Frédéric Oudéa : Décime-moi un Bouton.

jeudi 21 mai 2009
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Ancien collaborateur ministériel de Sarko, le nouveau (petit) prince de la Société générale doit beaucoup à son prédécesseur contesté. Il semble qu’il l’ait un peu oublié.

Et un sarkozyste de plus dans la banque : Frédéric Oudéa, 46 ans cet été, passé la semaine dernière de la direction générale au pédégérat de la Société générale.

En remplacement de l’avenant Daniel Bouton, démissionnaire pour cause de mauvaise réputation, évidemment usurpée.

De 1993 à 1995, Oudéa a en effet conseillé le ministre du Budget, Sarko, et notamment pour les questions sociales, européennes et agricoles.

Le « poireau », c’est-à-dire, le Mérite agricole, est d’ailleurs la seule décoration dont notre techno s’honore.

Attention, toutefois : l’homme est d’abord un méritant.

Fils d’un pro’ de médecine prématurément disparu, il « fait » dans la foulée l’X et l’ENA.

Ensuite, il n’a pas été « placé » par Sarko à la Générale.
C’est son prédécesseur (Bouton) qui l’y a appelé, après l’avoir repéré à la Direction du Budget.

Les chats ne font pas des chiens : ils sont l’un et l’autre inspecteur des Finances.

La fin des relations incestueuses entre haute fonction publique et haute finance (ou grande industrie) est une « rupture » que Sarko n’est pas près d’entamer.

On vient d’en avoir encore la preuve avec l’annonce de la nomination prochaine de l’actuel dircab’ de Christine Lagarde, l’inspecteur des Finances Stéphane Richard (ex-Veolia, ex-Nexity) à la direction de France Télécom.

Richard est au passage un grand ami d’Oudéa, camarade de promotion de l’ENA tout comme l’ancien directeur de Balladur à Matignon Nicolas Bazire, aujourd’hui ponte de la maison Arnault.

C’est un monde ou tout le monde a été dircab’ de tout le monde. Avant d’être directeur de tout.

Au sein de sa propre famille, Oudéa n’est d’ailleurs pas le seul à illustrer cette aisance à passer du public au privé : il a épousé en deuxièmes noces une énarque et ex championne de France de tennis, Amélie Castera [1], qui oeuvre à la direction financière d’Axa après avoir joué les conseillers référendaires à la Cour des comptes .

« L’intérêt public n’est pas concentré dans les mains de l’administration, confiait l’an dernier Oudéa à »Libération".
L’entreprise aussi est créatrice de valeurs, d’emplois et contribue à l’intérêt général."

Il faut en faire des études, pour énoncer de tels clichés qui ne convainquent même pas ceux qui les profèrent !.

Au fil d’une carrière somme toute éclair à la Générale, notre pédégé nouveau est bien le seul bénéficiaire de l’affaire Kerviel (janvier 2008).

A l’époque, évidemment critiqué, en butte aux sorties à répétition de Sarko à son encontre, le patron Bouton ne voit pas de meilleure solution pour conserver son fauteuil présidentiel que de confier la direction générale du groupe (160 000 salariés, 27 millions de clients particuliers dans le monde) à ce collaborateur apprécié du prince.

Il en a été largement récompensé.

Tous les observateurs spécialisés l’ont relevé : à son point de presse du jeudi 7 septembre, Oudéa n’a pas mentionné une seule fois le nom de son prédécesseur (et ex-mentor).

L’effet de l’émotion, sans doute.

L’urgence de l’heure, aussi.

Dans le même topo, le boss tout neuf annonçait que la Générale avait perdu dans les 278 millions d’euros au 1er trimestre 2009.

Sûrement par le seul fait de l’ex-patron Bouton, que son successeur n’aura pas voulu accabler.

Loué à l’envi pour sa formidable puissance de travail et son égalité d’humeur, Oudéa, plus jeune il est vrai dans le métier, n’est sans doute pas totalement exempt des égarements prêtés à Bouton.

En 2008, quand se produisent les premiers gros pépins de la maison, il est directeur financier (et depuis cinq ans) du groupe.

En mars dernier, il vient aussi en tête des heureux gagnants du grand plan de stock-options retiré à la hâte parce qu’il fait scandale alors que la banque a reçu des subsides de l’Etat !.

A l’occasion, Oudéa y est également allé de fortes déclarations historiques.

En août 2007, par exemple, il ne barguigne pas :
« Nous avons bien montré à quel point notre exposition sur le marché actuel du crédit était limitée ».

Six mois après, la Générale était contrainte de le confesser : elle venait de paumer près de 7 milliards d’euros (un peu moins de 5 avec Kerviel, de l’ordre de 1,6 pour cause de subprimes)...

Concurrent d’une BNP Paris-bas triomphante, notre banquier n’est pas au bout de ses peines.

L’action a perdu près de la moitié de son cours en un an ; les nombreuses filiales des pays de l’Est inquiètent un peu, et il est depuis longtemps question d’un mariage de l’établissement avec une autre banque.

Il n’empêche.

Il sera beaucoup pardonné à notre pédégé novice pour avoir, avec tant de fraîcheur, mentionné, dans sa notice du « Who’s who », au chapitre de ses « intérêts » et à côté du « golf » et du « ski », sa passion pour « la peinture hollandaise des XVIe et XVIIe siècles » !

Frédéric est un techno trop humain....

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 13/05/2009

Transmis par Linsay


[1Et même, en son temps, championne du monde des moins de 14 ans.



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