José Manuel Barroso : Porto pas allègre.

mercredi 29 avril 2009
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Soutenu, pour sa réélection, par quelques poids lourds européens, le président portugais de la Commission européenne a plus couru après la crise qu’il ne l’a précédée.

Pas de pot pour les eurodéputés Verts et socialos (français, au moins).

Ils viennent d’être victimes d’un dommage collatéral à la désignation du Premier ministre danois de centre-droit Anders Fogh Rasmussen au secrétariat général de l’Otan.

En juin prochain, passé les élections du 7, ces combatifs parlementaires se proposaient de soutenir la candidature, à la présidence de la Commission européenne (1), de son compatriote et prédécesseur (social-démo) à la tête du gouvernement, Poul Nyrup Rasmussen.

Contre la reconduction du sortant, le très policé José Manuel Durâo Barroso.

Mais deux représentants du petit Danemark, par surcroît deux Rasmussen, à la tête de deux grandes institutions occidentales, ça fait peut-être un peu beaucoup...

Par surcroît, le combat n’était pas gagné d’avance. C’est vrai, ces temps-ci, les oreilles de Barroso, 53 ans, doivent beaucoup siffler.

La presse européenne n’est que reprise des critiques, multiples, de ses adversaires, auxquels s’est d’ailleurs récemment et avec éclat joint Jacques Delors.

Une agression caractérisée : alors que Martine ’Aubry) souten,ait précisément Rasmussen, son papa est allé jusqu’à avancer les noms decFillon et ce Juppé pour présider la Commission.

Thème général de la complainte des anti-Barroso : ex- Premier ministre portugais (de droite), désigné par défaut en 2004, toujours porté à donner raison, au dernier qui a parlé, « le caméléon de Bruxelles », selon le sobriquet et le reproche les plus courants à son sujet, s’est révélé très en deça de ce que la crise exigeait de lui et de ses commissaires.

Un grief consciencieusement développé par l’ex-secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Jean Pierre Jouyet (2) :
« Le vendredi 10[octobre 2008 ), alors que Fortis est au bord de la faillite, José Manuel Barroso, que je croise à New York, se moque presque de moi : »Jean-Pierre, tu as tort, me dit-il.

Il ne faut pas alarmer les gens. Il s’agit avant tout d’une crise américaine« . »Regardez-le à la télé. Au lieu de se mettre en avant, il se tient toujours à trois pas derrière les grands dirigeants européens", en rajoute un eurodéputé libéral, cependant que des malveillants de Bercy font observer que depuis un an les commissaires à la Concurrence et à l’Agriculture ne se sont pas exposés au surmenage.

Pas trop étonnant, glisse-t-on à Bruxelles, Barroso a freiné leurs initiatives pour ne pas gêner sa réélection.

En dépit de cette flatteuse réputation, ou peut-être à cause d’elle, José Manuel s’est vu assuré des soutiens les plus massifs.

A droite (les démo-chrétiens d’Angela Merkel), mais aussi à gauche : Gordon Brown tout d’abord, à qui Barroso, atlantiste, libéral et ex-bushiste entre les bushistes, n’a jamais fait d’ombre, Zapatero ensuite.

Dans le cadre des futures institutions européennes, le Premier espagnol aimerait voir confier le fauteuil de « président de l’Union » à son ami, mentor et prédécesseur Felipe Gonzalez.

Un souhait qui vaut bien quelques marchandages.

Quand au chef du gouvernement socialiste portugais José Socrates, il s’est évidemment rallié à la candidature Barroso, lequel, une fois réélu, se dispensera ainsi d’aller dans son propre pays réanimer une opposition plus trop nerveuse.

Dans cette histoire, le cas de notre immense président est pour une fois un peu complexe.

A titre strictement personnel, Nicolas ne cultive pas trop d’atomes crochus avec José Manuel, grand fan d’opéras et pour les montres plutôt amateur de Swatch que de Rolex, ce qui n’empêche pas quelques sentiments.

Jusqu’à l’année dernière, Sarko le répétait aux journalistes spécialisés :
« Il est sympa, ce type, il est intelligent, et puis il parle français (sic ! :) »

Un langage qui a évolué ces derniers temps : « Il est spécial ! Il me dit tout le temps qu’il est de mon avis, mais en fait ? »

Avant Delors, Sarko ne s’est bien sûr pas privé d’imaginer une Commission européenne Fillon.

La présence de deux Hexagonaux à la tête d’organismes internationaux (Lamy à l’OMC, Strauss-Kakn au FMI) a toutefois modéré sa fougue.

Il s’est donc officiellement résolu à un Barroso bis, moyennant, espère -t-il, quelques avantages commissariaux : par exemple l’attribution à son poulain Michel Barnier de l’important portefeuille du Marché intérieur et de la vice-présidence de la Commission.

Sarko n’a pas l’Etat (européen) modeste.

Pas de panique ! Pour cause de micmac entre traité de Nice et traité de Lisbonne, dont l’adoption est encore soumise au deuxième référendum irlandais d’octobre, la désignation de la nouvelle Commission pourrait être repoussée de quelques mois.

Fâcheux pour les élus de l’extrême droite, qui s’essoufflent déjà dans leur campagne sur les revenus de Barroso ( 24 000 euros mensuels contre 21 000 à Sarko).

Des revenus utilement employés.

« Classez-vous les 4X4 Volkwagen Touareg dans les voitures non polluantes ? », lui a, il n’y a pas si longtemps et très irrespectueusement, demandé un journaliste.
« Je vois à quoi vous faîtes allusion, mais il s’agit du véhicule de ma femme », a répliqué Barroso.

José Manuel, un président qui assume...

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 08/004/2009

Transmis par Linsay


(1) Le président de la Commission européenne est désigné par consensus entre les 27 gouvernements. Sa nomination doit-être approuvée par le Parlement.

(2) « Une présidence de crise », par Jean-Pierre Jouyet et Sophie Coignard (Albin Michel, 2009).



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