Edouard Balladur : Ballamouche du coche.

lundi 9 mars 2009
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Sa courtoise Suffisance, nommée par son ex-protégé Sarko à la tête du Comité de réforme des collectivités locales, met de l’ambiance.

Devant Longuet qui raillait la démagogie de Xavier Bertrand, Balladur a récemment laissé tomber :
« Croyez-vous qu’il ait tant d’efforts à faire que cela pour paraître ordinaire ? »

Et à propos du sous-ministre à l’Outre-Mer parti « se délocaliser » à la Guadeloupe :
« C’est que Jego avait envie de faire du bateau, c’est tout ! »

Voilà le genre de vacheries que Sa Courtoise Suffisance n’a cessé de distiller au fil des séances du comité sur la réforme des collectivités locales qu’il préside.

Ses membres ne tarissent pas d’éloges sur l’ex-Premier ministre libéré et « détendu », à 79 ans, depuis qu’il a décidé de céder son mandat de député en 2007. Ils vantent son écoute, son art de la synthèse, et surtout son « humour redoutable, imperceptible et froid ».

Le professeur d’économie Jean-Claude Casanova, membre des deux comités Balladur successifs (sur la réforme des institutions, puis sur les collectivités locales), évoque le « détachement historique » atteint par le retraité Balladur.

Mais depuis la tempête soulevée dans la presse par son rapport accusé de charcuter les Régions, Balla ne rigole plus du tout.

Hortefeux, qui reste un fidèle, explique qu’il se sent « atteint ».

Car il a beau s’époumoner à démentir sur TF1, traitant de « bobards » (un gros mot dans sa bouche !) les exemples de redécoupage (tel le démantèlement de la Picardie), c’est trop tard : les élus locaux sont en fureur et rameutent les populations.

Il est en outre personnellement « blessé » du lâchage de Pierre Mauroy, qui après quatre mois de complicité affichée dans le comité flingue le rapport, en dénonçant in extrémis un « piège » politique.

Martine Aubry est passée par là...

« Avec son autorité naturelle qui permet de faire asseoir à la même table Hutus et Tutsis, Balladur est pour Sarkozy l’homme des missions indémerdables », lance un conseiller de l’Elysée.

Le mot est faible, s’agissant de l’empilement des collectivités locales et des intérêts de centaines de milliers d’élus.

A travers ces deux comités en deux ans réformant l’architecture des pouvoirs (nationaux puis locaux), c’est un nouveau rôle de sage au- dessus des partis que lui taille ainsi sur mesure Sarko.

Mais Balladur décline le qualificatif dans les interviews : « Je ne suis peut-être pas aussi sage que vous croyez... »

Il est en tout cas l’un des très rares dont Sarkozy accepte les critiques sans exploser. Il lui donne du « Monsieur le Premier ministre », quand ce dernier l’appelle paternellement « Nicolas ».

Malgré l’affection, la distance reste de mise : Balla a refusé l’invitation d’aller séjourner dans la villa de Carla au Cap Nègre cet été, tout comme il a décliné jusqu’ici les voyages présidentiels.

Surtout, Ballamou n’hésite jamais à se démarquer, y compris publiquement : sur les tests ADN au nom de la « la dignité des hommes », sur la prétention « un peu vaine, presque naïve de vouloir liquider Mai-68 ».

Mais aussi sur la suppression de la pub à la télé, sur l’urgence de réduire les déficits ou sur le vrai « problème » qui se poserait si d’aventure la commission de déontologie désapprouvait la nomination de Pérol.

Voilà un an, il est même allé jusqu’à publier dans « Le Monde » (22/02/08) une tribune tançant le Président comme un élève : « Nicolas Sarkozy doit garder le cap des réformes. Reste à adapter la méthode, le rythme et le style ».

Et ce bulletin scolaire de pointer pèle-mêle les « bavardages indiscrets » des conseillers élyséens, le manque de latitude donnée à Fillon (que Balla apprécie et soutient sans relâche).

Mais aussi le défaut de « concertation » dans les réformes, ou le manque de « sobriété » dans l’étalage public de sa vie privée.

"Sarkozy était plus qu’agacé, il y a eu un moment de bouderie, témoigne un proche des deux hommes. Les rares fois où il y a un froid, ils ne s’en expliquent pas : donc pas besoin de réconciliation.

Mais ils ne s’engueulent jamais".

C’est que Sarkozy reste éperdu de reconnaissance à l’égard de Balladur : il lui sait gré de l’avoir nommé à 38 ans, en 1993, ministre de plein exercice du Budget et porte-parole du gouvernement : très proche collaborateur et « vice-Premier ministre » de fait.

La pleine confiance donnée à un jeune ministre, alors que Sarko, aujourd’hui, ne sait pas déléguer !

Sarko est aussi reconnaissant à Balladur de lui avoir donné un conseil déterminant lors de son retour au gouvernement en 2002 : celui d’aller à l’Intérieur plutôt qu’à l’Economie, en lui expliquant que c’était là qu’il fallait s’imposer après la campagne présidentielle sur l’insécurité.

Contre l’avis d’Hortefeux et de ses autres conseillers.

Sa Courtoise Suffisance s’autorise du coup quelques privautés, comme flinguer publiquement Dati, « pas au niveau », ou Kouchner, « qui n’honore pas la France », ou encore Guaino, qu’il déteste et dont il récuse le « gaullisme social », une aberration à ses yeux...

Et c’est désormais auprès du grand Ballamouchi que les ministres venus de la Chiraquie, tels Pécresse ou Marleix, viennent se faire « adouber »... pour être mieux vus de l’Elysée !

Aucune jalousie apparente : « Sarkozy, il l’a en quelque sorte lancé, c’est son fils politique », ne craint pas d’affirmer un député balladurien pur sucre.

Mais fils ou pas, lorsque cet automne Minc, Parisot et Bazire ont successivement vanté à Sarko l’idée de nommer Balladur au ministère de l’Economie, le chef de l’Etat n’a pas songé une minute à s’encombrer de son incontrôlable mentor.

« Et Balla a été furieux que son nom soit cité », témoigne un ministre.

Mais rien ne dit qu’il n’était pas secrètement intéressé...

Balla, qui se targue de répugner à demander quoi que ce soit, avait toutefois réclamé, en 2007, comme unique faveur que son collaborateur du Conseil d’Etat Hugues Hourdin soit nommé à la tête du domaine de Versailles.

Sarko a dit niet et nommé Aillagon : un chiraquien, en plus !

Les humiliations les plus raffinées s’infligent en famille.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 04/03/2009

Transmis par Linsay



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