles en passe d’être saisis, afin d’empêcher les autorités de jeter les résidents à la rue. Dans certaines régions, les shérifs ont également pris position. Dans l’Illinois, Thomas J. Dart, shérif du comté de Cook, a chargé un avocat d’étudier tous les ordres d’expulsion pour protéger les locataires qui continuaient à payer leur loyer après que les banques eurent saisi leurs logements. Richard K. Jones, son homologue du comté de Butler, dans l’Ohio, a pour sa part ordonné à ses adjoints de ne pas expulser les gens qui n’avaient nulle part où aller. « Il fait très froid en hiver dans cette région, et je me refuse à condamner ces gens à mort sous prétexte qu’ils n’ont pas payé leurs dettes », explique-t-il.

La stratégie d’ACORN consiste à mettre en place des réseaux de solidarité pour mobiliser les voisins d’un propriétaire lorsqu’une expulsion est programmée ou que la police est en route. Des volontaires rameutent des amis pour converger vers la maison en question, tandis que d’autres sont chargés d’alerter les médias. Les organisateurs recrutent aussi des avocats disposés à défendre gratuitement les personnes arrêtées. Cette campagne, baptisée Home Defenders [Les défenseurs de maisons], a attiré près de 500 participants lors des réunions qui se sont tenues, les 13 et 14 février, à New York et dans cinq autres villes. Bertha Lewis et ses collègues sont convaincus qu’en quelques semaines ils pourraient arriver à mobiliser des dizaines de milliers de personnes. La manifestation de Brooklyn a réuni près de 150 participants. « Je refuse de quitter la maison pour laquelle j’ai travaillé si dur », s’indigne Denise Parker, une propriétaire de 42 ans. « Je ne laisserai pas la banque prendre ma maison et je ne partirai pas. » Myrna Millington, une propriétaire de 73 ans du Queens, dont la maison a été saisie en septembre, est tout aussi déterminée. « Je perdrai peut-être ma maison, mais je ne partirai que les menottes aux poignets », assure-t-elle.

Si cette campagne suscite l’admiration, elle soulève également certaines inquiétudes. Thomas J. Dart, le shérif du comté de Cook, craint que l’on ne s’engage « sur un terrain glissant à partir du moment où on laisse les individus décider eux-mêmes s’ils peuvent rester chez eux en toute légalité ». A Washington, ACORN a trouvé un farouche partisan en la personne de Marcy Kaptur, députée de l’Ohio, qui, lors d’un débat sur le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars destiné aux institutions financières, a pris la parole à la Chambre des représentants pour appeler les gens à « rester chez [eux] ». « Je suis ravie que les Américains se soulèvent et exercent le pouvoir que Wall Street leur a confisqué », a-t-elle ajouté.

Par Fernanda Santos dans The New York Times du 26/02/2009

Transmis par Linsay



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