Contre le travail qui tue (II)

samedi 28 février 2009
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Le compte rendu du colloque tel que paru dans l’Huma…

Lever le tabou des maladies professionnelles

Santé . « Risquer sa santé et sa vie au travail : une fatalité ? ».

Syndicalistes, militants politiques et chercheurs ont « planché » sur ce thème lors d’un colloque à Vitrolles.

D’une immense souffrance, faire oeuvre utile. Ou, comme le dit Michel Bianco lui-même : « Comment transformer un événement douloureux et personnel en action pour la collectivité ? » Le 2 août 2006, Jérôme Bianco, son fils aîné, a été victime d’un accident mortel du travail. Depuis, Michel n’a de cesse de faire reconnaître les responsabilités de ce drame (voir l’Humanité du 10 juin 2006) et mène un combat plus général pour lever « un tabou : le travail tue ». Vendredi et samedi, il a organisé à Vitrolles, avec la fédération du PCF des Bouches-du-Rhône, un colloque : _ « Risquer sa santé et sa vie au travail : une fatalité ? »

« Maladies éliminables »

Vendredi soir, le film de Jean-Michel Carré, J’ai (très) mal au travail, programmé par le cinéma vitrollais Les Variétés, a posé le décor : pour le dire vite, le retour massif du taylorisme dans le monde du travail (industrie comme services). En préambule, Michel Bianco a rappelé que, « selon les chiffres de l’OMS, il y a autant de morts au travail à travers le monde que de victimes de la pandémie du sida ».

Samedi matin, René Giorgetti, conseiller régional communiste, a présenté le SIC (système d’information concret) mis au point par le professeur italien Ivar Oddone. « La base de cet outil, c’est la récupération de la mémoire ouvrière », a souligné l’élu qui parle de « maladies éliminables » plutôt que de « maladies professionnelles ». En lien avec les médecins généralistes volontaires et les salariés eux-mêmes, le SIC permet de repérer les lieux du golfe de Fos et de l’ouest de l’étang de Berre qui ont généré de la maladie. Les premières conclusions de leur collecte d’informations dessinent des chiffres divergents de ceux de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). La proportion de cancers, surdités et affections respiratoires y est beaucoup plus importante que dans les statistiques officielles. « La Sécu ne reconnaît que 2 000 cancers professionnels par an alors que leur nombre est estimé à 23 000. Est-on capable de dresser la liste des lieux où ces 20 000 personnes ont contracté un cancer ? » a lancé Marc Andéol, cartographe du SIC. L’objectif final de cette démarche est de rendre publique, via Google Earth et Internet, la carte des lieux, des postes de travail qui tuent. Bref, une mappemonde brute sur le Web.

Coeur de métier

Gérard Filoche, inspecteur du travail et militant politique (PS), a abordé cette question de la santé au travail sous l’angle du Code du travail, « dont toute l’histoire est liée à la réduction du temps de travail », et de la recodification, engagée depuis six ans par la droite et le MEDEF, du droit du travail. Un exemple : la durée du travail n’est plus abordée sous l’angle de la santé mais du salaire. La perspective est foncièrement différente. Il faut donc travailler plus pour gagner plus. Au diable, la santé. Pourtant, comme l’a rappelé Gérard Filoche, « ce ne sont plus les coups de grisou qui tuent mais les AVC (accidents vasculaires et cardiaques - NDLR) ».

Dernier intervenant de ce passionnant colloque, Jean-François Naton, conseiller confédéral de la CGT sur les questions de travail, de santé et de protection sociale. Hypothèse : « Au moment des 35 heures, nous avons pu apparaître comme délaissant la question du bien-être au travail pour favoriser le bien-être en dehors du travail. » En réaction, il y a, selon lui, « ré-appropriation depuis plusieurs années par le mouvement syndical de son coeur de métier, c’est-à-dire le travail ». Donc, aussi, de la question de la santé au travail. « Ce qui fait souffrance, c’est l’empêchement de la parole. L’enjeu c’est de reprendre le temps du vivre-ensemble sur le lieu de travail, a estimé le syndicaliste. Redonner du sens au travail, c’est dire non à des organisations de travail. Mais comment dire non tout seul ? On en revient donc au syndicalisme. »

Christophe Deroubaix



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