Si ! M. Delors, les peuples ont de la mémoire !

jeudi 25 juin 2009
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Les appels de John Monks, secrétaire de la CES, relayés en France par le secrétaire général de la CGT, à aller « voter pour une Europe sociale » n’ont pas été entendus par une grande majorité de travailleurs, notamment les jeunes, qui ont décidé de s’abstenir en toute connaissance de cause. « L’Europe sociale », il y a bien longtemps qu’ils n’y croient plus depuis qu’ils ont compris que la construction européenne n’avait été conçue et mise en œuvre que dans l’intérêt du capital au détriment du travail et pour empêcher l’expression de la souveraineté populaire.

Dans un entretien à la publication « Alternatives économiques » du 3 avril 2009, Jacques Delors expliquait que le désintérêt des peuples résultait d’une érosion de la mémoire : les peuples paraissent avoir oublié pourquoi l’unité européenne est née, les objectifs des pères de l’Europe étant la réconciliation, la fin des conflits, la solidarité, la liberté. Et il ajoutait : « Les peuples sans mémoire n’ont pas d’avenir ». Si, M. Delors, les peuples ont de la mémoire. C’est justement parce qu’ils ont de la mémoire qu’ils sont de plus en plus nombreux à refuser de voter dans toute l’Union européenne mais pas pour les raisons que vous avancez.

Ils se souviennent que François Mitterrand leur avait promis en 1983 :« L’Europe sera sociale ou ne sera pas » ; que c’est le même Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, qui a initié et mis en œuvre l’Acte unique ouvrant à la concurrence les marchés des capitaux, des biens, des services et des travailleurs ; que l’Union européenne a participé aux guerres dans les Balkans et est devenue le cheval de Troie de l’OTAN. Ils ont aussi et surtout en mémoire la façon dont le rejet du traité de constitution européenne (avec une forte participation de 70%) a été bafoué par la manœuvre parlementaire qui a fait adopter le traité de Lisbonne. Le peuple français a tiré les enseignements de ce déni de démocratie en s’abstenant massivement le 7 juin à près de 60%, 70 à 80% dans les quartiers populaires et 77% dans les départements d’Outre-mer. Cette abstention, qui constitue un record historique, exprime avant tout un rejet de l’intégration européenne et de ses politiques antisociales et de démantèlement des services publics. Effectivement, parmi les abstentionnistes, on retrouve un fort pourcentage de ceux qui avaient voté « non » en mai 2005 et qui n’ont pas trouvé d’autre façon de s’exprimer dans cette élection. En s’abstenant ainsi massivement, ils ont répondu à leur façon au président de la Commission européennes, M. Barroso, qui a félicité le 3 mai 2009 les parlementaires européens : « Vous pouvez être légitimement fiers du travail accompli ».

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le taux d’abstention est élevé dans presque tous les pays de l’Union européenne, 57% en moyenne. Mais il est encore supérieur dans les pays de l’Est nouveaux membres de l’Union européenne depuis 2004 (ou 2007 pour la Bulgarie et la Roumanie). Particulièrement courtisés après la chute de l’URSS, leurs peuples se sont tournés vers l’Union européenne qui leur était présentée comme un eldorado de la consommation. Obligés d’appliquer des critères d’adhésion très contraignants qu’on leur imposait, ils ont peu réagi à la casse de leurs services sociaux, à l’augmentation des importations et à la privatisation de pans entiers de leur économie. Quel désenchantement depuis leur adhésion ! N’attendant rien de l’Union européenne, subissant au contraire ses injonctions et ses directives, ils se sont massivement abstenus avec des taux d’abstention souvent supérieurs à 70% : 80% en Slovaquie, 79% en Lituanie, 75% en Pologne, 72% en République tchèque, en Roumanie et en Slovénie, 64% en Hongrie, 62% en Bulgarie. Ces résultats n’ont pas empêché le journal « Le Monde » du 8 juin de juger les Polonais « euro enthousiastes » !

Cette vague d’abstentions, une véritable déferlante, n’a pas empêché la plupart des commentateurs et responsables politiques, à droite comme à gauche, de proclamer dès le lendemain de l’élection leur « besoin d’Europe » ! D’autres, plus perspicaces, ne cachent pas leur inquiétude comme Jean-Claude Juncker, le président luxembourgeois de l’Euro groupe, pour qui on aurait tort de sous-estimer « le caractère explosif » de la situation : « Nous sommes au milieu d’une crise économique et financière, nous allons vers une crise sociale puisque crise d’emploi il y aura (...). J’ai l’impression que beaucoup d’hommes politiques sous-estiment l’impact du phénomène ». Il a mille fois raison de prévoir une explosion sociale puisque les politiques antisociales, qui vont se renforcer, en aggravant les injustices et les inégalités, ne pourront que déboucher sur des luttes revendicatives. La voie du changement ne peut venir que par les luttes à tous les niveaux. A nous, communistes, de contribuer à faire grandir ces luttes en les inscrivant dans la construction d’une politique progressiste dégagée du carcan de l’Union européenne et ouverte à des coopérations internationales fondées sur l’avantage mutuel dans le respect des souverainetés nationales.

L’EUROPE EN BREF...

- D’après l’office européen des statistiques, Eurostat, l’Union européenne a rejeté 73% des demandes d’asile en 2008 (240 000 ont été enregistrées) ; en France, les rejets ont atteint 84%.
- Trois groupes italiens sont en tête du classement des plus grands bénéficiaires de la politique agricole commune : Italia Zuccheri (139,7 millions €), Eridania Sadam (125,2), Instituto centrale della banche popolari italiena (95,8). Trois groupes français sont parmi les 25 plus grands bénéficiaires : Doux (62,8), Saint Louis Sucre (38,6), Sucrière de la Réunion (25,6). La PAC profite surtout à l’industrie agroalimentaire plutôt qu’aux agriculteurs.
- Le commissaire européen au marché intérieur, l’Irlandais McCreevy, a demandé aux gouvernements des pays de l’UE de « résister » à la tentation de taxer les grosses fortunes pour éponger le déficit public. En instaurant un bouclier fiscal en faveur des grandes fortunes, Nicolas Sarkozy n’a pas eu de mal à résister à cette tentation !
- Un récente publication de l’Institut syndical européen « Benchmarking Working Europe 2009 » constate que, ces dernières années, l’emploi a augmenté mais « principalement les emplois à temps partiel ou précaires » ; elle note également que « les salaires des travailleurs ont diminué de manière assez significative ».
- Les échanges de biens entre l’Union européenne et la Chine ont plus que triplé en valeur entre 2000 et 2008 ; le déficit commercial de l’UE est passé de 49 milliards € en 2000 à 169 en 2008. L’Allemagne est le premier dans l’UE, à la fois pour l’exportation (43% des exportations de l’UE) et l’importation (21%).



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