Raymond Soubie : L’occulte de la personnalité.

samedi 21 mars 2009
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Depuis trente-cinq ans, le conseiller social de Sarko a connu plus d’un sommet mais a toujours oeuvré dans l’ombre.

L’INCONNU qui siégeait lors du sommet social du 18 février à côté du président de la République, c’est lui.

Depuis trente-cinq ans qu’il oeuvre dans l’ombre des cabinets, c’est la première fois que Raymond Soubie passait sous la lumière des projecteurs.

L’homme qui, depuis quarante ans, donne spontanément du « cher ami » ponctué d’un sourire avenant au moindre visiteur trouve surtout son bonheur dans l’atmosphère feutrée de ces salons ministériels ou il reçoit avec la même courtoisie les chefs et les responsables du patronat.

Dès 1969, il entre au cabinet de Joseph Fontanet, ministre du Travail de Chaban, et cinq ans après rejoint un autre Premier ministre, Chirac, à Matignon.

Barre le garde auprès de lui sur le conseil pressant du secrétaire général de FO, André Bergeron.

Après avoir émigré dans le privé, il fera une nouvelle, mais courte, apparition auprès de Chirac à Matignon en 1996. A la suite de quoi il restera le conseiller occulte le plus écouté par l’ancien président ainsi que par Juppé et Raffarin.

Jeune énarque, et alors qu’il partageait avec Barre les plaisirs de la bonne chère et avec Mitterrand ceux de la belle langue, il avait la hantise de se laisser oublier.

« Il ne faut jamais rester longtemps dans un placard. Au début, les gens qui s’arrêtent devant disent »Tiens, Untel gémit dans le placard".
Puis : « Tiens, il y a quelqu’un qui gémit dans le placard ».
Puis : « Tiens, le placard gémit ». Et enfin, ils passent devant le placard sans remarquer les gémissements".

Ce placard a aussi été celui de son enfance.

Le 23 octobre 1940, une demi-heure après sa naissance, une bombe anglaise tombée sur la maternité de Talence lui cause un handicap qui le tiendra éloigné des jeux d’enfants et d’ados.

Le terrain de jeu du petit Raymond sera longtemps l’escalier en colimaçon qui relie l’appartement de fonction des parents et la bibliothèque universitaire de Bordeaux.
Ses camarades de conversation ont surtout pour nom Balzac et Napoléon.

Depuis, il reçoit, il écoute, il parle.

Pendant des années, il est apparu comme un gymnaste de la métaphore doublé d’un athlète complet du second degré.

Les syndicalistes qui sortaient de son bureau se demandaient souvent ce qu’il avait bien pu leur dire.

Cet art consommé du clair-obscur lui avait valu le surnom de « Rembrandt du social ». Le brave Hervé de Charette a gardé un souvenir douloureux de cette période durant laquelle il négociait les salaires des fonctionnaires avec les syndicats.

Après une suspension de séance, le ministre présente une « ultime » proposition aux syndicats. Le représentant de FO, André Giauque, s’étouffe : « Mais ce n’est pas du tout ce que vient de m’annoncer Soubie ».

Charette et le syndicaliste, qui venaient, secrétement de téléphoner chacun de leur côté à Matignon, se lèvent brusquement sous les éclats de rire et s’isolent pour rappeler Soubie.

Finalement, c’est le responsable de FO qui avait le mieux interprété la pythie.

Depuis, la prosodie soubienne est nettement plus audible. Il continue à mêler avec la même délectation parabole et imparfait du subjonctif. Mais il entend que l’on comprenne que, investi de la confiance du « Président », c’est lui qui détient les clés du pouvoir.

"Il trouve Fillon trop cassant et même dangereux, juge un de leurs proches.

Le Premier ministre, lui, estime que Soubie perd un temps fou en parlotes avec les syndicats là ou il faudrait aller vite pour réformer".

Le mélange des genres ne l’effraie pas outre mesure.

Passionné de musique (il préside toujours le Théâtre des Champs Elysées), il lui est arrivé d’aller à l’opéra avec Krasuky, l’ancien secrétaire général de la CGT - et mozartien éminent.

En 1992, il crée sa propre boîte de conseil en ressources humaines, Altédia.

Tandis qu’il conseille Chirac et ses Premiers ministres en sous-main et préside le très officiel Conseil d’orientation pour l’emploi, il truste les commandes publiques : communication sur les mesures de Fillon pour les retraites en 2003, accueil et orientation des chômeurs sous-traités par l’ANPE, SNCF, etc.

Les grosses boîtes privées se greffent bientôt sur ces marchés juteux.

Un homme qui a l’oreille des grands de ce monde n’a pas de prix.

Lorsqu’il décide de revendre Altédia, en laissant son épouse à un poste clé, Soubie en a fait une boîte prospère forte de plus de six cents salariés.

Il vient aujourd’hui de prendre le contrôle d’une agence de presse spécialisée dans le social, l’Agence Emploi-Formation (AEF), dont il a confié la direction à son épouse.

Riche de plus de cinquante journalistes, celle-ci diffuse ses articles par Internet.

Avec un peu de chance, l’Elysée accordera bientôt aux agences numériques un statut fiscal identique à celui des autres agences de presse - une des propositions des récents Etats généraux de la presse -, et AEF décrochera le gros lot.

Mais qui, à l’Elysée, pourrait y voir un conflit d’intérêts ?.

Par Jérome Canard dans Le Canard enchaîné du25/02/ 2009

Transmis par Linsay



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